Si Charles de Foucauld est canonisé un de ces jours, on pourra dire de lui : c’était le plus gourmand des saints.
A vingt ans, quand il était élève à l’école de cavalerie de Saumur, il se souciait fort peu de ce qu’on pouvait donner à manger au réfectoire, il s’arrangeait pour dîner toutes les fois qu’il pouvait chez Budan, le meilleur restaurant de la ville. S’il était aux arrêts et mis dans l’impossibilité de sortir, ce qui arrivait souvent, il se faisait apporter du dehors des plats de luxe et des vins fins pour festoyer en compagnie de son ami le marquis de Morès et de quelques autres camarades.
A portée de son lit, il avait d’ailleurs en permanence du pâté de foie gras et une bouteille de vieux vin pour pouvoir se remonter le moral en cas d’insomnie.
Rien de tout cela ne lui suffisait. En cette bonne ville de Saumur, Charles de Foucauld connaissait quelques familles de parents et amis qui l’invitaient de temps à autre à des goûters.
Les enfants le redoutaient comme la peste, car dès qu’il s’approchait de la table des gâteaux, ceux-ci disparaissaient comme par enchantement. Aussi quand les parents disaient aux enfants : surtout ne suivez pas l’exemple de votre grand cousin Charles, les enfants étaient tous bien d’accord.
A part cela il était amusant, plein de gentillesse, toujours prêt à inviter quelqu’un à faire bombance avec lui, dès qu’il y pensait, mais il n’avait qu’une envie : bien jouir de la vie et en faire le moins possible. A vingt ans il adorait se faire voiturer en fiacre comme un vieux monsieur ; à force de bien manger il était devenu gras et presque obèse.
Né à Strasbourg en 1858, Charles de Foucauld était devenu orphelin quand il était encore petit garçon et il avait été élevé par son grand-père le colonel de Monet qui fut très bon et très faible avec lui. Charles fit des études secondaires passables. Pour faire plaisir à son grand-père, il se présenta à l’école militaire de Saint-Cyr et fut reçu 82e sur 412, mais il n’en sortit que 333e sur 386. Il put ainsi entrer à l’école de cavalerie de Saumur, et il réussit encore l’examen de sortie, mais 87e sur 87.
A ce moment-là il était majeur, et comme ses parents étaient morts, il reçut en héritage une très grosse fortune. Il y puisa tout de suite à pleines mains pour s’offrir tous les plaisirs qu’il désirait. Bref il se comportait exactement comme le fils prodigue de l’Évangile.
Bien entendu, il ne mettait plus les pieds à l’église et ne croyait même plus à la religion.
Nommé officier aux Chasseurs d’Afrique, il fit un tel scandale que le colonel, indigné, lui demanda de rentrer dans le droit chemin ou de quitter l’armée. Mais Foucauld se moquait éperdument des remontrances du colonel et le résultat fut que, le 20 mars 1881, le sous-lieutenant Charles de Foucauld fut renvoyé de l’armée. Il avait vingt-deux ans.