Les invasions barbares, sainte Geneviève et les Francs

Auteur : Par un groupe de pères et de mères de familles | Ouvrage : Petite Histoire de l'Église illustrée .

Temps de lec­ture : 8 minutes

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Annie et Colette réclament énergiquement :

— Si les gar­çons vont tou­jours avec les scouts, nous ne ver­rons rien et n’ap­pren­drons rien !

Tante Jeanne, qui ter­mine une lettre, lève la tête et dit en riant :

— Au lieu de gro­gner, allez donc mettre vos cha­peaux. Je cachète cette lettre, j’ap­pelle Jean et Ber­na­dette, et je vous emmène tous les cinq au Jani­cule. Nous y retrou­ve­rons ton papa, Colette ; je lui ai don­né là un ren­dez-vous précis.

En route, Colette demande ce que c’est que ce « Jani­cule » où on va.

— L’une des col­lines qui dominent Rome. Vous ne vous dou­tez pas de la vue qui nous y attend.

De fait, à l’ar­ri­vée, la jeu­nesse pousse de vrais cris d’ad­mi­ra­tion. Appuyé contre un arbre magni­fique, papa, qui est déjà là depuis un moment, fait signe :

— Venez jus­qu’i­ci, et regar­dez. Toute la ville est sous nos yeux. La lumière est d’une telle trans­pa­rence, que nous pou­vons tout dis­tin­guer : Les sept col­lines de Rome, les monu­ments, que l’on dirait très près de nous.

— Et ces plans de mon­tagnes tout au fond, qui se pro­filent par delà la plaine… C’est ravis­sant ! crie Jean enthousiasmé.

— Oui, mon petit, c’est admi­rable, et comme ce que nous avons là devant nous, nous rap­pelle faci­le­ment la puis­sance de l’an­cienne Rome ! Elle était deve­nue comme un obser­va­toire, d’où la vue s’é­ten­dait sur le monde, qu’elle tenait encore sous ses lois.

Pour­tant il y avait, au Nord et à l’Est, des peuples sau­vages qui gran­dis­saient en nombre. Rome sui­vait leurs mou­ve­ments avec inquié­tude, comme le capi­taine d’un navire s’in­quiète des gros nuages qui pré­cèdent la tempête.

Dès le Ier siècle de notre ère, la menace était grave, mais, au IIIe et au IVe siècle, l’a­va­lanche se déclen­cha. La Bal­tique avait débor­dé, repous­sant les habi­tants des forêts voi­sines vers le Sud. Ces hommes abso­lu­ment sau­vages, ter­ribles par leur force bru­tale et leur féro­ci­té, des­cendent vers les fron­tières romaines, abso­lu­ment comme une marée immense et irré­sis­tible. Rien ne les arrête ; ils sont tel­le­ment nom­breux que, vain­cus presque tou­jours par les armées romaines, ils se reforment sans cesse et reprennent leur marche en avant, brû­lant, dévas­tant, rui­nant, semant la ter­reur et la mort.

Rome avait d’a­bord espé­ré trans­for­mer ces bar­bares en sol­dats, elle en enrôle un grand nombre dans ses légions, leur offre des avan­tages maté­riels qu’ils igno­raient jus­qu’a­lors, et pense qu’elle va réus­sir à en faire des auxi­liaires dis­ci­pli­nés. Mais l’empire romain, vous le savez, s’af­fai­blis­sait tous les jours. Quand les Huns et les Goths vont jeter contre lui leurs masses effroyables, il s’é­crou­le­ra. Qui me dira lequel de ces deux peuples bar­bares laisse une trace sécu­laire et fonde un empire ?

— Les Goths, mon oncle.

— Pour­quoi, Bernard ?

— Parce que les Huns, après la défaite défi­ni­tive d’At­ti­la et sa mort, n’é­taient plus de force pour rien fonder.

Les Goths, au contraire, ont indé­fi­ni­ment renou­ve­lé leurs poussées.

Rome a tran­si­gé d’a­bord, puis Théo­dose les a main­te­nus dans l’o­béis­sance ; mais un de leurs jeunes rois, Ala­ric, finit par enva­hir l’I­ta­lie et prendre Rome (en 410, si je ne me trompe).

