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Saint Guénolé était en charge de l’Ile de Sein qui s’appelait à l’époque Insula Seidhun. Il protégeait les habitants qui se laissaient influencer encore trop facilement aux injonctions des beaux parleurs envoyés par le diable.
Il faisait l’aller-retour entre l’abbaye de Landevennec et l’île, et s’arrêtait souvent au Bec du Raz pour y contempler sa cité posée sur l’eau. Il envisageait de construire un pont entre le Bec et l’île afin de permettre des voyages plus confortables et moins dangereux par mauvais temps entre Seidhun et le continent. Il l’avait promis au capitaine de l’île.
* * *
Il en était là dans ses réflexions quand un beau jeune homme s’approcha de lui. Mais à ses pieds fourchus et à sa langue mielleuse, Saint Guénolé reconnu le diable en personne.
— Que me veux-tu, Polig ? (Petit Paul, surnom du diable)
Sainte Anne, ô bonne mère, Toi que nous implorons, Entends notre prière, Et bénis tes Bretons !
Tel était à Rome, le chant de ralliement de toute la Bretagne, pendant le pèlerinage breton de l’Année Sainte.
Ce ne sont pas les Bretons qui ont choisi Anne pour patronne ; c’est Dieu lui-même qui a donné à Sainte Anne la Bretagne, et sainte Anne aux Bretons. Belle et curieuse histoire.
Il y a fort longtemps, s’élevait au village de Ker-Anna, (dans l’actuel Morbihan), une chapelle dédiée à l’aïeule de Jésus. De cette chapelle, détruite vers l’an 700, il ne resta dans les siècles suivants qu’un souvenir de plus en plus vague ; des vestiges de plus en plus rares, au champ du Bocenno.
Une nuit de l’année 1623, Yves Nicolazic, cultivateur au village de Ker-Anna est éveillé par une clarté qui remplit sa chambre. Au milieu de cette grande lumière, il voit une chandelle allumée.
Six semaines plus tard, même chose ; cette fois au Bocenno.
Souvent encore, Nicolazic trouve sa chambre illuminée par le mystérieux cierge : le plus fort est que, lorsqu’il rentre à la ferme à la nuit tombée, « la chandelle de cire « marche à côté de lui pour éclairer son chemin. Plus besoin de lanterne ! Et, chose curieuse, si le vent balaie la lande, et incline les genêts, la flamme de la chandelle ne vacille même pas.
Nicolazic s’inquiète. S’il avait bu, rien à cela d’étrange ; chacun sait que le cidre, ça donne des idées… Un brave homme n’a-t-il pas assuré avoir rencontré sur sa route une marée de serpents. Un peu plus loin, une troupe d’éléphants… en Bretagne ! Et que sais-je encore !… Mais Nicolazic ne buvait pas ; nul ne l’avait vu tituber au long des maisons et dans les chemins creux. Chrétien exemplaire, il jouissait de l’estime de tous. S’il apercevait des lumières à la maison, aux champs, il n’avait pour tant rien d’un illuminé. Alors, que signifiait tout cela ?
Si encore il ne faisait que voir ; mais il entend : deux fois en cinq semaines, à l’endroit de l’ancienne chapelle, il a été charmé par des chants angéliques accompagnés d’une musique agréable et d’une intense clarté qui éclairait jusqu’au village, à cent mètres de là.