Un matin d’hiver, le crieur public parcourt les ruelles du village, en sonnant dans sa corne. Au nom d’Hérode, il promulgue, en araméen, l’édit d’Auguste[1] ordonnant le recensement. Ici comme en Égypte, l’inscription se fera dans la ville d’origine. C’est là qu’avec grand soin sont conservées les généalogies[2]. Le charpentier et Marie devront donc gagner Bethléem, patrie de David leur ancêtre. Joseph, comme chef de famille, Marie comme fille unique et héritière de Joachim. Long et pénible déplacement (quatre à cinq jours de marche) pour de pauvres artisans ! Mais tous deux savent que Dieu se sert des hommes, de leurs folies et de leurs crimes pour réaliser ses desseins. Or le prophète Michée (v. 2) n’a-t-il pas annoncé que le Messie naîtrait à Bethléem ?
L’âme meurtrie mais calme, Joseph prépare tout. Dans la double besace de l’âne — le petit âne gris, sobre et vaillant, de tous les foyers populaires — il range d’un côté ses outils, de l’autre les langes, les provisions. Marie prendra place en arrière du bât. Et ils partent, par la plaine d’Esdrelon, l’inhospitalière Samarie. Routes noires de chars, de chameaux, encombrements. Au nord du Jourdain, les chemins noyés de pluie ressemblent à des affluents du fleuve. Ciel brumeux et bas. Joseph, la bride de l’âne dans sa main, suit, ses vêtements maculés de boue, le bord du chemin, se garant des bruyants attelages.