La moisson d’hosties

Auteur : Demetz L. | Ouvrage : Et maintenant une histoire I .

Temps de lec­ture : 6 minutes

Histoire pour les enfants - le blé et l'eucharistie - batteuseLes hommes battent le grain. Pierre regarde avec fier­té ce flot de fro­ment doré que déverse au sol la puis­sante batteuse.

Dans le vrom­bis­se­ment du moteur, les lourdes gerbes sont hap­pées avec force, vidées de leurs grains, et retombent lasses et vides.

Le beau blé s’ac­cu­mule en tas, sans arrêt ; on le vanne et on en rem­plit les grands sacs ven­trus qui attendent.

Pierre en met un coup avec son père et les ouvriers. De toute la force de ses douze ans, il manie la pelle avec habileté.

« Quel métier de chien ! J’ai l’go­sier sec », cla­baude le gros Louis qui vient battre uni­que­ment parce qu’il sait que Maître Renaud soigne son monde et qu’il y aura un mou­ton à manger.

Pierre s’est redresse comme une flèche : il aime déjà son futur métier et ne le lais­se­ra pas dépré­cier par personne.

« Tu ne sais pas ce que tu dis, Louis. Pense que sans nous l’hu­ma­ni­té mour­rait de faim. Le pays compte sur les pay­sans ; il faut que nous soyons dignes de sa confiance. »

Inter­dit, le gros Louis grogne encore pour le compte de son gosier altéré.

Pierre se remet à la besogne pen­dant que Louis par­le­mente avec ses insé­pa­rables can­nettes de bière, ali­gnées contre le mur.

Histoire pour la jeunesse - Pains et bléTout en rem­plis­sant son sac, Pierre réflé­chit comme tous les pay­sans réflé­chissent. Il se dit qu’il ne conver­ti­ra pas Louis aujourd’­hui et qu’il vaut mieux beso­gner que dis­cu­ter. Mais les der­niers mots adres­sés à son cama­rade lui reviennent à l’es­prit… mou­rir de faim.

Sans la terre, sans le noble tra­vail pay­san, sans le soleil et la pluie du Bon Dieu, tout le monde mour­rait de faim ! Papa le répète sou­vent à sa mai­son­née, en par­ti­cu­lier à Pierre, son aîné. Celui-ci a si bien com­pris la gran­deur pay­sanne qu’il rêve déjà de ses futurs labours. Grâce à lui, une par­tie du monde pour­ra vivre et savou­rer ce pain de chez nous qui fait le sang riche et le cœur vaillant.

A cette pen­sée, Pierre jubile, et il lui tarde d’être grand pour tra­cer les sillons au pas lent des che­vaux de trait.

Il lui fau­dra s’ins­truire et deve­nir savant comme Papa, qui connaît tant de choses de la cam­pagne ; cela va être long encore !

Oh ! mais… pour­quoi attendre ? Une idée germe dans la petite tête de douze ans, déjà tenace quand elle adopte un projet.

Le clair regard caresse les beaux grains dorés, et un sou­rire mys­té­rieux flotte sur le visage de l’enfant.

Sans tar­der, il deman­de­ra à son papa, ce soir, un arpent de terre, du champ de Micourt si bien enso­leillé, et de quoi ense­men­cer cette terre qui sera Sa Terre…

* * *

l'hostie, pain des hommes - champs sous la neigeLe temps a pas­sé, les sai­sons aus­si. Après les der­nières caresses du soleil d’oc­tobre, la neige toute blanche que les cita­dins ne connaissent pas, la belle neige est venue recou­vrir les champs de blé et les pré­ser­ver des dures gelées.

Ils n’y connaissent rien, ceux qui mur­murent quand il neige et qu’il gèle. Il faut bien que la terre se repose, il faut bien que les fra­giles mois­sons en herbe aient leur man­teau de neige et que la gelée débar­rasse le sol de toutes les ver­mines qui détrui­raient les récoltes futures.

Le prin­temps a main­te­nant des sou­rires, et, là-haut, à Micourt, les blés rou­lés sont en train de « tru­cher », les avoines prennent leur élan, la mois­son s’an­nonce belle !

Récit pour le catéchisme - le blé des hostiesPierre est fier de « son champ », long de douze mètres, large de trois. Chaque jour, il vient admi­rer « son blé » à la sor­tie de l’é­cole, ce blé qu’il a choi­si sur l’aire, qu’il a lui-même semé et qui main­te­nant lui fait honneur !

En le voyant ain­si immo­bile, che­veux au vent, les anciens du pays disent : « C’est un gars de chez nous, celui-là ! »

Il a eu grande émo­tion en arri­vant un soir à son champ. Voi­là que dans un même élan tous les épis l’ont salué. Ne sou­riez pas… c’est vrai. Comme il appro­chait, il a vu net­te­ment les lourdes têtes s’in­cli­ner devant lui sous la caresse du vent. Son cœur bat­tait bien fort, et il lui a sem­blé entendre les épis mur­mu­rer : « Tu es de chez nous. »

Pierre s’est sen­ti pay­san pour la vie.

* * *

Main­te­nant, les épis sont en gerbes, les gerbes en tas. Le soleil grise les alouettes qui montent dans le ciel bleu, et les mois­son­neurs se reposent.

Pierre compte ses gerbes qui sont superbes.

Il est, comme les alouettes, ivre de joie et de fier­té ! Il ne sent ni la cha­leur, ni la fatigue, devant le cou­ron­ne­ment de son œuvre. Il se sent grand, tout à coup, ce petit terrien.

Sa voca­tion magni­fique lui paraît la plus irradiante.

Il songe que de ce grain sor­ti­ra la blanche farine, fine fleur de fro­ment qui nour­ri­ra tous ceux qui auront le bon­heur de man­ger le pain qu’elle va fournir.

littérature pour les jeunes - blé, bible - eucharistieLe pain, cet ali­ment essen­tiel du corps !

Pierre, quelle est grande la joie qui illu­mine ton visage si serein ! Pour­quoi tombes-tu à genoux sur la glèbe de ton champ ?

Pierre, que dis-tu, les mains jointes, le front penché ?

« Sei­gneur Jésus, je Vous offre mon blé, pre­nez-le ! Je Vous demande qu’il soit autant d’hos­ties qui seront non plus du pain, mais qui devien­dront votre Chair adorable ! »

* * *

Au Car­mel de la ville, la fine farine a été trans­for­mée en petites hos­ties par les religieuses.

Chaque matin, en la petite église du vil­lage, à la parole du prêtre, Jésus des­cend sur l’au­tel… et le fruit du tra­vail d’un petit pay­san devient le Corps du Christ, le Pain de Vie.

Momes du catéchisme, histoires : hostie - élévation

L. Demetz.

Récit pour les jeunes - Fête du Saint Sacrement - Procession de la Fête-Dieu

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