Ismaïla ou le miracle des étoiles

Auteur : Nette, Jean | Ouvrage : Et maintenant une histoire I .

Temps de lec­ture : 6 minutes

Le cré­pus­cule tom­bait sur … Était-ce la froi­dure par­ti­cu­lière qui inci­tait les habi­tants à gar­der leur porte close ou bien le cœur de ces gens était-il par­ti­cu­liè­re­ment froid et fermé ?

Conte de Noel : Il n'y avait pas de place pour eux à l'hôtellerie
Il n’y avait pas de place pour eux à l’hô­tel­le­rie
Beth­léem, tapis­se­rie à l’hô­tel­le­rie du patriar­cat latin

De fait, nul ne répon­dait aux appels timides et angois­sés de l’homme aux pauvres habits, au visage noble et maigre, qui condui­sait un petit âne, lequel sem­blait por­ter avec peine une petite femme à l’a­do­rable visage fait de dou­ceur et de lumière. L’homme deman­dait un gîte… même pas un abri pour la nuit… Nul ne répon­dait, si ce n’est avec des paroles dures et mena­çantes… Et le petit groupe, triste et exté­nué, voyait les der­nières mai­sons de Beth­léem se pré­sen­ter à ses yeux…

Conte pour les enfants à Noël : santon La fillette du potierSur le seuil d’une porte se tenait une petite forme blanche, assise immo­bile sur une jatte ren­ver­sée. Aucune vie ne sem­blait l’a­gi­ter, mais les lèvres fré­mis­saient sous l’ar­dente prière qui chaque soir mon­tait du cœur d’Is­maï­la, la fille du potier ; et ce petit cœur disait

« Quand vien­dra-t-Il ? Sei­gneur tout-puis­sant, quand vien­dra-t-Il ? Celui que Vous nous avez pro­mis, le , quand vien­dra-t-Il ? Si peu de chose que je sois, mon Dieu, je serai la pre­mière à L’a­do­rer… et à Le servir. »

Depuis quelques minutes, l’homme et la femme étaient arrê­tés devant Ismaï­la qui n’a­vait pas levé la tête.

Ils avaient enten­du le mur­mure de l’en­fant, et des yeux de la jeune femme deux perles brillantes glis­saient, tan­dis qu’un doux sou­rire éclai­rait ses traits fati­gués. L’homme, ému lui aus­si, posa sa main sur la tête de l’en­fant en lui disant tout bas

« Espère, enfant. Celui que tu attends ne sau­rait tarder… »

Sai­sie, la fillette s’é­tait dres­sée et, dans l’obs­cu­ri­té, ouvrait déses­pé­ré­ment des yeux sans vie et sans cou­leur… Quelle était cette fugi­tive pré­sence où il avait sem­blé à Ismaï­la res­pi­rer un par­fum de miracle ?

« Hélas mur­mu­ra-t-elle en retom­bant sur son siège, hélas ! Mon Dieu, com­ment pour­rai-je Le ser­vir avec des yeux sans vie ? »

Car la petite fille du potier était .

* * *

« Minuit : le miracle est sur terre. Levez-vous, ber­gers, levez-vous, hommes au cœur pur, réjouis­sez-vous : le Sei­gneur vient de naître ! Venez L’a­do­rer… Sui­vez la scin­tillante étoile qui vous condui­ra à une lieue de Bethléem…

Récit pour le catéchisme : Les anges de Noël chantent Gloria in excelsis Deo

L’é­table qui s’y trouve a misé­rable appa­rence, mais c’est là, ber­gers, c’est là, rois, que le Ber­ger des âmes, que le Roi du monde est né ! Réjouissez-vous ! »

La nuit orien­tale résonne de mille chants doux et mys­té­rieux ; le par­fum du miracle se répand : tout à l’en­tour sur les col­lines les ber­gers se lèvent, prennent de tendres agneaux dans leurs bras, et, les yeux fixés sur l’é­toile sainte, ils s’a­che­minent vers le lieu qu’elle indique.

Dans la mai­son du potier, sur sa couche de paille, une petite fille qui ne dor­mait pas a per­çu les chants ! Son cœur a tres­sailli en devi­nant que le miracle s’é­tait réa­li­sé ; et tout dou­ce­ment, Ismaï­la, petite forme blanche, se glisse hors de la mai­son dans l’obs­cu­ri­té dou­ble­ment noire pour elle.

Anges enfantins marchant sur la neige vers la crèche de la NativitéElle va, la petite fille, vers Celui qu’elle atten­dait, auquel elle s’est déjà don­née de tout son cœur. Elle n’a pour se gui­der que le tin­te­ment des clo­chettes des trou­peaux. Elle marche, butant contre les pierres du che­min, se grif­fant aux épines des cac­tus et des ronces… Vaillante, elle va tou­jours, ne vou­lant rien sen­tir que la joie de son âme…

Mais voi­là une heure que les petits pieds nus foulent un sol pier­reux… ils sont ensan­glan­tés, et sou­dain Ismaï­la sent une cruelle fatigue l’en­va­hir. Où est-elle ? où sont les tin­te­ments des trou­peaux ? où sont les chants de la nuit ? Plus rien que le silence pro­fond, le silence noir qui enve­loppe la petite fille. Exté­nuée, sen­tant qu’elle s’est per­due pour n’a­voir pu comme les ber­gers suivre l’é­toile sûre, elle tombe sur le che­min et pleure…

Elle ne pour­ra aller ado­rer le Sau­veur… Elle ne pour­ra aller Lui faire offrande de son cœur. Et les larmes coulent, déses­pé­rées, de ses pauvres yeux morts… C’est alors qu’en cette nuit divine un second miracle s’ac­com­plit. De la nuit, deux étoiles se déta­chèrent et len­te­ment des­cen­dirent vers la petite forme blanche… Elles dis­pa­rurent entre les doigts qui pres­saient les pauvres pau­pières meur­tries et… quand, tout à coup redres­sée et repo­sée, Ismaï­la reti­ra ses doigts, ce fut pour « voir » le ciel cri­blé de dia­mants, la nuit magni­fi­que­ment sereine et tout près d’elle une petite étable autour de laquelle, silen­cieux et pros­ter­nés, se tenaient les bergers.

Et dans la paille se trou­vait un ado­rable petit Enfant que Marie, au lumi­neux sou­rire, veillait avec amour… A un cer­tain moment, l’En­fant se tour­na vers la petite forme blanche glis­sée tout près de Lui entre deux agneaux.

Et Jésus sou­rit à Ismaï­la dont les yeux, en Le contem­plant, brillaient comme des étoiles…

Nette Jean.

Peinture de la Nativité - Gérard de Saint-Jean
Nuit de la Nati­vi­té, vers 1490 – Gérard de Saint-Jean,
Natio­nal Gal­le­ry, Londre

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