Estelle Faguette
Estelle Faguette naquit en Champagne, dans une famille pauvre et chrétienne. Ses parents cultivaient la terre et gagnaient péniblement le pain de leurs enfants.
Estelle allait à l’école tenue par les Sœurs. C’était une petite fille simple, sérieuse, douée d’un bon jugement. Elle aimait la Sainte Vierge et montrait une grande pitié pour les malheureux. Volontiers, elle eût donné tout ce qu’elle avait sous la main.
Après sa première communion, faite pieusement dans l’église Notre-Dame de Châlons-sur-Marne, Estelle partit avec ses parents pour Paris.
Là, elle est reçue « enfant de Marie », à Saint-Thomas-d’Aquin. Puis, à 18 ans, désirant se donner au Seigneur et aux pauvres, elle entre chez les religieuses de l’Hôtel-Dieu. La novice se met de tout son cœur au service des malades, mais la faiblesse de sa santé l’oblige, à son grand chagrin, à quitter l’hôpital.
Estelle à peu près rétablie entreprend, pour vivre, des journées de couture, puis se place comme bonne d’enfants chez la Comtesse de la Rochefoucauld.
Chaque année, le printemps venu, la jeune bonne suit ses maîtres au château de Poiriers, à Pellevoisin, où l’on passe la belle saison.
Mais avec le temps, la santé d’Estelle devient de plus en plus mauvaise. La tuberculose atteint ses poumons et ravage tout son corps. Mme de la Rochefoucauld entoure sa domestique des soins les meilleurs. Malgré tout, l’état devient très grave. Une grande tristesse accable la pauvre Estelle. Elle comprend que les médecins ne peuvent pas la guérir. Que deviendront ses parents qui ont besoin de son travail ?… Qui élèvera une petite nièce dont elle a pris la charge ?… Elle fait plusieurs neuvaines à la Sainte Vierge pour implorer sa guérison ; la bonne Mère du Ciel ne semble pas l’entendre.
À l’automne de 1875, Estelle, en voyant jaunir et tomber les feuilles du parc, peut penser qu’elle aussi, sera bientôt emportée par la mort.
Pourtant, elle veut encore supplier Marie.
S’y reprenant à plusieurs fois, car ses doigts tremblants ont peine à tenir une plume, elle trace pour la Sainte Vierge ces lignes touchantes : « O ma bonne Mère, me voici de nouveau prosternée à vos pieds. Vous ne pouvez pas refuser de m’entendre. Vous n’avez pas oublié que je suis votre fille et que je vous aime. Obtenez-moi donc de votre divin Fils, pour sa gloire, la santé de mon pauvre corps. Regardez donc la douleur de mes parents : vous savez bien qu’ils n’ont que moi pour toute ressource. Vous voyez, ma bonne Mère, ils sont à la veille d’être dans l’obligation de mendier leur pain… J’ai confiance en vous, si vous voulez, votre Fils peut me guérir ». Et elle ajoute : « Qu’il me rende la santé, si tel est son bon plaisir, mais que sa volonté soit faite, et non la mienne. Qu’Il m’accorde au moins une résignation entière à ses desseins, et qu’elle serve à mon salut et à celui de mes parents ».
Dans le parc de Poiriers, sous les grands arbres, une grotte a été élevée en l’honneur de Notre-Dame de Lourdes. Estelle charge une personne de la maison d’aller en secret déposer « sa lettre » aux pieds de la Vierge et de la cacher sous une pierre.
Mais cette fois encore, Marie semble ne pas répondre… Les souffrances deviennent plus vives et peu s’en faut qu’une crise terrible n’emporte la malade. Quand ses maîtres quittent le château pour retourner à Paris, Estelle est transportée avec des ménagements infinis dans une maison proche de l’église de Pellevoisin où l’on a fait venir ses parents. Tout ce qui peut adoucir sa fin lui est assuré. Le comte de la Rochefoucauld a même acheté au cimetière un carré de terre où le corps de la servante dévouée reposera en paix. Personne ne met en doute une mort prochaine. Trois docteurs ont condamné la malade : « Pour guérir, dit l’un d’eux, elle aurait besoin d’une poitrine neuve ». « Elle n’a plus que quelques heures de vie », dit un autre. Estelle a fait généreusement son sacrifice. Entièrement résignée, douce et patiente, elle attend que Dieu vienne la chercher.
