Suzon, Suzon, cria Claude, je viens d’entendre du bruit à l’étable !
— En es-tu sûr, demanda la sœur aînée qui tricotait au coin de l’âtre ? C’est la bise peut-être qui fait grincer la porte ou la fenêtre. La maison bouge toute. Quelle tempête dehors ! »
Suzon était une robuste fillette de douze ans au visage calme et énergique. Elle se leva de sa chaise pour voir l’heure que marquait l’horloge et ajouta :
« Comme Papa et Maman rentrent tard ce soir !
— Je parie que le train est en panne au tunnel du Val-Noir comme lundi dernier », soupira Riquou, l’un des cadets.
« Ça se peut bien, fit-elle, la bise a soufflé toute la journée. Il a dû s’amasser de formidables couches de neige sur la voie et dans les chemins… Allons, mes petits, il est tard, il faut aller se mettre au lit. »
Ses quatre frères et sœurs l’entourèrent avec des cris de protestation et Jeannette, la petite dernière, se mit à pleurnicher :
« Attendons un peu. J’aurai peur toute seule dans ma chambre.
— Poltronne va, peur de quoi ? Des rats ? De la bise qui chante dans la cheminée ? Je t’ai souvent répété que…
— Suzon, interrompit Claude, en la tirant par la manche de son tablier, je viens encore d’entendre du bruit dans l’étable.
— Allons voir, lança-t-elle. C’est peut-être la génisse qui s’est détachée. Si elle s’amuse à corner le mulet, elle recevra une bonne ruade. Elle pourrait avoir une patte cassée. Riquou, toi le plus courageux, viens avec moi. Les autres restez ici. »
Suivie de son frère, elle s’en fut pousser la porte de bois qui faisait communiquer la cuisine avec l’étable, comme dans beaucoup de fermes de la montagne.