Dans les pays scandinaves, en Suède, par exemple, les fêtes de Noël ont commencé plus tôt que chez nous. Elles partent du 13 décembre, le jour de la sainte Luce, pour ne finir que le 13 janvier, le jour de la saint Knut.
De bon matin, le 13, dans les villages, sainte Luce s’en va réveiller les enfants. Elle est vêtue d’une grande robe blanche et elle a sur la tête une couronne de feuilles vertes, garnie de bougies allumées. Elle porte à la main, soit un bol de lait, soit un plateau chargé de café et de gâteaux :
— Gai, les enfants, on est en vacances, préparez-vous pour la Noël !
C’est qu’on n’a pas le temps de chômer. Il y a bien des choses à faire. Il faut que, pour le soir de Noël, la maison soit, non seulement propre et brillante, mais encore ornée. On fabrique des guirlandes pour garnir les murs ; on fait surtout beaucoup de gâteaux. Les enfants sont chargés de découper les pains d’épices qui doivent représenter des bonshommes ou de façonner la pâte d’amandes dont on va faire des bouquets comme vous en avez vu ici même dans les confiseries, représentant des bottes de légumes. Les plus adroits colorient ces légumes. On les mangera au moment du réveillon.
Enfin, voici la nuit de Noël. Les enfants se sont endormis. Seule, la maman veille pour tout préparer. Avant de réveiller les petits pour les emmener à la messe, elle va faire le tour de la maison, ouvrir toutes les persiennes, lever les stores. À chaque fenêtre, elle place une bougie allumée. Il faut que les gens, amis ou passants, qui regarderont ses fenêtres, sachent que là on se prépare pour la messe.
Dehors, il fait très froid, il y a beaucoup de neige. Aussi va-t-on à la messe en traineau. Le traineau, préparé par le père, attend devant la porte. Toute la famille s’y entasse. On part et, tout le long du parcours, celui qui conduit tiendra à la main une torche en flammée. Plusieurs traîneaux vont ainsi, par groupes. On s’est donné rendez-vous entre amis, on s’interpelle en passant, on rivalise de vitesse ; l’air froid pique, mais chacun est de bonne humeur : c’est la nuit de Noël.

Quand on arrive, avant d’entrer dans l’église chaude, toute illuminée et sonore du bruit de l’orgue, les porteurs de torches les jettent près de l’entrée, toutes au même endroit. Elles s’entassent, continuent de brûler et font une flamme haute qui semble monter au ciel.
Le matin de Noël, sitôt réveillés, les enfants prennent leur petit déjeuner et s’en vont en bande, dans la forêt, aidés par un plus grand, pour couper un beau sapin. Vous pouvez imaginer comme c’est amusant de le choisir tout givré, tout vivant, parmi tant d’autres, dans la grande forêt. Ils sont beaux, ces sapins, et se tiennent bien droits, car ils viennent de voir une des plus belles fêtes du monde. C’est que du moins, une vieille légende l’affirme pendant qu’on chante à la messe, au moment anniversaire de la naissance du Christ, la forêt se transforme tout à coup. Elle est solitaire, personne ne s’y promène, personne ne la troublera. Alors, la joie qu’elle aura bientôt du printemps, elle la sent à ce moment-là. La neige de son sol fond tout à coup et des brins d’herbe sortent leur tête et poussent, poussent avec rapidité. Car le miracle est court, il faut se dépêcher. Les sapins se secouent, perdent leur givre. La glace qui recouvrait les étangs se morcelle, les sources se remettent à glouglouter et les ruisseaux à courir. On ne sait pas d’où sortent les papillons gelés qui, accrochés sous des brindilles, attendaient le soleil. Ils font chatoyer leurs ailes. Ils vont de droite et de gauche appeler les oiseaux endormis. Et les oiseaux volètent et chantent. Leurs plus belles chansons de l’été leur reviennent en mémoire. Au ciel, les nuages bas ont disparu et l’on ne voit plus que des étoiles qui se pressent et brillent de toutes leurs forces pour mieux admirer le miracle de la forêt. Mais quand l’heure de minuit est passée, tout rentre dans l’ordre de l’hiver : les étangs se recouvrent, les sources se figent, les ruisseaux s’arrêtent, les étoiles se voilent et les sapins se givrent, tandis que les oiseaux se cachent et que les papillons résignés redeviennent de petits morceaux de glace, avec au cœur, toutefois, la patience de ceux qui sont désormais sûrs du printemps.
