Mes petits enfants, par ce temps de misère, il y a beaucoup de pauvres. Il faut prier pour tous ceux qui sont sans feu, sans maison…, pour ceux qui, en France, ont quitté leur chez eux, n’emportant que si peu de chose ! Savez-vous que tous ceux-là sont de grands amis du bon Dieu ? N’a-t-il pas choisi pour Lui-même, quand Il S’est fait homme, d’être pauvre et dénué de tout ?
À Noël, vous avez fait la crèche ; vous avez couché l’Enfant Jésus sur la paille… Vous L’avez entouré de bergers… Lui, le Seigneur et Maître, le Créateur du Monde : de la terre, du ciel, des étoiles, de tous les anges, de tous les hommes… C’est pourquoi je veux vous conter l’histoire de Jeanne Jugan, une pauvre qui aima tant les pauvres.
Jeanne est née à Cancale en Bretagne, le 25 octobre 1792, pendant la grande Révolution. Son père était marin comme la plupart des Cancalais ; six mois sur douze, il était en mer pour la grande pêche… et un jour, il ne revint pas… Son doris s’était sans doute perdu dans les brumes de Terre-Neuve… Pauvre petite Jeanne Elle n’avait que cinq ans !
Des sept enfants de Jugan le marin, trois moururent en bas âge.
Jeanne, la cinquième de la petite famille, était une très bonne petite fille, obéissante et travailleuse. Elle gardait les deux benjamins, aidait sa mère de toutes ses forces, et dès qu’elle fut assez grande, se plaça comme aide de cuisine à la Mettrie-aux-Chouettes. Ce n’était pas loin de chez elle, mais un jour il lui fallut dire adieu à sa maison, à son village des Petites-Croix… C’était dur, et elle pleura beaucoup. Pourtant, elle n’allait pas très loin…, seulement à Saint-Servan, près de Saint-Malo… Elle entrait comme infirmière à l’Hôpital du Rosais, sur la Rance.
Jeanne avait pensé se marier, puis au cours d’une mission, elle avait compris que le bon Dieu la voulait toute à Lui, pour une œuvre… mais sans savoir laquelle… Alors elle attendait, en secourant les malheureux.
Et voilà qu’une bonne demoiselle la pria de quitter l’hôpital pour venir la soigner. Jeanne accepta, et vint habiter rue du Centre, chez Mlle Lecoq. Elle avait beaucoup de manies ; Jeanne la servit et la soigna avec tant de patience qu’elles devinrent de grandes amies, si bien qu’en mourant, la bonne demoiselle légua à sa servante son mobilier et 400 francs.
Où mettre ce mobilier ? Ça coûte de louer une chambre !… Justement, Françoise Aubert, dite Fanchon, cherche une compagne… À deux, les frais seront moins lourds. Fanchon restera au logis, fera le ménage et le « fricot », filera sa quenouille, tandis que Jeanne ira en journées pour gagner le pain quotidien.
Bien que peu solide la grande Jugan, comme on disait, était une travailleuse. Elle s’entendait à coudre, à astiquer, faire des lessives ; elle s’entendait surtout à soigner les malades…
Bientôt, à Saint-Servan, beaucoup de familles l’employèrent.
En allant et venant, Jeanne rencontrait beaucoup de pauvres… Elle les aimait, voyant en eux les membres souffrants de Jésus-Christ.
Une fois même, elle pleura en apprenant qu’une vieille aveugle, impotente et dénuée de tout, restait seule. Que faire ? La visiter matin et soir ? Ce n’est pas suffisant. Notre bonne Jeanne lui fait une place dans sa chambre et lui prodigue toute l’affection et tous les soins qu’elle prodiguerait à sa maman.