Marie et la venue de Jésus

Auteur : Bastin, R., O.M.I | Ouvrage : La simple histoire de la Vierge Marie .

Temps de lec­ture : 20 minutes

Récit de l'annonciation pour les jeunes du Caté

Catéchèse mariale pour les jeunesPRÈS ses fian­çailles, Marie quit­ta Jéru­sa­lem pour pré­pa­rer à Naza­reth la mai­son qu’elle occu­pe­rait avec Joseph, lors­qu’elle serait mariée.

Ne vous ima­gi­nez pas une belle mai­son ! En Orient, les demeures ne sont pas très jolies. Gros blocs car­rés, per­cés de petites fenêtres afin que le soleil ne pénètre pas (le soleil est très chaud dans ce pays), elles res­semblent à un jeu de cubes qu’on aurait dis­per­sés dans le jardin.

L’in­té­rieur en est fort pauvre aus­si. On y trouve juste le strict néces­saire pour faire la cui­sine et pour le sommeil.

Comme Marie avait beau­coup de goût, elle avait dis­po­sé ses humbles objets avec tant d’art que sa mai­son était vrai­ment très avenante.

Un soir de mars, près du feu de bois allu­mé pour cou­per l’hu­mi­di­té, Marie, ayant fini son ménage, s’é­tait assise pour lire la Bible. Les langues rouges et jaunes des flammes léchaient les bûches noires et grises, et Marie, le livre ouvert sur les genoux, son­geait dou­ce­ment à ce Mes­sie pro­mis à tra­vers toute l’His­toire Sainte et atten­du avec quelle impatience !

Il y a bien long­temps, le Bon Dieu avait annon­cé qu’Il revien­drait sur la terre pour par­don­ner et répa­rer le péché d’A­dam et d’Ève, lorsque les hommes seraient prêts à Le rece­voir. Jusque-là, Il n’a­vait pas encore trou­vé une âme assez pure pour deve­nir sa maman, assez fidèle pour n’ai­mer que Lui, assez forte pour accep­ter sa souf­france. Marie aurait tant aimé être choi­sie comme maman du Bon Dieu, mais elle se trou­vait si humble, si petite, si pauvre qu’elle n’o­sait espé­rer un pareil hon­neur. Alors, elle pria de tout son cœur pour que les hommes, ces­sant d’of­fen­ser le Bon Dieu, Lui per­missent de réa­li­ser son grand dessein.

Marie prie dans son coeur à Nazareth

Le feu de bois s’é­tei­gnait dou­ce­ment. Les grandes flammes n’é­taient plus dans l’âtre sombre qu’une poi­gnée d’é­toiles pal­pi­tantes. Et Marie se deman­dait ce qu’elle pour­rait bien faire pour hâter la venue du Messie.

Sou­dain le feu sif­fla — on eût dit une corde de vio­lon­celle qui, seule, eût chan­té — et voi­ci que les braises endor­mies, dou­ce­ment, se réveillent. L’une après l’autre, les flammes se dressent de leur lit de pourpre, elles s’é­tirent, se courbent, se balancent ; elles retombent mol­le­ment encore sur leur couche. La chan­son se fait plus impé­rieuse ; alors, sou­dain dres­sées, elles montent à l’as­saut de l’âtre en une flam­bée magni­fique, chas­sant l’ombre dans les coins les plus recu­lés de la pièce et inon­dant de lumière et de cha­leur Marie éton­née d’un tel réveil.

Une arai­gnée, qui au bout de son fil fai­sait une petite sieste avant la chasse de la nuit, crut le matin déjà arri­vé et remon­ta bien vite se cacher au pla­fond, mau­dis­sant sa paresse et ce long somme qui la met­tait à la diète. Le cana­ri s’é­broua dans sa cage entr’ou­verte et, comme un oiseau d’or, vint se poser sur la che­mi­née, près d’un gros bou­quet d’an­co­lies dont les corolles, mor­dues par la lumière, posaient à chaque feuille une petite auréole tremblante.