« Je suis toute miséricordieuse »
Dans la nuit du 14 au 15 février, tout à coup, au pied de son lit, Estelle voit le diable sous une forme horrible et grimaçante. Il semble en rage. La mourante est saisie de terreur… Mais presque aussitôt, la Vierge paraît, et met en fuite le démon furieux.
Marie, vêtue de blanc, est d’une beauté radieuse, dont rien sur la terre ne peut donner une idée. Ses grands yeux bleus se baissent sur la malade avec une tendre compassion, tandis qu’elle prononce ces paroles :
« Ne crains rien ! Tu sais bien que tu es ma fille ».
Puis, avec une maternelle douceur : « Courage ! prends patience mon Fils va se laisser toucher. Tu souffriras encore cinq jours en l’honneur des cinq plaies de mon Fils. Samedi, tu seras morte ou guérie. Si mon Fils te rend la vie, je veux que tu publies ma gloire ».
Estelle est toute tremblante et pourtant pénétrée d’une joie merveilleuse.
Le lendemain dans la nuit, la Vierge enveloppée de lumière, se montre encore à la mourante : « Cette fois, mon Fils s’est laissé attendrir ; il te laisse la vie, tu seras guérie samedi ».
Le visage si doux de Marie se voile d’un peu de tristesse : « Maintenant », dit-elle, « regardons le passé ! »
Alors Estelle voit se dérouler devant ses yeux, comme dans un tableau, toutes les fautes de sa vie — ces fautes qu’elle croyait légères — et qui, devant la Vierge Immaculée, lui paraissent si vilaines ! Toute saisie par cette vue, la voix lui manque pour crier : Pardon ! Pardon !
Le mercredi matin, Estelle toujours au plus mal, raconte à M. le curé, avec tous les détails, la visite de la Vierge et affirme qu’elle sera guérie le samedi suivant. Mais M. le curé ne veut pas y croire et pense que la fièvre trouble la tête de la pauvre fille.
Durant la nuit, Marie paraît encore près du lit où l’agonie se prolonge, et dit : « Allons, du courage, mon enfant ! » Estelle qui se rappelle ses fautes, se prend à trembler. Mais Marie, comme une mère, la reprend si tendrement que la pauvre malade se rassure.
« Tout ceci est passé », dit la Vierge, « tu as, par ta résignation, racheté ces fautes » et elle lui montre les bonnes actions de sa vie. Que c’est peu de chose ! Estelle en est confuse. C’est alors que Marie prononce ces paroles qui restent notre consolation : « Je suis toute miséricordieuse et mon Fils m’exauce toujours. Les quelques bonnes actions et les quelques prières ferventes qui tu m’as adressées ont touché mon cœur de mère, entre autres cette petite lettre que tu m’as écrite au mois de septembre… J’ai montré cette lettre à mon Fils ; tes parents ont besoin de toi. À l’avenir, tâche d’être fidèle. Ne perds pas les grâces qui te sont données, et publie ma gloire ! »
Bien que rien ne soit changé dans son état, Estelle déclare aux personnes qui la soignent qu’elle sera guérie le samedi.
La journée du vendredi se passe dans une cruelle agonie. Le soir, la mourante semble à son dernier souffle et ne peut plus même avaler une goutte d’eau. Ses infirmières prêtent l’oreille pour voir si elle respire encore… Bien sûr, elle ne passera pas la nuit ! Son visage est décomposé, son corps semble celui d’un cadavre. Le bras droit, enflé, entouré par une large plaie, est paralysé. Estelle serre son chapelet dans sa main gauche, elle souffre horriblement.
Soudain, vers le milieu de la nuit, la Vierge se montre. Elle avance près du lit et se tient longtemps, immobile et silencieuse, dans le rayonnement d’une auréole lumineuse. Marie est souriante, d’une beauté céleste que nulle image ne saurait reproduire.
À cette vue, Estelle est transportée, son âme se fond de bonheur. Elle voudrait que cette vision ne finisse jamais !… Marie abaisse son regard sur elle, lui sourit comme à une fille aimée. Estelle, dans l’élan de sa joie, renouvelle la promesse de tout faire pour la gloire de sa bienfaitrice.
