Constantin et la conversion de l’Empire romain

Auteur : Par un groupe de pères et de mères de familles | Ouvrage : Petite Histoire de l'Église illustrée .

Temps de lec­ture : 11 minutes

∼∼ VIII ∼∼

Toute une joyeuse mati­née en pers­pec­tive, en route vers le Pincio.

C’est déli­cieux. D’un côté le grand parc de la vil­la Borg­hèse, à l’o­pu­lente ver­dure ; de l’autre, la ville de Rome dans cette lumière lim­pide que lui verse à flots le ciel d’I­ta­lie. Sur toute la hau­teur, les fleurs semblent jetées par touffes, à pro­fu­sion. Tous les tons se mêlent dans une richesse inouïe, l’air est embau­mé, tan­tôt par le par­fum des roses appor­té par une brise infi­ni­ment douce, tan­tôt par l’o­deur toni­fiante des pins.

Au fond du tableau, Saint-Pierre se des­sine majes­tueux et comme triom­phant. Cha­cun, ébloui, contemple et reste muet.

Une petite voix, au bout d’un long moment, tra­duit l’im­pres­sion générale :

— On est bien ici.

— Oui, Colette, répond maman ; pro­fi­tons-en longuement.
Res­tons à l’ombre, le regard posé sur ce pano­ra­ma, et puis deman­dons à ton père de conti­nuer l’His­toire de l’Église.

— Excel­lente idée, car nous sommes arri­vés à l’heure de son triomphe sous , et tout, dans ce que nous avons ici sous les yeux, chante la vic­toire du Christ. Seule­ment, je vous aver­tis que, si nous nous met­tons à l’œuvre, il va fal­loir se don­ner de la peine. La période de l’His­toire de l’É­glise que nous abor­dons est dif­fi­cile à bien saisir.

— Ça ne fait rien ! décide impé­tueu­se­ment Colette ; expli­quez, papa, s’il vous plaît, tout ce que nous pou­vons comprendre.

— Hé bien, écou­tez-moi. En quit­tant le Coli­sée, je vous ai fait remar­quer, à droite, l’arc de triomphe de Constan­tin. Qui était ce Constantin ?

Jean se hâte de répondre :

— Constan­tin, fils de Constance Chlore, gou­ver­neur de la Gaule.

— C’est cela même. Cet homme fut entre les mains de Dieu un ins­tru­ment pro­vi­den­tiel. Beau, grand, élan­cé, natu­rel­le­ment majes­tueux, mer­veilleu­se­ment doué, ayant une haute intel­li­gence, un esprit pon­dé­ré, un carac­tère magna­nime, ce pro­fond poli­tique, ce chef valeu­reux eût été par­fait, si l’en­ivre­ment du suc­cès n’eût cau­sé les quelques fai­blesses regret­tables de sa vie.

L’His­toire Romaine nous apprend com­ment Constan­tin, sym­pa­thique aux chré­tiens, se trou­va en guerre avec Maxence, qui, lui, sou­te­nait le paganisme.

Constantin et l'apparition de la Croix
Constan­tin et le labarum


Dans sa marche vers Rome, Constan­tin eut une vision. Au-des­sus du soleil, une Croix lumi­neuse lui appa­rut dans le ciel, avec cette ins­crip­tion : « Sois vain­queur par ce signe. » Toute l’ar­mée vit le pro­dige. Le len­de­main, Constan­tin pre­nait la Croix pour éten­dard impé­rial ou « Laba­rum ». Désor­mais il irait de vic­toire en victoire.

Un de ses pre­miers actes fut de rendre la liber­té à l’É­glise par l’.

— Qu’est-ce que c’est donc exac­te­ment, mon oncle, qu’un édit ? ques­tionne Annie.

— C’est une ordon­nance, un ordre, si tu aimes mieux, éma­nant de l’au­to­ri­té sou­ve­raine, ayant donc force de loi.

— Et que disait cet édit de Milan ?

— Il com­men­çait ain­si : « Nous avons réso­lu d’ac­cor­der aux chré­tiens et à tous les autres la liber­té de pra­ti­quer la reli­gion qu’ils pré­fèrent, afin que le Dieu qui est au ciel soit pro­pice à nous-même, et à ceux qui vivent sous notre domination. »

Ce fut, dans toutes les chré­tien­tés de l’Em­pire , qui com­pre­nait près de 1600 évê­chés, un long cri de joie. Après tant de souf­frances, c’é­tait la liber­té, chè­re­ment acquise, mais désor­mais cer­taine, de pou­voir vivre au grand jour sa Foi chrétienne.

En effet, mes enfants, les per­sé­cu­teurs avaient enra­ci­né cette Foi dans les âmes. La fer­me­té indomp­table des mar­tyrs avait appris au monde païen que per­sonne ne peut obli­ger une conscience à capi­tu­ler. L’er­reur est l’er­reur et la véri­té est la véri­té. Tous les mar­tyrs avaient sup­por­té les pires tor­tures pour affir­mer cela, à la face du monde entier.