Marie, de ses yeux lim­pides, regar­da l’oi­seau, les fleurs, la lumière et, tout à coup, eut l’im­pres­sion qu’il y avait quel­qu’un der­rière elle.

Brus­que­ment, elle se retour­na sur son bas tabou­ret et décou­vrit un ange si beau, si majes­tueux qu’elle tom­ba à genoux, lâchant son livre pour mieux joindre les mains. À ses pieds, son ombre se recro­que­villa et, le plus dou­ce­ment qu’il put, le cana­ri rega­gna sa cage, sans faire le moindre bruit.

Histoire de l'annonciation pour le catéchisme

« Je vous salue, pleine de grâces », dit l’ange avec une telle gen­tillesse que Marie bais­sa la tête, toute gênée. Elle savait bien qu’elle aimait le Bon Dieu de tout son cœur, qu’elle ne L’a­vait jamais offen­sé, mais s’en­tendre appe­ler « pleine de grâces » par un mes­sa­ger du ciel la rem­plis­sait de confusion.

Inti­mi­dée, elle pen­cha la tête un peu sur le côté pour mieux écou­ter l’ange :

« Le Sei­gneur est avec vous. Il vous aime spé­cia­le­ment : aus­si m’a-t-Il char­gé de vous annon­cer que bien­tôt vous serez la maman d’un petit gar­çon que vous appel­le­rez Jésus. Il devien­dra très puis­sant ; on le nom­me­ra le Fils de Dieu et, grâce à Lui, les hommes seront enfin sau­vés, car son règne n’au­ra pas de fin.

« Vou­lez-vous bien deve­nir la maman de ce petit Jésus ? »

Marie était si heu­reuse, mais aus­si tel­le­ment confuse qu’elle rou­git encore plus et, d’une petite voix dans laquelle pas­sait tout son cœur, elle mur­mu­ra ce mot, doux comme un bai­ser : « oui ! »

Alors, le Saint-Esprit, se mon­trant sous la forme d’une colombe, vint poser sur Marie le double sceau de ses ailes blanches. tan­dis que dans son âme la grâce descendait.

Marie rend visite à sa cousine Elisabeth

Récit pour les Scouts et Guides : La visitationE matin-là, Marie se leva plus tôt que d’ha­bi­tude. Il s’a­gis­sait de par­tir en voyage et d’al­ler voir la cou­sine Élisabeth.

Vous connais­sez la cou­sine Éli­sa­beth ? La femme du prêtre Zacha­rie, deve­nu muet pour avoir dou­té de la parole d’un ange lui annon­çant, comme à Joa­chim, la nais­sance pro­chaine d’un enfant. C’é­tait un gar­çon qu’il lui pro­met­tait. Bien éton­né, Zacha­rie avait dit, ain­si que Joa­chim, mais sur un tout autre ton : « Ce n’est jamais pos­sible ! » L’ange, vexé, lui avait reti­ré l’u­sage de la parole :

« Puisque tu dis des bêtises, tais-toi ! »

Zacharie muet car il met en doute la parole de l'angeLe pauvre Zacha­rie en était réduit à se pro­me­ner avec des tablettes sur les­quelles il écri­vait ce qu’il avait à dire, et qu’il met­tait sous les yeux de ceux qui atten­daient sa réponse. Vous com­pre­nez que, dans ces condi­tions, on ne son­geait pas à enga­ger de longues conver­sa­tions avec lui. Il fal­lait s’ar­ran­ger pour qu’il n’eût à répondre qu’un oui ou qu’un non, ce qu’il pou­vait faire d’un signe de tête. On gagnait ain­si du temps ; et déjà, à cette époque, les gens étaient fort pressés.

