Saint Charles de Foucauld

Auteur : Goldie, Agnès | Ouvrage : Petites Vies Illustrées pour enfants .

Temps de lec­ture : 15 minutes
Histoire de Charles de Foucauld pour les enfants du catéchisme
Charles de Fou­cauld quitte Stras­bourg avec son grand-père et sa sœur

Enfance et jeunesse

1870. Les Alle­mands entrent en Alsace-Lor­raine ; le canon tonne, les mai­sons flambent, les gens s’enfuient…

Par­mi les fuyards se trouve M. de Moret. Il quitte Stras­bourg en hâte, emme­nant les enfants de sa fille. Ce sont deux orphe­lins : Charles de Fou­cauld, âgé de douze ans, et Marie, de trois ans plus jeune. Ils passent en Suisse, et, la guerre finie, se fixent à Nancy.

Fai­sons connais­sance avec Charles. C’est un enfant bien doué, mais dif­fi­cile. Son cher grand-père ne sait rien lui refu­ser, et Charles en pro­fite ; il se montre empor­té, violent, pares­seux, tout en res­tant bon gar­çon à ses heures.

De mau­vaises lec­tures vien­dront plus tard empoi­son­ner son esprit et son cœur… plus de prières, plus de sacre­ments, et bien­tôt plus de foi.

Du lycée de Nan­cy, il passe à l’É­cole de la rue des Postes, pour pré­pa­rer Saint-Cyr.

Le voi­là à Paris. Il vou­drait s’a­mu­ser, mais le tra­vail est là ; un futur offi­cier ne sau­rait être un igno­rant… Le tra­vail, le tra­vail… mais le tra­vail l’en­nuie ; il fait tout ce qu’il peut pour se faire ren­voyer et il y réussit.

Son grand-père, mécon­tent, exige qu’il reprenne ses études à Nan­cy, et ce grand pares­seux, grâce à sa belle intel­li­gence, a la chance d’être reçu à l’exa­men et d’en­trer à Saint-Cyr.

Voi­ci main­te­nant Charles à Sau­mur, puis à Pont-à-Mous­son sur la fron­tière de l’Est. Par­tout il laisse la répu­ta­tion d’un bon cama­rade très géné­reux, mais aus­si, d’un gour­mand, d’un pares­seux et d’un mau­vais sujet.

Il pense plus à se com­po­ser des dîners fins qu’à gagner des galons.

Par­fois, il se fait por­ter malade, pour être exemp­té du ser­vice et res­ter plus long­temps au lit.

Enfin, il ne croit pas en Dieu et se moque de la reli­gion. Il est loin d’être un saint.

Aus­si est-il fort mécon­tent lors­qu’il apprend que le 4e Hus­sards part pour l’. Il lui faut dire adieu aux fêtes et aux plai­sirs ; il n’en a pas le cou­rage, et à peine ren­du en Afrique, sur un grave reproche de ses chefs, il se fait mettre en non-acti­vi­té et rentre en France.

Nous sommes cepen­dant sur terre pour autre chose que pour nous amuser !

A Evian, bien­tôt Charles s’en­nuie… Et voi­là qu’il apprend que là-bas, ses cama­rades se battent. Bou-Ama­ma, un Arabe, agite les tri­bus. Charles lais­se­ra-t-il ses amis lut­ter seuls pour la France ? Son hon­neur se réveille ; il demande à rejoindre le 4e Hus­sards à n’im­porte quel prix, dût-il s’en­ga­ger comme simple sol­dat, lui qui fut offi­cier ; et il part pour l’Afrique.

Vite il devient un chef. Adieu paresse, bals et foies gras ; Charles de Fou­cauld couche à la belle étoile ; il se prive pour ses cama­rades ; pour tous il est très bon ; il ne craint pas sa peine ; il monte, il monte… Qui le reconnaîtrait ?

La paix réta­blie, il décide d’ex­plo­rer le Maroc, jusque-là incon­nu. Les indi­gènes gardent jalou­se­ment leurs fron­tières ; nul chré­tien ne pénètre chez eux ; seuls les Juifs ont ce pri­vi­lège à cause de leur commerce.

Qu’à cela ne tienne ; Charles se fera pas­ser pour Juif. Il apprend la langue, les usages, dresse le plan de son explo­ra­tion, s’en­quiert d’un com­pa­gnon de route, Mar­do­chée, un Juif authen­tique ; puis il s’af­fuble d’une longue che­mise à manches flot­tantes, d’un pan­ta­lon de toile, d’un gilet turc… Des che­veux en désordre, une figure mal lavée, des pieds nus… C’est parfait.

« Voyez ce petit Juif, on dirait un singe man­geant une banane », dit, pas­sant près de lui, un de ses cama­rades, qui ne sau­rait le recon­naître. Charles en enten­dra bien d’autres : « Mais, dira-t-il, mar­cher sou­vent pieds nus, rece­voir des injures et des pierres, ce n’est rien ; l’en­nuyeux, c’est de vivre conti­nuel­le­ment avec des Juifs Maro­cains. Quel supplice ! »

Pen­dant onze mois, ce fut sa vie. Grâce aux habiles boni­ments que Mar­do­chée tenait aux Maro­cains pour les trom­per ou les dis­traire, Charles peut faire du bon tra­vail. Sa tâche ache­vée, il rentre à Alger, puis en France, char­gé de nom­breux documents.