Refou­lés, après avoir tout rui­né, les Goths se sont ins­tal­lés en Aqui­taine, sous le nom de Visigoths.

De même ori­gine ont été les Bur­gondes, qui ont occu­pé le bas­sin du Rhône et de la Saône ; les Hérules, dont le chef Odoacre ren­verse le der­nier empe­reur romain et règne en Ita­lie ; les Ostro­goths, qui détruisent à leur tour, avec Théo­do­ric, le royaume d’O­doacre. Enfin les Van­dales des­cendent du Rhin, passent sur le tout, à tra­vers et Espagne, pour s’ar­rê­ter seule­ment dans l’A­frique du Nord.

Tante Jeanne sou­rit à son benjamin.

— J’aime, Ber­nard, t’en­tendre pré­ci­ser ainsi.

— Pour­tant, dit Ber­na­dette avec malice, tu as oublié un peuple bar­bare et un fameux.

— Pas du tout, ma chère cou­sine,… et Ber­nard s’in­cline révé­ren­cieu­se­ment. Tu veux par­ler des Francs ? C’est une tri­bu bar­bare, c’est vrai, qui s’ins­talle au Nord de la Gaule et s’é­tend petit à petit, mais elle ne ravage pas tout, ses chefs sont cou­ra­geux et droits.

— Enfin, dis-le tout de suite, conclut Ber­na­dette en riant, il ne faut pas qu’ils aient de défauts, puisque nous en descendons !

— Sans rien exa­gé­rer, reprend son père, il est exact que leur race était autre, et qu’au­cun peuple bar­bare ne fut plus apte à se lais­ser gagner par la Foi chré­tienne. Car jus­qu’i­ci, mes enfants, nous avons regar­dé les Bar­bares en face de Rome ; contem­plons main­te­nant l’at­ti­tude de l’É­glise envers eux.

Histoire de France et de l'Eglise pour la jeunesse
retient, à Lutèce, le peuple qui veut fuir.

L’É­glise, elle, ne tremble pas. Ces hommes féroces ont des âmes, elle le sait. Pour conqué­rir ces âmes, elle a pour elle la toute-puis­sance de Dieu, et, pai­sible, sereine, l’É­glise va entre­prendre la conver­sion des Barbares.

Le temps nous manque pour suivre l’en­semble de cette lente conquête, mais vous savez déjà com­ment c’est le pape saint Léon qui arrête les Goths à la Porte de Rome. Saint Loup fait recu­ler les Huns à Troyes et sainte Gene­viève, à Lutèce, notre cher vieux .

Toutes les gra­vures repré­sentent la vierge gau­loise debout sur les rem­parts, sup­pliant Dieu d’ob­te­nir l’ar­rêt des hordes d’At­ti­la. Mais on nous dit beau­coup moins sou­vent com­ment elle faillit être lapi­dée par le peuple épou­van­té, qui vou­lait fuir, mal­gré ses ordres. De vieilles tra­di­tions racontent de sainte Gene­viève des choses exquises. C’est elle qui fit construire une église à saint Denis, mar­tyr. Un dimanche matin, elle s’y rend, sui­vie de ses com­pagnes qui por­taient des flam­beaux allu­més. Il pleut, le vent et la pluie ont tôt fait d’é­teindre les flam­beaux, mais Gene­viève, d’un souffle, les ranime, et la pro­ces­sion lumi­neuse passe à tra­vers la rafale.

Plus tard, ce sont les Francs qui assiègent Paris. Gene­viève les tien­dra cinq ans sous les murs, et s’en ira, au milieu des périls, cher­cher du fro­ment à Arcis-sur-Aube pour ses com­pa­triotes affa­més. On croit rêver, quand on pense que cette femme ren­tra dans Lutèce avec onze bateaux de fro­ment. Enfin, quand, plus vieille, elle fut mêlée à la vie des Francs conver­tis et vain­queurs, elle gar­da son influence et son pou­voir sur­na­tu­rel. Chil­dé­ric, un jour, fit conduire hors la ville des condam­nés à mort, qu’elle vou­lait sau­ver. On fer­ma der­rière eux les portes de Paris. Mais Gene­viève priait. D’elles-mêmes, les portes de la ville s’en­tr’ou­vrirent. Légère, la sainte pas­sa et déli­vra les prisonniers.