Seule­ment, pour Zacha­rie, ce n’é­tait pas très gai. Il res­tait sou­vent seul, à se mor­fondre dans un coin, en suçant le bout de son sty­let qua­si inutile. Réel­le­ment pieux, il accep­tait sa péni­tence avec un grand esprit de foi et en offrait au Bon Dieu tous les désa­gré­ments pour le gar­çon qu’ils atten­daient, sa femme et lui.

D’a­près l’ange, ce gar­çon aurait un rôle magni­fique à rem­plir sur la terre. Il serait le héraut de Notre-Sei­gneur, le pré­cur­seur de son cou­sin, l’é­clai­reur du Bon Dieu, celui qui va devant et trace le chemin.

Puisque Jean-Bap­tiste devait, un jour, mar­cher devant son fils et le faire connaître aux hommes, la sainte Vierge vou­lut appor­ter à la maman du pré­cur­seur son salut à elle et son aide.

Éli­sa­beth habi­tait un petit vil­lage dans le sud, assez éloi­gné de Naza­reth puis­qu’il fal­lait quatre jour­nées de marche pour y parvenir.

Vous savez bien qu’en ce temps-là, n’exis­taient ni tram, ni auto. Quand les gens vou­laient ou devaient par­tir en voyage, les riches mon­taient un cha­meau, les pauvres un âne et les misé­rables allaient à pied. On chaus­sait de grosses san­dales, avec une bonne semelle et, les pieds nus, afin de don­ner de l’air aux orteils pour qu’ils ne s’é­chauf­fassent point, on mar­chait des jour­nées entières avant d’ar­ri­ver au but.

Récit de La visitation pour les jeunes tiré de l'ÉvangileLa sainte Vierge se mit en route de bon matin. Il fait beau­coup moins chaud aux pre­mières heures que pen­dant le reste de la jour­née, et la marche est plus rapide qu’en plein midi. Elle regar­da si les voi­sins étaient prêts ; car eux aus­si allaient du côté de Jéru­sa­lem, et les voyages en groupe sont plus rassurants.

Le ciel était d’un beau vert, très clair, très lim­pide, sur lequel flot­tait une longue bande de nuages pourpres. Sur le toit de la maison,un rouge-gorge chan­tait sa prière du matin et vint se poser sur la bobi­nette dès que Marie eut fer­mé sa porte. Autour du seuil, des lise­rons agi­taient leurs clo­chettes blanches comme des petits mou­choirs d’a­dieu, et un gros mimo­sa, posé tel un nuage d’or sur le coin du jar­din, juste là où il borde la route, répan­dit ses fleurs au pas­sage de la douce jeune femme.

Marie était vêtue sim­ple­ment, comme les femmes de son pays, d’une robe qu’elle avait tis­sée elle-même et d’un ample man­teau bleu dont un pan lui recou­vrait la tête. Son ombre tour­nait autour d’elle, légère, cachant un ange dans ses plis. Un ange gar­dien dont le sou­ci était grand de veiller sur Marie, car elle n’é­tait pas seule en voyage. Jésus, dont elle allait bien­tôt deve­nir la maman selon la parole de l’ar­change, l’ac­com­pa­gnait, très près de son cœur ; et Marie, tout en avan­çant dans la cara­vane joyeuse, lui par­lait dou­ce­ment, ten­dre­ment et sans fin. Tous, autour d’elle, se lais­saient dis­traire par les péri­pé­ties de la route. Elle ne voyait que son Jésus.

Vers le soir, lors­qu’un homme lui offrit son âne afin de lui per­mettre de se repo­ser un peu, Marie leva sur lui des grands yeux éton­nés et si ravis qu’il res­ta confon­du de tant de fraî­cheur après une jour­née tel­le­ment las­sante. Vrai­ment, elle ne croyait pas le soir déjà arrivé !

