Veillées de Noël
Cette légende, l’une des plus populaires de l’Herzégovine, parait avoir été mise en vers au XIIe siècle.
Or, c’était la nuit de Noël ; la neige tombait à gros flocons et le vent gémissait dans les branches des grands arbres.
Et dans le hameau, toutes les chaumières étaient désertes, et les habitants s’acheminaient gaiement vers la chapelle de bois bâtie au sommet de la montagne.
Cependant une petite maison était restée éclairée. Or, dans cette maison était un berceau où gisait un petit enfant malade ; sa mère pleurait à genoux.
Dans le fond de la chambre était une petite lampe fumeuse, dont la flamme vacillait tristement.
La neige tombait toujours, et le vent gémissait dans les branches des grands arbres.
Lors la pauvre mère se pencha sur le berceau de son enfant et elle regarda.
Et elle vit que son front était pâle et ses lèvres décolorées, et la pauvre mère pleura plus fort.
Et la neige tombait toujours, et toujours vacillait la flamme de la lampe.
Lors se fit entendre le son argentin de la petite cloche qui annonçait le commencement de la messe.
Et la mère pensa en elle-même et se dit : « Tous ont été implorer la Vierge et l’Enfant Jésus ; seule je suis restée ici ; pourquoi n’irais-je pas aussi à la crèche ?… Jésus guérirait mon fils. »
Et tout à coup, se levant, elle sortit ; et elle ne vit pas que la neige tombait toujours et que le vent gémissait dans les branches des grands arbres.
Mais, se dirigeant à grands pas vers l’église, elle se répétait : « Jésus guérira mon fils. »
Et elle marchait plus rapidement à travers les petits sentiers frayés dans la neige.
Bientôt elle arriva à l’église ; elle y entra et alla s’agenouiller en pleurant devant la statue de la Vierge et elle pria :
« Bonne Vierge, dit-elle, mon enfant ! mon enfant !… » Et sa voix s’éteignit dans un sanglot.
Mais sans doute, l’Enfant Jésus et sa Mère comprirent le reste de sa prière.
Car elle vit tout à coup comme un sourire d’une douceur ineffable errer sur les lèvres de marbre.
Et il lui sembla entendre une voix douce et céleste qui disait : « Ton fils est guéri ! »
Et l’Enfant Jésus lui tendait les bras.
La pauvre mère se releva, quitta l’église et rentra dans sa demeure, tandis que la neige tombait toujours et que le vent gémissait dans les branches des grands arbres.
Elle écarta les rideaux de la couche de son enfant et vit qu’il souriait dans son sommeil : elle reconnut le sourire de l’Enfant Jésus et elle le contempla longtemps.
Puis, tout à coup, le saisissant dans ses bras, elle l’embrassa avec amour et elle tressaillit : le front de son fils était froid comme un morceau de marbre.
Et la flamme de la lampe vacillait tristement et toujours gémissait le vent dans les branches des grands arbres.
La pauvre mère tomba évanouie et il lui sembla voir le chœur des anges qui entouraient le berceau de l’Enfant Jésus et chantaient : « Gloire à Dieu ! »
Ils étaient vêtus de longues robes blanches et tous lui souriaient doucement ; mais l’un d’eux la regardait en lui tendant les bras comme pour l’appeler.
Et son visage était semblable à celui de l’enfant, et la voix céleste de la chapelle murmurait encore à l’oreille de sa mère : « Ton fils est guéri ! »
Et la neige tombait toujours, et la flamme de la lampe vacillait tristement, et le vent gémissait dans les branches des grands arbres.
Et quand les habitants rentrèrent au hameau et qu’ils ouvrirent la porte de la chaumière, ils virent deux cadavres étendus au pied du berceau.
Et l’on dit que cette nuit deux âmes quittèrent la terre et que deux voix de plus chantèrent dans les cieux .
Car un pâtre de la vallée vit deux ombres blanches qui s’envolaient au-dessus du hameau, tandis que le vent gémissait dans les branches des grands arbres.
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