Comment Joël, fils de Michaël, prépara la Pâque

Auteur : Pautard, A. | Ouvrage : Et maintenant une histoire II .

Temps de lec­ture : 7 minutes

Joël réflé­chis­sait.

« Déjà, se disait-il, toute la ville reten­tit de tam­bou­rins et de flûtes. Déjà, les fours cuisent le pain sans levain, et par­tout on tue les agneaux que l’on fera rôtir. Demain, c’est la Pâque, la plus grande et la plus joyeuse de nos fêtes. Il faut aujourd’­hui que je fasse quelque chose d’ex­cep­tion­nel. Ce ne peut pas être un jour comme les autres. »

Récit du jeudi saint pour les enfants - JerusalemEt Joël, mâchon­nant une brin­dille, tour­nait en rond sur la ter­rasse de la mai­son, au grand soleil. Autour de lui, les innom­brables toits de Jéru­sa­lem s’é­ten­daient, domi­nés par des tours. On enten­dait la sourde rumeur de la ville en fête.

Le gar­çon des­cen­dit et alla trou­ver son père.

« Père, lui dit-il, confiez-moi un tra­vail que je n’ai pas l’ha­bi­tude de faire… Tenez, ma mère est très occu­pée aujourd’­hui. Don­nez-moi à por­ter la plus grosse des jarres. Je vais aller cher­cher de l’eau à sa place. »

Le père Michaël se mit à rire.

« Tu veux donc que tout le monde se moque de toi ? Tu sais bien que pui­ser l’eau est un tra­vail de femme. Que dira-t-on quand tu arri­ve­ras à la fon­taine ? On te pren­dra pour un fou. Ça ne s’est jamais vu !

— Peut-être, répli­qua le gar­çon. Mais je veux rendre ser­vice à ma mère. Si cela me coûte quelques moque­ries, tant mieux. Je n’en serai que plus heu­reux. Rendre ser­vice, cela a beau­coup plus de valeur quand c’est difficile ! »

Haus­sant les épaules, Michaël acquies­ça et per­mit à son fils de s’en aller vers la fon­taine, la lourde cruche sur le dos.

* * *

… Ce fut un joli suc­cès pour Joël. Les pas­sants le mon­traient du doigt. Faire un tra­vail de femme ! Était-ce rai­son­nable pour un grand gaillard comme lui ? Mais le gar­çon n’en avait cure. Il rem­plit sa jarre, au milieu des quo­li­bets, et péni­ble­ment, l’é­chine ployée sous son far­deau, remon­ta les ruelles en esca­lier, lais­sant der­rière lui une longue trace de gout­te­lettes que le pavé brû­lant avait tôt fait d’absorber.

Il avait déjà par­cou­ru la moi­tié du che­min, lors­qu’il croi­sa deux hommes, des Gali­léens. Ceux-ci regar­dèrent Joël, puis, après s’être mur­mu­ré quelque chose à voix basse, se mirent à le suivre. Le gar­çon les sur­veillait du coin de l’œil.

« Que me veulent-ils, ces gens-là ?… Ils marchent der­rière moi depuis la place aux oli­viers… Ce ne sont pas des mal­fai­teurs, pour­tant, mais… Bah ! Après tout, si ça les inté­resse de me voir por­ter ma cruche !… »

Il péné­tra dans la mai­son de son père et dépo­sa le réci­pient dans un angle de la cour. Des coups heur­taient la porte. Michaël alla ouvrir. Les deux étran­gers étaient là.

« La paix soit sur toi, dit le plus âgé. Je me nomme Simon-Pierre, et voi­ci Jean, mon com­pa­gnon. Le Maître nous a envoyés en disant : Vous ren­con­tre­rez un homme qui por­te­ra une cruche d’eau. Nous l’a­vons vu et sui­vi, et nous venons te deman­der, de la part du Maître, où est le lieu où Il doit man­ger la Pâque avec ses disciples.

