« Le chevalier à l’étoile »
Saint Dominique, fondateur de l’Ordre des Dominicains. Né vers 1173 à Caleruega, diocèse d’Osna (Espagne). Mort à Bologne, Italie, le 6 août 1221.
Saint Dominique nous apparaît avant tout comme une âme de lumière, bien symbolisée par l’étoile que beaucoup de ses contemporains virent briller sur son front. Apôtre plein de zèle, il voulait apporter aux hommes une connaissance toujours plus parfaite de la Vérité, qui seule, rend l’homme vraiment libre. Mais si Dieu ne l’avait choisi pour être prêtre et fondateur d’un des ordres les plus répandus de la Chrétienté, sa nature ardente l’aurait porté à être un chevalier, un autre Cid Campeador…
Son père descendait d’une famille illustre, les Guzman, mais il n’était qu’un cadet sans fortune. Il décida ainsi de se tailler un petit domaine (c’était au plus fort de la « reconquista ») et éleva un petit « castillo », groupant autour de lui des serfs, des colons, qui trouvaient une protection contre les incursions de l’ennemi. Les Maures n’étaient pas encore chassés hors de l’Espagne et faisaient de nombreuses « razzias » dans les terres reconquises, semant la terreur et emmenant les malheureux chrétiens, femmes, enfants, dont ils faisaient leurs esclaves en les soumettant aux plus durs traitements. C’est l’époque où nous avons vu saint Jean de Matha se dévouer à l’œuvre du rachat des captifs. Toute la jeunesse de Dominique sera marquée par l’impérieuse nécessité de défendre et sa vie et sa foi contre l’invasion sarrasine.
De son père, de pure race visigothe, il tiendra sa nature chevaleresque, et physiquement, sa chevelure blond-roux et les yeux bleus. Sa mère, par contre, la Bienheureuse Jeanne d’Aza, qui descendait de la vieille race espagnole des Ibères, lui donnera sa petite taille, avec une extrême robustesse de tempérament. C’est d’elle aussi qu’il tiendra sa ferveur religieuse.
Quand elle attendait son troisième enfant, qui sera saint Dominique, elle eut une vision demeurée célèbre : elle vit un petit chien noir et blanc tenant en sa gueule une torche enflammée, avec laquelle, s’étant élancé hors du sein maternel, il semblait incendier l’univers entier. Frappée par cette vision, Jeanne d’Aza vint en pèlerinage à Silos, sur la tombe d’un des plus célèbres thaumaturges de Castille : saint Dominique de Silos, bénédictin, invoqué pour obtenir la délivrance des captifs mais aussi par les mères qui attendaient un enfant. Jeanne d’Aza resta plusieurs jours à l’Hôtellerie du Monastère. Elle passait ses journées à l’église, assistant aux offices et s’abîmant dans une contemplation silencieuse. La légende nous dit qu’un soir où elle avait prolongé plus que de coutume son oraison, elle vit venir à elle le thaumaturge, revêtu de ses insignes d’Abbé. Il lui prédit qu’elle mettrait au monde un fils qui deviendrait un illustre prédicateur et serait appelé « le réparateur de l’Église ».
Quelques mois plus tard, rentrée chez elle, Jeanne d’Aza mit au monde un fils auquel elle fit donner le nom de Dominique, ainsi qu’elle l’avait promis au thaumaturge de Silos.
À cinq ans, le petit Dominique exprimait déjà une vie toute donnée à Dieu ; il écoutait avec enthousiasme les récits que ses frères lui faisaient de la vie des Anachorètes (encore nombreux au XIIe siècle) qui vivaient retirés dans des grottes, cultivant leur jardinet, et conseillant ceux qui venaient les trouver. L’enfant concevait alors le désir d’imiter autant que possible ces pratiques d’austérité. Aussi, quand le sommeil ne le prenait pas tout de suite, dès que tout était silencieux, il quittait sa couchette, et s’étendait sur le sol. Mais sa mère qui veillait sur ses enfants eut vite fait de le voir, et elle lui enjoignit de prendre le repos nécessaire, lui faisant comprendre que souvent l’obéissance était préférable au sacrifice.
