Samedi.
En descendant du Calvaire, hier, après la mort de Jésus, j’étais tellement fatiguée et impressionnée par tout ce que j’avais vu que je me suis étendue sur ma natte pour dormir et oublier.
Mais, sans cesse, dans ma tête et devant mes yeux, les scènes terribles que j’avais vues passaient et repassaient, comme un rêve. Tous les événements de ces derniers jours défilaient, et je n’arrivais pas à comprendre comment Jésus, que la foule acclamait, était devenu l’ennemi public numéro un, que tous voulaient faire mourir et qu’on avait cloué sur une croix. On ne l’appelle plus Jésus, ici. Tout le monde dit : « Le Christ ! »
Je revoyais sa figure couverte de sang et de crachats, je revoyais sa mort… Et, comme tous les autres, je pensais « C’est bien fini, Il est mort. » Pourtant, malgré ces moments de désespoir, au milieu de mes larmes, je voyais tout de même le visage de Marie, sa maman, lorsqu’elle est redescendue du Calvaire : la paix et la lueur d’espérance que j’y avais lues et qui m’avaient tant frappée !
De temps en temps, je me levais de ma natte et je sortais sur le pas de la porte pour voir de loin la croix se dresser dans le ciel, ne pouvant croire encore que la journée d’hier n’était pas un cauchemar ! Non, la croix était bien là : Jésus, le Christ, était bien mort.
A la tombée de la nuit, il m’a semblé apercevoir des formes qui s’agitaient au sommet du Calvaire, allant et venant. J’ai eu envie de savoir ce qui se passait et, me faufilant dans les rues, je suis grimpée le plus vite possible au sommet du Calvaire, refaisant tout le chemin parcouru. J’ai compris, en arrivant en haut, ce qui se passait. Aujourd’hui, c’est ici le sabbat, c’est-à-dire le jour où personne ne doit travailler : il ne fallait pas que le Corps de Jésus restât sur la croix aujourd’hui, il fallait donc l’enterre avant la nuit, puisque les gens ne peuvent rien faire pendant le sabbat.
Alors, Joseph d’Arimathie, un ami de Jésus qui fait partie du Grand Conseil de Pilate, le gouverneur du pays, a demandé à celui-ci qu’on lui permette d’ensevelir le crucifié.
C’est ce qu’il faisait, aidé de Jean et de quelques femmes, quand je suis arrivée. Ils avaient descendu de la croix le corps de Jésus et sa maman, assise sur un rocher, Le soutenait.
Elle ne pleurait pas et pourtant, comme elle devait souffrir ! je me suis rappelé ma maman à moi, quand mon petit frère est mort : elle le tenait dans ses bras, elle aussi, et je ne savais pas quoi faire pour la consoler.
En voyant Marie, j’ai compris que si Jésus avait répandu son sang pour le pardon des péchés, comme Il l’avait dit Lui-même, jeudi, à ses disciples, sa maman avait, elle aussi, souffert pour le pardon de nos fautes, et je me suis mise à l’aimer très fort, cette maman qui n’avait rien fait pour éviter que son Fils souffrit à cause de nous.
J’ai eu honte, devant elle, de toutes les bêtises que j’ai faites dans ma vie, et j’ai eu envie de le lui dire. A pas de loup, je me suis approchée et je lui ai jeté mes bras autour du cou en l’embrassant très fort, avec de grosses larmes sur les joues : « Maman, pardon ! » lui ai-je dit. Tout de suite, elle a compris.
J’aurais voulu lui dire que je ne voulais plus faire de bêtises… je n’ai pas su, mais je suis certaine qu’elle l’a deviné ; surtout, je suis sûre que je serai plus forte, maintenant, pour lutter contre tout ce qui est mal, parce que je penserai à lui demander son aide. C’est une maman qui nous a donné son Fils : elle comprend tout et elle nous aime.
Ceux qui étaient là commençaient à envelopper Jésus dans un grand drap blanc, son linceul. Quand cela a été fait, ils L’ont emporté ; je les ai suivis, et j’ai vu qu’ils Le mettaient dans un tombeau creusé dans un rocher. Après avoir couché le corps dans le fond du caveau, Jean et Joseph ont roulé une énorme pierre devant l’entrée et ils sont partis, l’air triste et abattu, sauf la maman de Jésus, qui gardait sur son visage la paix et la lueur d’espérance d’hier.
A peine s’étaient-ils éloignés qu’une escouade de soldats s’est approchée : ils ont scellé le tombeau : « Ses disciples pourront toujours essayer de venir chercher son corps pour raconter ensuite qu’Il s’est ressuscité Lui-même ! Ce serait vraiment trop simple de faire croire cela à tout le monde ! Mais c’est quand même bizarre d’être obligé de garder le corps d’un mort ! Enfin, on aura tout vu ! » Puis ils se sont assis. je suis redescendue, la mort dans l’âme : ça y est, tout est fini, le Christ est enfoui dans un rocher, on ne Le verra plus. Et pourtant, ils ont encore peur de Lui et des disciples, ceux qui voulaient Le faire mourir, puisqu’ils Le font garder !
