Laure. — Puisque nous parlons de Noël, venez tous, les amis, regarder notre crèche.
Michèle. — Le ravissant petit Jésus, blond et rosé, couché sur la paille !
Christine. — Et la Vierge, sa mère, en tunique bleue, avec ce long voile blanc qui descend en plis gracieux sur ses épaules, comme elle est belle !
Jacques. — Saint Joseph me plaît dans sa robe violet foncé et son manteau jaune.
Christian. — Mais qui sont tous ces petits personnages rangés au fond de la boîte ?
Clémence, sautant de joie. — Té, ce sont nos Santons ! Vous ne connaissez pas les Santons ?
Dans une boîte de carton,
Sommeillent les petits Santons,
Le berger et le rémouleur
Et l’Enfant Jésus Rédempteur.
Le Ravi qui le vit
Est toujours ravi.
Les moutons En coton,
Sont serrés au fond…
Un soir alors — paraît l’étoile d’or
Et tous les petits Santons
Quittent la boîte de carton.
Naïvement — dévotement,
Ils vont à Dieu — porter leurs vœux,
Et leur chant — est touchant.
Noël ! Joyeux Noël !
Noël joyeux de Provence !
Et voilà. Les Santons, c’est toute la Provence qui s’en vient offrir ses hommages à l”« Enfançoun » de Bethléem. Ah ! si vous voyiez nos crèches à Noël ! Longtemps à l’avance nous y pensons, nous en parlons, tous, mère-grand, maman, papa ! C’est tout un paysage, la crèche de chez nous. Et tout le monde y travaille.
Figurez-vous une colline de papier avec ses pins et ses houx naturels. A mi-côte, l’étable avec son toit qui avance et sa porte grande ouverte. Tout au sommet, le village, avec son puits à roue, son moulin à vent, le vrai village de Provence. Une prairie de mousse où lou pastre garde son troupeau de moutons.
Imaginez encore un torrent avec son pont moussu et sa cascade qui tombe dans un petit lac fait d’un miroir où se baignent des canards. De haut en bas, descendent des sentiers sinueux et tout au long cheminent les Santons qui s’en vont vers l’étable, chacun portant son présent.
Regardez-les ! Sont-ils vivants ! Voici le plus aimé des enfants, lou tambourinaire : le tambourinaire. Ses petits yeux pleins de malice ont l’air de dire : « Té, on y va pour la farandole ? » II a mis son plus beau costume : chapeau à larges bords, guêtres blanches, gilet à boutons et la chemise immaculée au col montant, nouée d’une éclatante cravate rouge. Il s’apprête à jouer de son galoubet : les pieds me démangent rien que de le voir.
Laure. — Moi, j’aime « lou pastre eme soun agnéu », le pâtre avec son agneau, qu’il porte sur ses épaules. Il serre les pattes de la petite bête doucement d’une main, et de l’autre tient timidement ; son chapeau. Il a l’air un peu gauche, mais si plein de révérence. Et « /a fiélouse », la fileuse, sa longue quenouille entortillée de laine blanche, l”« agnéu » à ses pieds. Et que dites-vous de notre boulanger et sa boulangère ? Lui, avec sa bonne figure réjouie, elle, toute pimpante, portant sur l’épaule sa corbeille de pains blancs, de pompes et de fougasses dorées.
Clémence. — « Vivo la peissouniero », la poissonnière de Marseille. On dirait qu’on va l’entendre crier tant elle ouvre la bouche jusqu’aux oreilles ! Suspendue à son tablier bleu, la balance de cuivre ; à son bras, la large corbeille plate.
Jacques. — On ne doit pas s’ennuyer devant une crèche si bien peuplée.
Laure. — II faut voir la foire aux Santons à Marseille. J’y suis allée une fois. Elle se tient tout au bout de la Canebière. Des baraques et des baraques de bois blanc ; sur des gradins recouverts de papier blanc, tout le petit peuple des Santons. Tous ils sont là, de toutes tailles, de toutes couleurs, les hommes, les femmes, les enfants de la vieille Provence et même les animaux, l’âne surtout, aux yeux si doux qu’on a envie de le caresser.
Chantal. — Comment fabrique-t-on les Santons ?
Mère-Grand. — Vous allez le savoir après le dîner que vous allez partager avec nous… Si ! Si ! Il faut goûter notre « aïoli » et nos olives et l”«anchoïado ». Nous irons voir notre voisin, maître Ambroise, il n’est plus jeune non plus : c’est un santonnier de la belle époque.
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