Ici, mes enfants, il faut encore nous arrê­ter pour un nou­veau coup d’œil d’en­semble sur l’histoire.

L’empire romain ago­nise. La Gaule, qui lui était sou­mise, tremble devant l’en­va­his­seur. Seuls les évêques regardent le monde en face et cherchent d’où, avec l’aide de Dieu, doit venir le salut. C’est désor­mais inutile de le deman­der à Rome, et moins encore à ces Goths de toutes sortes qui, à mesure qu’ils se civi­lisent, passent, non pas à la vraie Foi, mais à l’hérésie.

Mais voi­ci qu’un jeune chef des Francs, Clo­vis, vient d’é­pou­ser Clo­tilde, prin­cesse catho­lique, fille du roi des Burgondes.

Récit de l'Eglise pour les louveteaux et les jeannettes
Que n’é­tais-je là avec mes Francs !…

L’es­poir serait-il là ? Encore quelques mois, et Clo­vis, à Tol­biac, invoque, contre l’A­la­man enva­his­seur, le Dieu de Clo­tilde, pro­met­tant de se faire bap­ti­ser s’il est vainqueur.

Saint Rémy l’ins­truit et le bap­tise en effet à Reims, avec ses 3000 guer­riers, en ce Noël de l’an 496, qui va faire de la France de demain la Fille aînée de l’Église.

On raconte qu’un jour saint Rémy expli­quait à Clo­vis la Pas­sion ; le jeune guer­rier, ser­rant les poings, l’in­ter­rom­pait, disant : « Que n’é­tais-je là avec mes Francs ! »

Parole déjà si fran­çaise ! De fait, à par­tir de cette date, mal­gré des fai­blesses et des erreurs, la France va deve­nir, à tra­vers le monde, comme un che­va­lier sécu­laire, inces­sam­ment debout pour la défense des droits de Dieu.


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« La fin de l’Em­pire romain d’Oc­ci­dentLes Pères de l’Église »

2 Commentaires

  1. Pincemaille a dit :

    Bon­jour Mes­sieurs et mer­ci pour vos si tou­chants récits : pour celui d’au­jourd’­hui, on peut faire un paral­lèle avec notre époque où nous subis­sons une inva­sion tout aus­si redou­table et bar­bare que celles d’au­tre­fois. MAIS ! car il y a un « mais » et il est de taille : dans votre récit, vous écri­vez :« L’É­glise, elle ne tremble pas ! » alors qu’au­jourd’­hui, elle a « le trouillo­mêtre à 0 » et se garde bien de dénon­cer l’in­va­sion et les nui­sances conco­mi­tantes, sur­tout celles de l’Is­lam !!! hélas ! Et pour­tant, la solu­tion est aujourd’­hui la même qu’à l’é­poque : CONVERSION DES ENVAHISSEURS !!! les musul­mans n’au­raient-ils pas, eux aus­si, une âme à sau­ver ? que fait l’É­glise pour la conver­sion des musul­mans ? RIEN ! elle palabre (dia­logue isla­mo-Chré­tien !!! comme si on pou­vait dia­lo­guer avec l’en­fer !!! car Allah n’est rien d’autre que Satan en per­sonne) ! Des musul­mans – plus nom­breux qu’on ne le croit – se conver­tissent en effet (à leur risques et périls !) mais si l’É­glise mon­trait le che­min dans ce domaine, ça irait beau­coup plus vite et les Fran­çais repren­draient, eux aus­si, confiance dans leurs prélats !
    Ami­tiés à tous

    8 février 2015
    Répondre
    • Le Raconteur a dit :

      Ah ! Avec le texte d’au­jourd’­hui (Charles Mar­tel), on voit que, face à l’is­lam, nos ancêtres ont aus­si uti­li­sé des manières fortes avec suc­cès. Dans les bio­gra­phies du bien­heu­reux Charles de Fou­cauld qui sont sur ce site, on voit aus­si que l’É­glise doit les évan­gé­li­ser avec patience.

      28 février 2015
      Répondre

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