— Entrez, répon­dit Michaël. Il y a ici une grande salle déjà meu­blée. Pré­pa­rez tout ce dont vous aurez besoin. Vous êtes chez vous. »

Joël, fort intri­gué, se ren­dit lui aus­si dans la pièce. C’é­tait celle que, d’or­di­naire, on réser­vait aux hôtes de pas­sage. Des lampes d’ar­gile l’é­clai­raient. Autour de la table basse, les divans et les cous­sins étaient déjà rangés.

Histoire pour le Jeudi Saint, préparation de la PâqueIl aida Pierre et Jean. Il fit trem­per le pain sans levain dans cette sauce rouge que l’on appelle « haro­seth ». Il dres­sa, devant la place de chaque convive, les coupes où serait ver­sé le vin mêlé d’eau. Il tria les herbes par­fu­mées du thym, du lau­rier, du basi­lic, de la mar­jo­laine, qui ser­vi­raient aux sauces. Il dis­po­sa les pains et l’eau salée. Mais les deux hommes, tout en bavar­dant avec lui, ne lui per­mirent ni de décou­per l’a­gneau tra­di­tion­nel, ni de le faire cuire, enfi­lé sur une baguette de grenadier.

* * *

Enfin, tout fut prêt à la tom­bée de la nuit. Une odeur de grillade et d’a­ro­mates flat­tait les narines de Joël. Cepen­dant, on aurait dit qu’il allait se pas­ser dans cette salle haute quelque chose de plus impor­tant qu’un ban­quet de fête… Le gar­çon se fai­sait tout petit, der­rière un divan, pour y assister.

Déjà, d’autres hommes entraient, par petits groupes. Une dou­zaine, au total. Mais Michaël vint cher­cher son fils.

« Ne reste pas ici, mon gar­çon, lui dit-il. Ce ne serait pas poli. D’a­près nos cou­tumes, nos hôtes ne doivent être déran­gés par per­sonne. Cette mai­son, pour ce soir, est la leur et non plus la nôtre. Viens. Retirons-nous.

— Mais qui sont-ils, Père ? Je ne les ai jamais vus. »

A la lueur dan­sante des mèches brû­lant dans l’huile, Michaël les dési­gna à son fils, à mi-voix :

« Voi­ci Pierre, et son frère André ; Jacques et Jean, les fils de Zébé­dée. Ici, Jacques, fils d’Al­phée, qui bavarde avec Simon le Cana­néen et Thomas. »

La ten­ture qui recou­vrait la porte se sou­le­va. Un autre homme parut, que tous saluèrent. Jean, le pre­mier, alla vers Lui.

« La paix soit avec vous », dit le nou­veau venu.

Michaël s’in­cli­na, lui aussi.

« Le Maître, souf­fla-t-il à son fils. Jésus le Naza­réen. Allons-nous-en. Ce ne serait pas poli de rester. »

Joël s’en alla alors avec son père. Il tra­ver­sa la cour noyée d’ombre et se reti­ra dans la maison.

Jeudi Saint- la dernière Cène

De la grande salle des hôtes, on com­men­çait à entendre la psal­mo­die qui, selon l’u­sage, indi­quait le début du repas de la Pâque

« … Le Sei­gneur exau­ce­ra la voix de ma prière.
Parce qu’Il a abais­sé son oreille vers moi.
Je L’in­vo­que­rai pen­dant tous les jours de ma vie… »

Et Joël se sen­tit plein d’une grande joie. Il rayon­nait à la pen­sée d’a­voir fait une bonne action, au risque d’a­voir paru ridi­cule aux yeux des hommes de Jéru­sa­lem, qui ne s’a­bais­saient jamais à por­ter une cruche. Mais, plus encore que cela, il lui sem­blait qu’un bon­heur incon­nu entrait en lui, une allé­gresse qu’il ne pou­vait s’expliquer.

A. Pau­tard.

Coloriage la Cène - institution de l'Eucharistie

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