Après trois siècles de luttes, la véri­té triomphait.

Histoire de l'Église pour les jeunes et les scouts
Arc de triomphe de Constan­tin, à Rome.

En l’an 321, les églises catho­liques reçurent le droit de pro­prié­té ; la vraie reli­gion s’é­ta­blis­sait, gagnant de proche en proche.

On eût pu croire, n’est-ce pas, que tout était sau­vé ? Non ; il entre dans les des­seins de Dieu que la vie de l’É­glise soit un long com­bat. Ain­si ses fils ne pour­ront jamais s’en­dor­mir dans l’a­mol­lis­se­ment d’une paix trop heu­reuse. Ils gar­de­ront l’at­ti­tude des sen­ti­nelles, qui pro­tègent le fort en veillant.

Sous Constan­tin, les per­sé­cu­tions san­glantes étaient finies ; d’autres épreuves allaient sur­gir, très dan­ge­reuses, non plus pour les corps, mais pour les âmes. Les nou­veaux conver­tis gar­daient inévi­ta­ble­ment bien des restes de paga­nisme dans leurs esprits et dans leurs habi­tudes ; les véri­tés de la Foi les éton­naient encore et ils n’en étaient pas, pour la plu­part, suf­fi­sam­ment ins­truits. Et puis, l’es­prit de l’homme tombe faci­le­ment dans l’er­reur. Plu­sieurs se mirent à ensei­gner des choses fausses et l’or­gueil les entraî­na dans la révolte, avec ceux qui les sui­vaient. Ce sont des héré­siarques, c’est-à-dire ceux qui inventent les hérésies.

— Et que signi­fie ce mot ? réclame Colette.

veut dire : choix.

Les héré­tiques choi­sis­saient, par­mi les véri­tés reli­gieuses, celles qu’ils admet­taient plus faci­le­ment. Quand il fal­lait accep­ter, avec humi­li­té, des véri­tés qu’ils avaient d’a­bord mal com­prises, et même mal ensei­gnées, quand sur­tout ces véri­tés les obli­geaient à réfor­mer leurs vies, il les niaient, ni plus ni moins.

— En voi­là une reli­gion ! déclare Colette avec can­deur. Comme si le Bon Dieu pou­vait se trom­per, et qu’on pou­vait choi­sir dans ce qu’il a dit ! Ils sont idiots ces gens-là !

— Non, Colette, ils ne sont pas idiots, ils ont même été quel­que­fois très intel­li­gents ; mais quelque chose les a per­dus, comme il a per­du le plus grand des Anges du Ciel : c’est l’orgueil.

— C’est triste, reprend Colette, en secouant sa tête blonde. Et il y a eu beau­coup d’hérésiarques ?

— Il en avait sur­gi dès le Ier siècle et, de loin en loin, tout le long de l’His­toire de l’É­glise, il s’en est ren­con­tré. Mais un des plus célèbres, jus­te­ment sous Constan­tin, s’ap­pe­lait Arius.

— Et qu’est-ce qu’il a « choi­si » celui-là ? conti­nue Colette, avec un air de sou­ve­rain mépris.

— Il ensei­gnait « que le Fils de Dieu a été créé, qu’il n’est point éter­nel et égal à son Père ».

— Hé bien, il ne savait pas son caté­chisme, voi­là tout : « Le Père est-il Dieu ? oui le Père est Dieu. Le Fils est-il Dieu ? oui le Fils est Dieu. Le Saint-Esprit est-il Dieu ? oui le Saint-Esprit est Dieu. Les trois Per­sonnes de la Sainte Tri­ni­té, le Père, le Fils et le Saint-Esprit, sont égales en toutes choses. »

— Bra­vo, Colette ! dit Bernard.

Mais papa reprend très sérieusement :

— Là est la véri­té. Seule­ment, pour la décla­rer devant Arius et ses par­ti­sans, l’É­glise a pris un grand moyen, qui lui sert chaque fois que cela lui semble utile. Elle réunit alors les évêques en assem­blées nom­mées conciles et, dans ces réunions, prend les déci­sions nécessaires.

Il y a eu de petits conciles, si je puis ain­si par­ler, com­po­sés d’un cer­tain nombre d’é­vêques. Mais il y a eu aus­si, beau­coup plus rare­ment, de grands conciles uni­ver­sels, qui portent un nom dif­fi­cile à rete­nir. On les appelle conciles œcu­mé­niques ou géné­raux : ceux-là réunissent les évêques du monde entier, sous la direc­tion du Pape pré­sent, ou repré­sen­té par un légat. Vous savez que les évêques, ain­si assem­blés en union avec le Pape, par­ti­cipent à son pri­vi­lège de l’infaillibilité.

— Tant mieux, décide Colette, sou­la­gée. Si les évêques et le Pape se sont réunis comme ça pour répondre à cet orgueilleux que vous appe­lez…, ici Colette hésite.

