La terre est un miracle de beauté en ce jour d’automne. On ne peut la décrire. Les mots ne suffisent pas. Il faut regarder et sentir. Les grands châtaigniers sont légers, légers, la moitié de leurs feuilles sont à terre, toutes dorées, comme dans le jardin du Paradis. À travers les arbres on voit le ciel bleu. Quelques feuillages rouges se détachent sur les autres.
Madeleine qui a repris sa robe de fillette, mange sa part de tarte avec un plaisir si évident que Marcel le taquin ne peut manquer de le remarquer.
MARCEL
Pour un martyr, tu as l’air rudement gourmande !
MADELEINE (malicieuse)
Tu ne me feras pas mettre en colère ce soir ! Vois-tu, je suis affamée. C’est fatigant tous ces rôles où on pleure.
MARCEL (gentiment)
C’est ce que j’ai pensé. Tiens ! voilà encore de la tarte, j’en ai pris deux morceaux pour toi.
MADELEINE (ravie)
Oh merci ! (Elle saisit le morceau.)
MARCEL (après un silence)
Papa était là pour la fin de la pièce.
MADELEINE
Je l’ai vu. Il pleurait.
MARCEL
Comme tout le monde.
MADELEINE
J’aime autant qu’André ne soit pas venu. Être malade c’est déjà triste. Mieux vaut l’égayer.
MARCEL
Maman viendra à la Bénédiction.
UNE VOIX LOINTAINE DANS LE BOIS
Madeleine, Marcel ! venez vite !