Ce furent de mer­veilleuses jour­nées. La pré­sence de Marie faci­li­tait à tous le voyage et son sou­rire était le meilleur récon­fort lors­qu’on se sen­tait trop las. Un petit gar­çon, har­ce­lé par les mouches et les mous­tiques, vint se réfu­gier dans son ombre ; et l’ange qui l’ha­bi­tait l’é­ven­ta de ses ailes. Du coup, il ne vou­lut plus quit­ter Marie, et c’est en lui don­nant la main qu’il décou­vrit le vil­lage d’Élisabeth.

Du haut du che­min bor­dé de pal­miers dont les grandes feuilles s’in­cli­naient avec beau­coup de grâce au pas­sage des voya­geurs, Marie dis­tin­gua à l’en­trée du vil­lage la petite mai­son de sa cou­sine Éli­sa­beth, d’où mon­tait, sur le ciel pur, une colonne de fumée légère : on y pré­pa­rait, sans doute, le simple sou­per de maïs et d’orge écrasés.

Vous êtes bénie entre toutes les femmes

Marie frap­pa à la porte et, entrant dans la mai­son, vit Éli­sa­beth accrou­pie près du foyer, occu­pée à remuer dans la mar­mite une longue cuiller de bois. Marie lui cria joyeu­se­ment bon­soir, tan­dis qu’É­li­sa­beth, stu­pé­faite d’une visite si inat­ten­due, pous­sait un cri de sai­sis­se­ment. Vite, elle se redres­sa et, avant que Marie eût le temps de s’a­van­cer davan­tage, elle tom­ba à genoux, bégayant, tant son émo­tion était forte, les paroles que nous répé­tons après elle dans notre « Je vous salue, Marie » :

« Vous êtes bénie entre les femmes et Jésus, le fruit de vos entrailles, est béni ».

La sainte Vierge ne fut pas du tout éton­née d’en­tendre Éli­sa­beth la saluer si res­pec­tueu­se­ment. Elle savait bien que ce com­pli­ment s’a­dres­sait par elle à Jésus, à ce Jésus dont elle sen­tait contre son cœur la chaude présence.

Alors, rele­vant Éli­sa­beth et la tenant ser­rée bien fort contre sa poi­trine, elle chan­ta le superbe can­tique qu’on nomme le Mag­ni­fi­cat, par lequel elle remer­cie le Bon Dieu de l’a­voir choi­sie, elle si petite, pour appor­ter aux hommes le bon­heur et le salut.

Les deux cou­sines pleu­raient d’é­mo­tion et de joie.

La vie de la Vierge Marie racontée aux enfants

Comme Marie était fati­guée de son voyage et allait demeu­rer de longs mois avec Éli­sa­beth, celle-ci la fit rapi­de­ment sou­per. On avait oublié le sou­per ! Heu­reu­se­ment, l’ange gar­dien, après avoir été très ému de la salu­ta­tion, s’é­tait sou­ve­nu que les humains doivent man­ger mal­gré leurs joies : alors, il avait entre­te­nu le feu, touillé dans la pâtée, et Marie, Zacha­rie et Éli­sa­beth ne firent jamais un aus­si bon repas que ce soir-là.

Marie à la Crèche : La nativité - pour les enfants

Marie et Joseph se rendent à BetlhéemN ces jours-là, un bruit étrange cir­cu­lait de ville en vil­lage : l’empereur de Rome, pour connaître le nombre des habi­tants de Pales­tine, avait déci­dé que cha­cun d’eux devrait se faire ins­crire au lieu d’o­ri­gine de sa famille. C’é­tait comme une petite « éva­cua­tion » qu’il vou­lait ordon­ner par là. La mesure était annon­cée depuis long­temps. D’a­près les on dit, sa mise en vigueur devait être assez proche, aus­si les pauvres gens com­men­çaient à s’inquiéter.