Ce qui maintenant va marquer très fortement Dominique, sera l’inquiétude constante où l’on vivait en Vieille Castille, de voir apparaître dans la plaine les cavaliers maures. Que de fois don Félix de Guzman montait au sommet de la tour de son « castillo » avec son fils Dominique ! Il faisait avec lui le tour du parapet, puis prenant l’enfant dans ses bras, il le faisait asseoir sur les créneaux et lui disait : « Regarde cette immense plaine grise sillonnée en son centre par une grande ligne vert sombre. Cette ligne sombre est le Douro, et puis, vois-tu derrière ce fleuve, ces contreforts s’élevant dans le ciel ? C’est la Sierra Guadarrama, et derrière se trouve Tolède ; et bien, c’est là que nos guerriers se battent contre les Maures. » Ne nous étonnons donc pas de l’horreur que Dominique conçut ainsi pour les Maures !
Pour l’enfant et plus tard le jeune homme, le récit de cette interminable lutte contre les envahisseurs était la lutte des Chrétiens contre les ennemis mortels du Christ. Si les Maures avaient réussi à dominer l’Espagne, ils auraient en effet exterminé avec la dernière férocité toute trace de la religion chrétienne. En défendant leurs pays, les chevaliers et le peuple étaient conscients de lutter non seulement pour leur propre vie, mais pour sauvegarder leur âme et celle de leurs enfants. L’influence de cette lutte fut certainement prépondérante dans la vocation du Fondateur des Prêcheurs, bien que Dominique n’ait jamais été tenté d’aller en Croisade contre les Maures ; son sentiment se tourna vers tous les hérétiques et il luttera ainsi, non pas l’épée à la main, mais par l’exemple et la dialectique, ainsi contre les Albigeois aussi dangereux, sinon plus, car ruinant les bases mêmes du christianisme sous le couvert de l’Église.
Quand l’enfant eut sept ans, ses parents décidèrent de l’envoyer chez l’oncle de la Bienheureuse Jeanne d’Aza, l’Archiprêtre du village de Gumiel d’Aza, à quelques lieues de Cabeluega. Il y restera jusqu’à quinze ans. Ce furent des années studieuses et heureuses. Son oncle était très cultivé et Dominique apprit de lui à lire et écrire avec facilité en latin. Il étudiait la Bible, les Pères de l’Église et son âme se nourrissait de la plus pure vérité chrétienne. L’été le voyait revenir au château familial. Une grande intimité d’âme régnait entre la mère et le fils : le jeune Dominique avait gardé le rayonnement d’une totale transparence et sa mère était une sainte ; c’est elle qui la première, vit sur le front du jeune homme une étoile – qui sera perçue plus tard par les fils et filles spirituels du saint selon la pureté de leur cœur.
Les dons exceptionnels du jeune Dominique amenèrent ses parents, sur les conseils de l’oncle, à l’envoyer poursuivre ses études à l’Université de Palencia, qui deviendra plus tard la fameuse université de Salamanque. Il y restera jusqu’à 28 ans, étant devenu prêtre entre-temps et enseignant. Sa grande science scripturaire et théologique le fit alors remarquer par l’évêque d’Osma : Diego de Azavedo, qui le fit venir chez lui et le fit nommer Prieur des Chanoines du Chapitre. Les années passèrent…
Dominique a maintenant 33 ans. Il étudiait, il prêchait, il s’adonnait à la prière, intercédant devant Dieu avec « des cris et des larmes » pour le salut des pécheurs. Et puis, un événement fortuit révélera enfin au futur fondateur des Frères Prêcheurs, sa vraie vocation.
Diego de Azavedo, l’évêque, et Dominique, arrivèrent un soir à Toulouse ; ils revenaient d’un long voyage qui les avait conduits à la Cour du Danemark pour négocier un mariage. Le cortège s’installe dans l’Hôtellerie et, après le souper, tous vont prendre leur repos… Tous… sauf Dominique. Il savait que Toulouse était devenue la capitale du Catharisme et un sens subtil lui avait révélé que le Maître de la demeure était hérétique. Dominique s’approche de ce dernier : « Causons un peu, à côté de l’âtre » dit avec grâce Dominique. L’homme, à contre cœur, s’assied. Il ne pouvait détourner les yeux du jeune ecclésiastique tant rayonnait de sa personne une force surnaturelle. La conversation devint plus intime et Dominique révèle à son hôte qu’il savait qu’il était cathare puis expose la vraie foi catholique avec tant de conviction que peu à peu l’hôtelier sentit ses préjugés s’évanouir. L’aube se levait. Une âme avait retrouvé la paix de la Vérité et Dominique avait trouvé sa voie.