* * *
Dimanche.
Le Christ Jésus, est ressuscité ! Il est de nouveau vivant ! Vous ne comprenez pas ? Moi non plus, bien sûr, mais c’est vrai, et c’est tellement merveilleux ! Soyez heureux, tous ! Criez-le autour de vous : le Christ est ressuscité !
Ce n’est pas une histoire que je vous raconte : des gens L’ont vu, Lui ont parlé. Donc, c’est vrai.
Hier soir, quand je vous ai quittés, je ne savais plus que penser ! Seul le souvenir de la maman de Jésus me redonnait un peu d’espoir ! Et puis, ce matin, quand je suis sortie, j’ai croisé Pierre et Jean qui couraient comme des fous dans la direction du tombeau ! Je me suis demandé ce qu’ils avaient. Derrière eux, suivait une femme : celle qui était au pied de la croix, vendredi, et que les autres appellent toujours Marie-Madeleine. J’ai surmonté . ma timidité et je me suis approchée : « Dites, qu’est-ce qui se passe ? Pourquoi courent-ils ainsi ? » Elle ne répondait pas, comme si elle pensait à autre chose. « Dites-moi ce qu’il y : il se passe sûrement quelque chose ! » Alors, elle s’est mise à pleurer : « Je suis allée au tombeau avec une amie, ce matin, pour verser du parfum sur le corps de Jésus. Nous nous demandions comment nous ferions pour rouler la pierre qui fermait l’entrée. Et puis, en y arrivant, nous nous sommes aperçues qu’elle n’était plus devant ! Nous avons eu peur ! Plus de gardes non plus à la porte ! En approchant, nous avons vu que le corps de Jésus n’était plus là ! Oh ! c’est terrible, ils L’ont volé ! Je suis venue prévenir Pierre et Jean : ils courent sur les lieux ! »
Marie-Madeleine s’est éloignée. J’ai revu en un éclair le visage de Marie, et j’ai été sûre alors que le Christ était vivant, que la résurrection était réelle.
Deux soldats discutaient dans une impasse : « Mon vieux, nous étions en train de somnoler, quand, tout à coup, nous avons roulé sur le sol, renversés par un grand tremblement de terre, comme vendredi… Une clarté extraordinaire nous a entourés et, sans pouvoir bouger, nous avons vu un personnage qui semblait transparent de lumière. Il était assis sur le rocher dont Il venait de rouler la pierre, et le tombeau était vide ! Cela a duré quelques instants seulement, puis tout est redevenu normal ! Nous avons couru chez le gouverneur pour lui raconter ces faits. Il nous a payés pour qu’on dise que ses disciples sont venus Le chercher pendant que nous dormions. Alors, je te dis la vérité à toi, mais tu ne me vendras pas ! »
Ils se sont éloignés. J’étais ahurie de tant de mauvaise foi.
Vous devinez que je grillais d’envie de revoir Jésus… Alors, je me suis décidée à aller vers le tombeau, dans l’espoir de Le retrouver, moi aussi. Et de nouveau, au coin d’une rue, j’ai rencontré Marie-Madeleine. Elle ne pleurait plus, je vous assure ; son visage était radieux ! Elle m’a sauté au cou et m’a serrée très fort :
« Je L’ai vu, Il vit, Il m’a parlé, Il est ressuscité !
— Oh ! raconte… » lui ai-je demandé.
Elle m’a dit alors qu’elle était retournée, seule, au tombeau, en me quittant tout à l’heure.
Comme elle était près de l’entrée, tout en larmes, elle a entendu une voix qui lui disait
« Pourquoi pleures-tu ?
— Parce qu’on a pris mon Seigneur et que je ne sais même pas où on L’a mis. »
Puis, ne faisant plus attention à Celui qui lui parlait, elle s’est mise à inspecter tous les alentours, espérant trouver un indice qui lui montrerait où elle pourrait trouver le corps de Jésus.
Alors, tout à coup, devant elle, elle vit quelqu’un
« Pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ? »
Elle crut que c’était un jardinier.
« Marie ! » lui a dit Celui qu’elle n’avait pas reconnu tout d’abord.
Alors elle a compris : « O Maître ! »
Mais Jésus lui a dit « Va trouver les autres, et annonce-leur la nouvelle ».
Et Marie-Madeleine est allée le leur dire.
Le cauchemar est fini ! Le Christ est ressuscité ! Dites-le partout !
Babeth.
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