— Arius, dit Jean secourable.

— Oui, Arius. Hé bien, il aura su une fois pour toutes que le Père, le Fils et le Saint-Esprit sont égaux en toutes choses.

Papa sou­rit à l’ar­deur de sa blon­di­nette, dont les yeux, habi­tuel­le­ment si lim­pides et si doux, ont des lueurs indignées.

— Hé ! ça n’a pas été si facile que ça ! D’a­bord, il s’a­gis­sait de choi­sir le lieu de ce pre­mier grand œcu­mé­nique. Constan­tin pro­po­sa .

— Nicée ! cette ville là-bas, située au bord du Bosphore ?

— Par­fai­te­ment. Ain­si pla­cée entre l’O­rient et l’Oc­ci­dent, Nicée sem­blait bien faite pour réunir tous les princes de l’É­glise universelle.

Constan­tin écri­vit à cha­cun d’eux : « Nul de vous n’i­gnore que rien ne me tient plus à cœur que la pié­té envers Dieu. »

— Quel chic type ! mâchonne Bernard.

— Quel grand prince, rec­ti­fie son oncle. Il mit immé­dia­te­ment à la dis­po­si­tion des évêques les voi­tures de la Poste impé­riale, et les larges voies romaines, si admi­ra­ble­ment tra­cées pour relier les diverses par­ties de l’empire, furent bien­tôt sillon­nées d’au­gustes voya­geurs. Chars, che­vaux, ser­vi­teurs, employés de la poste, tout, par ordre de l’empereur, était à leur service.

Ils se ren­con­trèrent pour la pre­mière fois au mois de mai de l’an de grâce 325, en cette ville de Nicée. Beau­coup se connais­saient de répu­ta­tion. On savait les souf­frances endu­rées pour le Christ par ceux qui étaient des confes­seurs de la Foi. Il y avait Paph­nuce, évêque de Thé­baïde, avec son pauvre œil cre­vé par les bour­reaux, et sa jambe dont les muscles avaient été cou­pés, tan­dis qu’il tra­vaillait aux mines ; saint Paul de Césa­rée, la main muti­lée par le fer, et com­bien d’autres !

Le Pape saint Syl­vestre, trop âgé pour se dépla­cer, avait délé­gué, pour tenir sa place, Hosius, évêque de Cor­doue, ami et conseiller de Constan­tin. Il était accom­pa­gné de deux prêtres, Vite et Vincent.

Son­gez, mes enfants, à l’é­mo­tion de cette auguste assem­blée. On y par­lait toutes les langues, mais il n’y avait qu’une seule et même Foi, pour laquelle on avait souf­fert jus­qu’aux plus dou­lou­reux sacrifices.

On s’en­ten­dait d’ailleurs en par­lant grec et latin. Ces évêques étaient aus­si des savants.

Constan­tin parut au début du concile, comme pré­sident d’hon­neur, mais seul l’é­vêque Hosius, repré­sen­tant le Saint Père, eut la direc­tion des déli­bé­ra­tions doctrinales.

— Oh ! papa, inter­rompt Colette, est-ce que cet Arius est venu ?

— Bien sûr, et avec une arro­gance incroyable. Il avait ame­né des par­ti­sans, qui dis­cu­taient tout indé­fi­ni­ment, comme font ceux qui ne savent pas recon­naître qu’ils se sont trom­pés. Mais il y avait là un diacre, ame­né par l’é­vêque d’A­lexan­drie, où Arius avait répan­du sa doc­trine. Ce diacre, qui s’ap­pel­le­ra , jetait par terre, comme des châ­teaux de cartes, les pauvres dis­cus­sions des adver­saires de la Foi.

Enfin après de longues, longues séances, le concile condam­na l’er­reur d’A­rius et affir­ma Dieu le Fils « consub­stan­tiel » à Dieu le Père, c’est-à-dire Dieu comme Lui.

Alors les évêques rédi­gèrent tous ensemble une for­mule de Foi qui n’est autre que le déve­lop­pé. C’est celui qui se chante à la Messe et que d’autres conciles ont com­plé­té encore.

Quand la for­mule adop­tée fut com­mu­ni­quée à Constan­tin, il s’é­cria : Ce n’est pas l’œuvre des hommes, mais du Saint-Esprit.

A la clô­ture du concile eut lieu une scène dont il faut que vous gar­diez le sou­ve­nir. L’empereur féli­ci­ta les évêques, les com­bla d’hon­neurs, et lui qui, à cette heure, com­man­dait au monde civi­li­sé, vou­lut aller de l’un à l’autre, bai­ser les bles­sures de ceux qui avaient souf­fert pour la Foi.

Ain­si, à cette heure mémo­rable, un grand prince s’in­cli­nait avec res­pect et obéis­sance devant le gou­ver­ne­ment spi­ri­tuel de l’Église.


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