Maman leur avait dit, ce matin-là, avant de sortir :
— Soyez bien sages tous les trois. Mathieu, tu veilleras sur tes sœurs.
Et Mathieu, tout fier de son importance, avait répondu :
— Oui, maman !
Et il s’amusait avec les petites filles, Véronique qui était sa jumelle (ils avaient dix ans) et Catherine qui n’avait pas encore six ans. La maman était allée livrer son travail, une fine broderie sur laquelle, depuis plusieurs semaines, elle usait ses yeux qui avaient tant pleuré.
— Pourvu que ma cliente me paye, avait soupiré la pauvre veuve. C’est Noël ce soir et je voudrais bien faire un gentil réveillon à mes enfants.
Les enfants aussi pensaient à Noël. Mathieu, tout en alignant sur le plancher les morceaux de bois qui étaient censément un train, revoyait les beaux étalages qu’il avait admirés toute cette semaine, dans les rues, en allant à l’école : les dindes marbrées de truffes, les fruits de toutes les couleurs, les collines de marrons glacés, les montagnes de fondants et de chocolat.
Véronique, elle, s’était plus volontiers arrêtée devant les joujoux ; les poupées, toutes plus jolies les unes que les autres, les ménages, les petites boutiques d’épicerie avec leurs tiroirs étiquetés et leurs minuscules balances pour jouer à la marchande. La petite fille en rêvait…