Les conseils de Marie sont ceux d’une mère à son enfant, dans une conversation familière.
« Si tu veux me servir, sois simple et que tes actions répondent à tes paroles ! »
Estelle se préoccupe : devra-t-elle entrer au couvent pour mieux servir Dieu et Marie ?
La Vierge répond à sa pensée : « On peut se sauver dans toutes les conditions ; où tu es, tu peux faire beaucoup de bien et tu peux publier ma gloire ».
Elle avertit Estelle qu’elle subira bien des critiques et des épreuves. « Sois-moi fidèle, je t’aiderai. »
Marie s’éloigne lentement dans un sillage lumineux qui s’efface peu à peu.
Le samedi, dès l’aube, M. le curé, bien inquiet, se hâte vers la maison où la veille au soir, il a laissé une agonisante qu’il craint de ne plus retrouver vivante.
Estelle est toujours étendue sur son lit, mais ce n’est plus la même personne… Fraîche, rose, le regard vif, son visage exprime le bonheur. Sur l’ordre de M. le curé, elle fait un grand signe de croix avec le bras paralysé la veille, et qui ne porte plus trace de mal.
Aux religieuses qui entrent dans sa chambre, elle annonce, joyeuse : « Mes chères sœurs, je suis guérie. Je mangerai bien, j’ai grand faim ! » Puis Estelle se lève, s’habille elle-même lestement. C’est la guérison, absolue, instantanée, preuve de la vérité des apparitions. La santé d’Estelle sera désormais parfaite.
Publie ma gloire
Dés le retour de ses maîtres au château de Poiriers, Estelle reprend son service de femme de chambre. Dans ces modestes occupations, elle ne vit plus que pour Celle qui lui a rendu la vie.
Souvent, elle revient prier dans la chambre où a eu lieu sa miraculeuse guérison. Dans cette chambre, Marie se montre à son enfant. Quinze fois en tout, elle l’y verra au cours de cette année 1876.
Le 2 juillet, en la fête de la Visitation, Estelle agenouillée commence : « Je vous salue Marie… » quand la Vierge lui apparaît, environnée d’une nuée lumineuse. De ses mains tombe une pluie de grâces représentées par des gouttes de lumière. Marie est entourée d’une guirlande de roses, blanches, rouges et jaunes ; ces roses qui rappellent les mystères du rosaire, ont un parfum délicieux, inconnu de la terre, et qui réjouit l’âme. La beauté de Marie est inexprimable.
La Vierge confie un secret à Estelle, puis parlant de son divin Fils : « Son cœur a tant d’amour pour le mien, qu’il ne peut refuser mes demandes. Par moi, il touche les cœurs les plus endurcis ». « Je suis venue particulièrement pour la conversion des pécheurs. »
Le samedi 9 septembre, vers 3 heure de l’après-midi, Estelle agenouillée dans la chambre des apparitions, achève de réciter son chapelet, quand la Vierge paraît. « Depuis longtemps, les trésors de mon Fils sont ouverts, qu’ils prient ! »
Le 15 septembre, Estelle commence à égrener son chapelet, quand la Vierge se montre à elle dans une auréole de gloire, les bras tendus, les mains ruisselantes d’une pluie de grâces. Elle confie à sa fille plusieurs choses qui regardent son âme, puis lui parle de l’Église.
Ensuite, Marie dit avec tristesse
« Et la France ? Que n’ai-je pas fait pour elle ? Que d’avertissements, et pourtant encore, elle refuse d’entendre ! Je ne puis plus retenir mon Fils ».
Et toute émue, Marie ajoute :
« La France souffrira ».
Puis après un silence :
« Courage et confiance ! »
Le 5 novembre, Estelle termine son chapelet quand la Vierge vient à elle, belle, souriante. L’humble fille se prend à songer qu’elle est bien indigne de telles faveurs ! La Reine du ciel, répondant à sa pensée, sourit : « Je t’ai choisie » — « je choisis les petits et les faibles pour ma gloire ».
Le vendredi 8 décembre 1876, en la fête de l’Immaculée Conception, la Vierge paraît une quinzième et dernière fois.
Dans la chambre des apparitions, plusieurs personnes peuvent contempler Estelle, immobile, en extase, les yeux fixés sur un objet invisible qui la ravit.