Les années qui vont suivre seront d’une fécondité extraordinaire : Dominique va sillonner le Languedoc, affrontant les Cathares, acceptant de dialoguer avec eux, et opérant de nombreuses conversions. Très vite, des disciples viennent à lui, partageant son apostolat et l’Ordre futur des Prêcheurs commence. Dominique n’hésitera pas à aller à Rome plusieurs fois (toujours à pied) et il sera ainsi appuyé par les Papes Innocent III puis Honorius III dans son apostolat. Ces deux papes avaient compris que si l’hérésie avait fait tant de ravages dans la Chrétienté, c’était en partie dû à l’incurie spirituelle et aux mauvais exemples de beaucoup de prêtres, d’abbés, de prélats, trop attachés aux richesses matérielles. Même les abbés cisterciens envoyés pour convertir les hérétiques du Languedoc avaient échoué. Dominique, qui avait observé la situation, s’adressa alors un jour à ces prélats et leur dit : « Quittez vos montures, renvoyez vos équipages fastueux et allons prêcher l’Évangile comme le firent les premiers apôtres qui vivaient dans la plus stricte pauvreté. Peut-être qu’alors Dieu touchera le cœur des hérétiques… » et l’effet ne se fit pas attendre.
S’il est exact que Dominique eut une part dans l’Inquisition qui sévit alors contre les Cathares, il n’en fut pas le fondateur ; il reçut de ses Supérieurs ecclésiastiques les pouvoirs inquisitoriaux. Notons à ce propos que l’Inquisition (qui a pris un sens péjoratif) était une forme judiciaire d’enquête : inquisition dérive du latin « inquirere » rechercher. On peut dire qu’actuellement, le juge d’instruction est un « Inquisiteur ». D’ailleurs, l’inquisition fut un progrès au point de vue de la Justice, car combien de fois auparavant on avait recours au jugement de Dieu… !
À côté des Frères qui se groupaient autour de Dominique, nous voyons très vite se former de petits couvents de religieuses contemplatives ; la première fondation fut à Prouille, non loin de Carcassonne, et beaucoup de Sœurs furent des converties du Catharisme. L’âme ardente du saint avait fondé un foyer fervent de religieuses, vivant dans la plus austère pénitence, rayonnant d’énergie spirituelle qui peu à peu assainit l’atmosphère d’un village ou d’une région.
C’est à cette époque de sa vie que saint Dominique eut la révélation surnaturelle de l’usage du Rosaire comme arme puissante pour réveiller les âmes par une prière simple, accessible à tous.
Vers la fin de sa vie, cinquante couvents des Prêcheurs existaient déjà, répandus dans toute la chrétienté, peu après la mort du saint, on dénombre 400 fondations !
Dominique avait réalisé le songe mystérieux de sa mère, et le feu de sa parole, ses exemples, les miracles qu’il accomplissait ont incendié d’un feu nouveau l’univers !
Et voici venir l’heure ou l’infatigable Apôtre de la vérité va recevoir la récompense de ses labeurs et de ses combats. Malgré sa constitution robuste, il était usé par ses courses apostoliques, ses austérités, ses sanglantes disciplines qui l’unissaient toujours plus au Christ Crucifié, et surtout par cet ardent amour des âmes qui lui faisait passer tant d’heures de la nuit en intercessions pour les malheureux pécheurs.
Saint Dominique mourut jeune, à 51 ans. Une fièvre ardente l’ayant terrassé à Bologne, il se fit transporter par ses frères dans leur petit couvent des Vignes, proche de la ville. Il voulut mourir dans la pauvreté où il avait vécu et se fit étendre à terre, sur un sac, et là, entouré de ses frères, il récita avec eux les dernières prières aux paroles : « Venez au secours, Saints de Dieu, accourez, Anges du Seigneur, recevant son âme, offrez-la en présence du Très-Haut ». Frère Dominique rendit son âme à Dieu.
merci Saint DOMINIQUE pour tes œuvres, et merci pour la rédaction de cet histoire elle est suffisante pour connaitre qui était cet homme de foi
BOnjour,
je souhaiterai etre informée de la publication de vos nouveaux billets. Merci pour ce beau travail !
Hélène