Marie et Joseph n’en­ten­daient pas sans un peu d’ef­froi ces com­mé­rages. Joseph avait son tra­vail : il était char­pen­tier, et le métier ne chô­mait pas. Il y avait tou­jours une char­rue à remettre en état, un nou­veau meuble à fabri­quer ou un balai à emman­cher. Lais­ser là la clien­tèle pour par­tir en voyage, même en voyage for­cé, ce n’est pas une bonne réclame pour un arti­san. Puis, Marie n’é­tait pas bien por­tante. Elle s’é­tait assez fati­guée à pré­pa­rer la layette, le ber­ceau, les menus objets néces­saires à la nais­sance de Jésus. Elle sen­tait qu’Il allait bien­tôt arri­ver et elle n’é­tait pas tran­quille à la pen­sée de devoir faire une longue route en cet état.

Le soir, lorsque Joseph avait ache­vé son tra­vail, il en par­lait lon­gue­ment à Marie avant d’al­ler dor­mir. C’é­tait lui le plus abat­tu des deux, tant il crai­gnait pour elle. Marie, avec un bon sou­rire, le conso­lait en lui disant que peut-être ce voyage ne devrait pas se faire, qu’elle se trou­ve­rait mieux por­tante et qu’en­fin, le Bon Dieu, entre les mains duquel ils étaient tous les deux, ne les aban­don­ne­rait jamais. Elle par­lait si gen­ti­ment, avec tant de foi et de confiance, que Joseph, ragaillar­di, après lui avoir don­né un bai­ser sur le front, s’en allait se cou­cher en sif­flant un cantique.

Un matin, l’é­dit parut. En grosses lettres, il y était pres­crit à tous et à cha­cun de retour­ner dans le lieu d’o­ri­gine de sa famille afin de s’y faire inscrire.

Conster­né, Joseph alla trou­ver Marie. Il fal­lait donc quit­ter Naza­reth et se rendre à Beth­léem, ber­ceau de la famille. Marie le récon­for­ta, une fois de plus, en lui mon­trant que telle était la volon­té de Dieu. Peut-être se sou­vint-elle qu’il y a bien long­temps, des pro­phètes avaient annon­cé que le Mes­sie, c’est-à-dire Jésus, devait naître à Beth­léem ? Mal­gré les peines de Joseph, elle dut être bien contente : Jésus serait bien­tôt sur la terre.

Sans retard, Joseph sel­la le petit âne gris, qui d’ha­bi­tude fai­sait les courses dans la cam­pagne, et après quelques jour­nées fort fati­gantes, les trois voya­geurs arri­vèrent à Bethléem.

Plus ils appro­chaient de la ville, plus les routes étaient encom­brées. Dans Beth­léem, c’é­tait la cohue. L’âne n’ar­ri­vant plus à avan­cer, Joseph en fit des­cendre Marie. Il cher­che­rait seul un loge­ment pen­dant que la Vierge gar­de­rait le bau­det. Elle était épui­sée, la pauvre sainte Vierge, et s’ap­puyait contre le flanc de l’a­ni­mal chas­sant de la queue les mouches tour­billon­nantes. Le matin avait été très froid ; main­te­nant, une lourde buée mon­tait du sol. Marie se sen­tit lasse de tant de mou­ve­ment, de cha­leur et d’a­gi­ta­tion autour d’elle.

Joseph fut long à reve­nir. Marie, exté­nuée, s’é­tait accro­chée de ses deux bras noués au cou de l’âne ; et celui-ci, d’un doux mou­ve­ment d’o­reilles, s’ef­for­çait de lui don­ner un peu de fraî­cheur. Per­sonne ne fai­sait atten­tion à ce groupe minable. Pas un pas­sant ne son­gea à lui faire l’au­mône d’un verre d’eau ou d’un sourire.