Marie, plus belle que jamais, entourée de roses, annonce à sa fille qu’elle ne la verra plus sur la terre…
Celle-ci s’écrie, désolée :
« Qu’est-ce que je vais devenir sans vous, ma bonne Mère ? »
— « Je serai invisiblement près de toi. »
* * *
Sur le tranquille village de Pellevoisin les années passent. La chambre des apparitions est transformée en chapelle où, dans le recueillement et l’intimité de la prière, on invoque la Vierge miséricordieuse.
Les pèlerins y viennent nombreux, et les grâces répondent à leur confiance.
Un jour, l’archevêque de Bourges, Monseigneur de la Tour-d’Auvergne, se rend à la nouvelle chapelle. Après une longue prière, il prononce quelques paroles pour remercier la Vierge qui a « choisi son diocèse pour visiter de nouveau la France ».
En 1900, Estelle est conduite à Rome. Toute émue, elle s’agenouille aux pieds du Souverain Pontife.
Léon XIII — le pape du rosaire — accueille avec une bonté de père, l’humble fille qui a vu la Vierge environnée de roses. Il l’interroge longuement, minutieusement :
— « …Parlez encore, parlez-moi de la Sainte Vierge, Estelle, mon enfant »
Le cœur dilaté, elle fait le récit des apparitions.
Ce récit, combien de fois, à tous ceux qui la questionnent, Estelle l’a-t-elle répété, au cours de sa longue vie ! Depuis sa miraculeuse guérison, elle, si faible jadis, est devenue solide comme un chêne et vivra jusqu’à 86 ans, n’ayant qu’une pensée, obéir à l’ordre de Marie : « Publie ma gloire ! »
Estelle reste toujours une simple paysanne de « chez nous » qui prie et cultive son jardin. Dans tout le village de Pellevoisin, il n’y a qu’une voix sur sa bonté, sa charité pour tous.
Les enfants qui la connaissent bien, ne cessent de courir à elle, de l’entourer, d’envahir son modeste logis. Elle les accueille dans sa chambre, son petit jardin, leur distribue des gâteries, puis elle les fait prier devant la statue de Notre-Dame de Pellevoisin.
Que dirait-elle aujourd’hui, la bonne Estelle, aux petits enfants de France, à ces enfants qui comprennent la grande épreuve de leur cher pays, et voudraient de tout leur cœur aider à sa résurrection ? Sans doute, elle les conduirait vers la Vierge toute miséricordieuse et leur répéterait ses paroles
« JE CHOISIS LES PETITS ET LES FAIBLES POUR MA GLOIRE… LES TRÉSORS DE MON FILS SONT OUVERTS ; QU’ILS PRIENT »
Juliette Maldan.
Imprimatur Verdun, le 9 avril 1958, L. Choppin, Vic. gén.
Appel aux enfants de France
Enfant de France
Ne veux-tu pas servir ta Patrie ?
Tu es petit, mais tu peux beaucoup.
La France est dans la peine ; elle a un
immense besoin du secours de Dieu.
Or, le secours de Dieu s’obtient par la
prière, et la prière la plus agréable à
Dieu est celle des enfants.Prie donc du fond du cœur
pour la France !Et comme Dieu veut que toutes, les grâces
nous viennent par Marie,Prie la Très Sainte Vierge
pour la FranceEt parce que la prière que la Sainte
Vierge préfère est le chapelet,Récite chaque jour
une dizaine de ton chapelet
pour la France !
Bonjour,
D’où vient « l’appel aux enfants de France » s’il vous plaît ? Et quel est le rapport avec les apparitions de Pellevoisin ?
Merci d’avance
Margaux
Ce récit est paru dans la petite revue « Le Chapelet des enfants ».
Je ne sais qui a écrit l’appel aux enfants de France ; peut-être est-il de Juliette Maldan ?
Et le rapport avec Pellevoisin, c’est que ce récit s’adresse aux enfants et l’auteur fait le lien dans le dernier paragraphe : « Que dirait-elle aujourd’hui, la bonne Estelle, aux petits enfants de France, à ces enfants qui comprennent la grande épreuve de leur cher pays, et voudraient de tout leur cœur aider à sa résurrection ? »