∼∼ XV ∼∼
Non ! non ! laisse-moi, Marianick ! Je veux rester avec maman… avec maman !
Et pan ! pan ! Pierrot envoie des coups de son petit pied dans toutes les directions, et fait une colère rouge, tandis que Marianick le maintient d’une main vigoureuse.
— Crie tant que tu voudras, mon petit fieu ! quoique à ta place j’aurais grand’honte ! Mais de rester chez ta maman qui a une mine de pendue, ça, n’y compte pas !
Bernadette, accourue au bruit, entend la dernière phrase.
— Tu trouves que maman a mauvaise mine ? dit-elle inquiète.
— Las ! Vous la faites courir toute la journée, et vous ne pensez qu’à vos vieilles pierres, à vos grottes, à vos montagnes et à tout le tremblement. C’est sa figure que faudrait regarder. C’est plus intéressant que le reste !
Et Marianick entraîne Pierrot en bougonnant.
Bernadette reste interdite.
Serait-il vrai que l’on ait ainsi fatigué sa mère sans s’en rendre compte ? Jamais maman ne se plaint, se dit mentalement la jeune fille, et nous en profitons en égoïstes. Papa est si peu souvent là, il ne se rend pas compte non plus.
Et Bernadette va trouver tante Jeanne. Il en résulte que, dès le lendemain, tout le monde (sauf le chef de famille retenu à Rome pour ses affaires) part pour Frascati, dans les monts Albains. Une toute petite maison basse, un site frais, beaucoup d’ombre, un air léger… Comme maman va se reposer là, bien installée dans un grand fauteuil de paille, sous les arbres ! Les garçons sont les moins satisfaits. On leur rappelle qu’ils ont des lettres à écrire ;… mais le soir Bernard propose à son cousin :
— Veux-tu que nous étudiions un peu ? Yvon m’a prêté des livres.
— Moi, dit Jean, ça m’intéresserait de savoir comment se sont convertis les peuples dont nous n’avons encore jamais parlé.
Ceux du centre de l’Europe, par exemple.
— Cherchons dans ce gros bouquin. Tiens, voilà : « Conversion des Saxons. »
— Ça, inutile, nous le savons. C’est la lutte de Witikind et, de Charlemagne, qui a des phases tragiques, et se termine pourtant par le baptême des barbares. Continue.
— « Conversion des Normands. »
— Connue aussi ! Tu te souviens, c’est leur brave chef Rollon, qui fait de la Normandie une des provinces les plus chrétiennes de France.