Enfin, Marie enten­dit auprès d’elle la voix basse et triste de Joseph. Elle ouvrit les yeux et le regar­da affec­tueu­se­ment. Ses che­veux étaient col­lés par la sueur, son visage gris de pous­sière, ses vête­ments fri­pés. Fort déçu, il ren­trait de sa course vaine, n’ayant trou­vé aucun loge­ment, pas la moindre place où pas­ser la nuit. « Ma pauvre Marie, ma pauvre Marie », hoque­tait-il en hochant la tête. Marie, tou­jours vaillante, ne se lais­sa pas démon­ter. Pour récon­for­ter Joseph, elle secoua sa las­si­tude, le prit gen­ti­ment par la main et lui dit :

« Viens, sor­tons de la ville : elle est trop égoïste. Dans la cam­pagne, nous trou­ve­rons mieux ».

Appuyés l’un sur l’autre, pré­cé­dés par l’âne, qui leur frayait un sen­tier dans les étroites rues encom­brées, ils mar­chèrent une heure encore sans plus rien dire. D’être ensemble, cela leur fai­sait chaud au cœur ; comme il nous est doux d’a­voir, à notre côté, un ami sur qui nous pou­vons comp­ter à fond !

L'âne de la Crèche à Noël pour les petits enfantsUn court braie­ment les tira de leur engour­dis­se­ment. L’âne, qui mar­chait avec une telle assu­rance qu’il sem­blait être du pays, piqua un galop joyeux vers une petite grotte dont on dis­tin­guait mal l’en­trée, car il fai­sait déjà bien sombre. À sa suite, Marie et Joseph péné­trèrent dans un réduit pas bien grand, assez nau­séa­bond car des mou­tons y avaient séjour­né lon­gue­ment. Une douce cha­leur demeu­rait encore de leur pas­sage et des bottes de paille fraîche étaient ran­gées le long des parois. Marie s’y lais­sa tom­ber, haras­sée, et Joseph s’as­sit à ses côtés. Puis, la tête entre les mains, les coudes col­lés aux genoux, il pleu­ra silencieusement.

Lorsque nous nous trou­vons très mal­heu­reux, pleu­rer nous apaise. Avec nos larmes, notre gros cha­grin se dis­sipe, le calme renaît en nous.

Joseph, pleu­rant sur la misère de la sainte Vierge, sur la méchan­ce­té et l’é­goïsme des habi­tants de Beth­léem, tout natu­rel­le­ment son­gea aus­si à ce petit Jésus qui allait naître. Il com­prit que le Bon Dieu, venant sur la terre, vou­lait y arri­ver comme un petit pauvre pour don­ner une leçon à tous les enfants, à toutes les grandes per­sonnes, dési­reux de satis­faire leurs caprices, inca­pables du moindre sacri­fice, redou­tant quelque incom­mo­di­té. Une grosse bouf­fée d’af­fec­tion réchauf­fa son cœur : comme il l’ai­me­rait, ce Jésus ! Ras­sé­ré­né, il se redres­sa, frot­ta ses yeux rou­gis de larmes et sur­sau­ta : sur les genoux de Marie, un petit enfan­çon, nu et rose, sem­blait attendre qu’on l’emmaillotât. Joseph fut si trou­blé que, tom­bant à genoux, il se remit à pleu­rer, mais de joie cette fois. Il n’hé­si­ta pas à recon­naître, en ce petit être, son Dieu et son Rédemp­teur, comme nous croyons, lorsque nous allons com­mu­nier, que c’est Jésus qui est pré­sent dans la petite hostie.

La sainte Vierge cher­cha rapi­de­ment quelques langes, en vêtit l’en­fant et le dépo­sa dans la crèche, où Joseph, vite rele­vé, avait mis une botte de paille et plié son man­teau. Tous deux, épaule contre épaule, contem­plaient le bébé endor­mi quand un bruit les fit tres­saillir. L’âne, avec mille pré­cau­tions, entrait dans la grotte et vint se blot­tir entre la crèche et le mur, puis, s’a­bais­sant vers l’en­fant, souf­fla sa bonne haleine chaude sur le petit corps. Marie eut pour le bau­det un bon sou­rire et Joseph le flat­ta de la main. La brave bête ! Elle vou­lait offrir au Bon Dieu ce qu’elle avait de meilleur. Long­temps, la prière de Marie et de Joseph fut accom­pa­gnée de l’es­pèce de ron­fle­ment que pro­dui­sait l’a­ni­mal entre chaque respiration.

