Il y avait vingt minutes que Sonia rampait. Ses épaules étaient maintenant douloureuses, ses genoux et ses coudes en sang. Elle s’arrêta une minute pour respirer, mais le fit sans ouvrir la bouche pour que son souffle précipité ne fit pas de bruit. Cependant, elle ne permit à son oreille, tendue vers l’épaisseur de la nuit, nul répit : une minute d’inattention pouvait les perdre, elle et Michki.
Tout à coup, la lune sortit de derrière un nuage comme un ballon du foulard apparemment vide d’un prestidigitateur. Alors la fillette tressaillit : à moins de vingt mètres d’elle sur un talus naturel, un homme était assis. Du moins la silhouette massive et floue pouvait-elle être prise pour celle d’un homme.
« Mère de Dieu, protège-nous ! »
D’une main un peu nerveuse, Sonia tira sur la ficelle qui la liait au bras de son frère, aplati comme elle dans les herbes, quelques pas en arrière. Le coup était net, unique. Le petit bonhomme n’eut pas besoin de compter : cela voulait dire : « danger ». C’était la première fois, depuis leur départ, que sa jeune guide lui passait un tel message. Chacun des précédents l’avait inutilement ému, le temps entre le premier et le second coup lui ayant paru chaque fois une éternité. Cette fois-ci il ne s’était, au début, pas trop inquiété. Mais quand il eut compris que la ficelle ne sauterait pas de nouveau sur son bras, il saisit que le moment de leur destin avait sonné.
« Mère divine, protège-nous ! », murmura, comme l’avait fait celui de Sonia, le cœur du petit Ukrainien.