XIV
Racontés par un cimetière : Jésuites et Lazaristes
Chala, dans Pékin, est, depuis plus de trois siècles, le champ d’honneur du catholicisme chinois. Par la volonté de l’empereur Wanly, et malgré de multiples oppositions, Chala, qui appartenait à un condamné à mort, devint, en 1615, terre chrétienne, afin de servir de sépulture à l’horloger qui, venu pour révéler le Credo, avait d’abord révélé l’existence de « cloches sonnant toutes seules », — ainsi présentait-il les horloges, — et qui n’était autre que le Père Ricci, jésuite. Par la volonté de l’empereur Kanghi, s’éleva à Chala, en 1686, le tombeau du Père Adam Shall, jésuite lui aussi, astronome illustre, mort vingt-cinq ans plus tôt en pleine persécution : ce tombeau, avec sa table à sacrifier, son brûle-parfums, ressemblait trait pour trait aux sépultures princières ; et par la volonté de Kanghi, trois des confrères du défunt, les Pères Verbiest, Buglio et Magalhaes, s’en furent, comme délégation officielle de l’empereur, brûler de l’encens devant la tombe de Shan et y lire une oraison impériale où l’empereur annonçait à l’âme du défunt ses nouvelles promotions, et l’invitait à venir « se délecter des offrandes qui lui étaient faites si par hasard elle pouvait s’en rendre compte ». Deux ans après, c’était au tour du Père Verbiest, autre jésuite, de trouver dans Chala son suprême repos ; et l’on peut lire, aux « Lettres édifiantes », sous la signature du Père Fonteney, la pittoresque description de cet autre cortège funèbre qui, le 11 mars 1688, pénétra dans le cimetière de Chala.
D’abord un tableau de vingt-cinq pieds de haut sur quatre de large, orné de festons de soie, dont le bord était d’un taffetas rouge, sur lequel le nom et la dignité du Père Verbiest étaient écrits en chinois et en gros caractères d’or.
Puis la croix dans une grande niche, ornée de colonnes, et dans une autre niche, l’image de la Vierge et de l’Enfant Jésus ; ensuite un tableau de l’Ange gardien, et, derrière, le portrait du Père Verbiest, « qu’on portait avec tous les symboles qui convenaient aux charges dont l’Empereur l’avait honoré. » Les Pères suivaient en habits blancs, ainsi qu’en Chine il convient pour les deuils ; d’espace en espace, ils s’agenouillaient, et l’assistance, sanglotant à cœur fendre ainsi que l’imposaient les coutumes, ajoutait à la gravité douloureuse de la cérémonie.