Sou­dain l’âne poin­ta l’o­reille. Il n’o­sa pas s’ar­rê­ter de souf­fler de crainte que l’en­fant n’eût froid, mais il témoi­gnait d’une étrange inquié­tude. Joseph le remar­qua le pre­mier. Il n’en dit rien à Marie — sa prière était si recueillie ! — et à son tour ten­dit l’oreille.

Noël : les bergers adorent l'Enfant Jésus que Marie leur présenteDans la nuit silen­cieuse, un vague mur­mure s’é­le­va : une chan­son, une prière comme celle qu’on entend lors­qu’une foule récite le cha­pe­let. Le bruit cou­lait, cou­lait, s’en­flait de plus en plus. Der­rière le mur­mure sourd, réson­nait main­te­nant une douce musique, la plus belle musique que Joseph ait jamais enten­due. Elle res­sem­blait à un can­tique, un can­tique tel­le­ment mélo­dieux que Joseph son­gea tout de suite que, seuls, les anges étaient capables d’en chan­ter un sem­blable. Il regar­da Marie qui ne bou­geait pas. Il regar­da l’âne qui agi­tait ses deux oreilles en cadence. Il regar­da l’En­fant, et il lui sem­bla qu’il sou­riait. N’y tenant plus, Joseph se leva. Dans l’ou­ver­ture de la grotte, il décou­vrit deux ché­ru­bins, accrou­pis, regar­dant exta­siés leur Dieu deve­nu petit enfant. Leurs ailes blanches fer­maient l’en­trée d’une bar­rière de plumes héris­sées. Dans l’in­ters­tice, Joseph vit s’a­van­cer un groupe d’hommes, accom­pa­gnés de quelques mou­tons. Tous sem­blaient fort pres­sés ; mais devant la grotte ils s’ar­rê­tèrent un ins­tant, décon­cer­tés. Il y eut un long conci­lia­bule, dont pro­fi­ta un minus­cule agneau pour péné­trer dans la grotte entre deux plumes et se fau­fi­ler aux pieds de Jésus. Les ché­ru­bins, au bruit de la conver­sa­tion, s’é­taient retour­nés. Devi­nant des amis dans le groupe indé­cis, ils replièrent leurs ailes. N’hé­si­tant plus, les ber­gers enva­hirent l’é­troite demeure et contem­plèrent l’En­fant. Marie prit Jésus dans ses bras comme le prêtre tend l’os­ten­soir à la Béné­dic­tion du Saint-Sacre­ment. Les ber­gers firent comme nous : ils s’a­ge­nouillèrent et ado­rèrent l’En­fant divin. Ils n’a­vaient pas vou­lu venir les mains vides (nous non plus, quand nous allons voir Jésus) ; c’est pour­quoi ils lui offrirent un beau pain bis, une gourde de lait et un petit agneau blanc et propre comme un nuage éga­ré sur la terre.

Marie était toute joyeuse de tant d’a­ma­bi­li­tés. Vrai­ment, le Bon Dieu, s’Il deman­dait de grands sacri­fices à son Fils, ne l’a­ban­don­nait pas. Elle l’ai­ma davan­tage encore si c’est pos­sible, et ser­ra plus fort son Jésus contre son cœur.

L’en­fant sou­rit, d’un ado­rable sou­rire qui ravit les ber­gers, les mou­tons et l’âne. Les anges enton­nèrent le beau can­tique que vous connais­sez tous : le « Glo­ria ». Les ber­gers reprirent le refrain de leurs voix mâles et rudes. L’âne vou­lut les accom­pa­gner, mais sa voix était trop fausse. Joseph dut le faire taire ; alors, il se conten­ta de battre la mesure avec le bout de sa queue grise.


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