Après avoir adoré Jésus, les Rois Mages s’en retournèrent dans leur pays. Voici un conte qui nous décrit ce voyage des Rois Mages avec poésie.
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La nuit tombe vite en hiver : déjà le crépuscule commençait, ils allaient sortir du royaume de Juda et gravissaient la dernière colline ; le roi Gaspard était sur son cheval blanc, le roi Melchior sur son cheval brun, le roi Balthazar sur son cheval noir.
Or le Seigneur se pencha du haut du ciel et regarda : un frisson étrange parcourait encore l’univers, toute la Création tremblait, saisie de joie et d’angoisse, car un mystère venait de s’accomplir et depuis le jour où le Tout-Puissant l’avait tirée du néant, rien d’aussi formidable ne s’était produit : terribles avaient été les grandes eaux du déluge qui avaient lavé la face de la terre, et cependant le monde en avait été moins profondément ébranlé.
Comme nous distinguons au milieu d’un vaste paysage l’agitation de quelques insectes minuscules, l’Éternel aperçut les trois Rois qui chevauchaient sur la terre ; il appela à lui ses anges et, leur montrant la colline que les voyageurs allaient gravir : « Vous tracerez un chemin à travers l’espace, depuis le sommet de cette colline, à l’endroit où la route va s’incliner sur l’autre versant, jusqu’au seuil de mon Paradis. » Il dit, et tout aussitôt les légions célestes prirent leur vol et se dispersèrent dans l’étendue.
À toutes les heures, la nuit comme le jour, au crépuscule comme à l’aurore, des nuages flottent au-dessus de la terre ; le vent les disperse ou les rassemble à sa guise, ils sont vains comme les tourbillons de poussière et n’ont aucune destinée à accomplir. Cette nuit-là cependant, ils allaient être les instruments d’une pensée divine.
« Nous ferons ce chemin avec des nuées et des vapeurs », avaient dit les anges, et les vents avaient suspendu leur souffle. Inertes et dociles, les masses légères des nuages demeurèrent en suspens et les ouvriers célestes commencèrent à les pousser vers le sommet de la colline. En même temps, quelques-uns d’entre eux ayant glissé sans s’arrêter vers la terre, vinrent se poser au-dessus des voyageurs et les accompagnèrent, invisibles, mais chantant des chants d’une grâce mélancolique et pénétrante afin de détacher leurs âmes de ce monde et des les préparer au miraculeux voyage.