Conversion

Sa famille le reçut avec joie. Seul au milieu de ces fer­vents chré­tiens, il n’a­vait pas la foi, mais il admi­rait sans détour leur cha­ri­té si intel­li­gente et si douce. Le désert aus­si avait fait son œuvre. Qui donc avait créé ces espaces immenses ? Qui avait jeté ces mil­lions d’é­toiles dans la nuit ? « MON DIEU, disait-il si vous exis­tez, faites que je vous connaisse ! » Et Dieu qui entend nos prières, le pousse, par sa grâce, à entrer au confes­sion­nal : « Je n’ai pas la foi, s’empressa de dire Charles, au prêtre qui l’é­cou­tait ; je ne viens pas me confes­ser, mais seule­ment deman­der quelques ren­sei­gne­ments sur la reli­gion catholique.

— Bien, répon­dit le prêtre, confes­sez-vous et vous croirez. »

Charles obéit, et retrou­va ain­si la foi de son enfance.

« Avez-vous déjeu­né ? reprit le prêtre qui n’é­tait autre que l’ab­bé Huvelin.

— Non, je suis à jeun.

— Allez donc communier. »

C’est fait, Charles est à Dieu, il est conquis. Il se donne à Dieu sans réserve.

Coloriage de la vie de Charles de Foucauld, trappiste
Charles de Fou­cauld, trappiste

Charles, trappiste

Pour s’hu­mi­lier, il entre à la Trappe. Lui, l’of­fi­cier, le savant, il balaie, cultive la terre ; il n’est plus que Frère Alberic.

Son plan, le voi­ci : imi­ter tou­jours plus Jésus pauvre, humi­lié, immolé.

Très vite il s’a­per­çoit qu’en France, il est encore trop bien. C’est si bon de vivre dans sa Patrie, à proxi­mi­té de sa famille ! Aus­si demande-t-il qu’on l’en­voie dans une trappe plus dure, et ses Supé­rieurs lui indiquent la Trappe de Chaïk­lé en Asie-Mineure. Il y reste six ans, édi­fiant ses frères, mais il rêve autre chose. Il rêve de Naza­reth, le pays de Jésus : Vivre humble et pauvre, là où vécut la sainte Famille, quelle grâce !

Un jour donc, vêtu très pau­vre­ment, il frappe à la porte du couvent des Cla­risses : « Ma Sœur, n’au­riez-vous pas besoin d’un domestique ?

— Quels gages demandez-vous ?

— Du pain, de l’eau, une cabane, et la per­mis­sion de pas­ser beau­coup de temps à la chapelle.

— Enten­du. »

Voi­là notre Charles tout content ; il prend pos­ses­sion d’une cabane ados­sée au mur du jar­din et s’ha­bi­tue sans peine à sa vie nouvelle.

De grand matin, il se rend à la grotte que l’on croit être une des chambres de la mai­son de la Sainte Vierge.

A Naza­reth, en effet, les mai­sons se com­po­saient, et se com­posent encore par­fois, d’une chambre creu­sée dans le rocher, et, sur le devant, d’une autre pièce en maçonnerie.

Cette par­tie de la mai­son où habi­ta la sainte Famille serait à Lorette, en Ita­lie, où elle fut, dit-on, trans­por­tée par les Anges ; mais la grotte, évi­dem­ment, res­ta dans le rocher. On y a dres­sé un autel, et on y dit la Messe. A la parole du prêtre, Jésus rentre dans sa mai­son, dans celte humble mai­son où il a vécu près de trente ans, pas­sant pour le fils de Joseph.

Après avoir enten­du deux messes en cet endroit si saint, Frère Charles ren­trait chez les Cla­risses pré­pa­rer l’au­tel pour la messe de com­mu­nau­té. Avec quel saint res­pect il la servait !

Puis il se met­tait, au tra­vail jus­qu’à cinq heures du soir… et c’é­tait de nou­veau la prière jusque tard dans la nuit.

Qu’il est heu­reux à Naza­reth, Frère Charles !

Tout lui parle de Jésus et de sa mère : ici, c’est, la fon­taine où la sainte Vierge venait pui­ser de l’eau pour son ménage ; là, s’é­ta­lant au pied de la col­line, c’est la plaine d’Es­dre­lon, dont Jésus, Marie et Joseph ont fou­lé les che­mins… et les Ave se pressent sur les lèvres du bon Frère ; les dizaines suc­cèdent aux dizaines. Il prie comme vous, petits enfants de France, pour sa famille, sa Patrie, pour les paroisses de France à rechris­tia­ni­ser. A côté d’autres inten­tions qu’on n’ou­blie pas non plus, celles-là sont si chères au cœur du Christ et de sa mère !

Charles de Fou­cauld avait un grand amour pour l’Eu­cha­ris­tie : « Jésus, lui disait-il quand il était devant le taber­nacle, vous n’é­tiez pas plus près de la Sainte Vierge et de saint Joseph, dans la grotte de Beth­léem, dans la mai­son de Naza­reth, que vous ne l’êtes de moi en ce moment ; vous n’é­tiez pas plus près de vos apôtres quand vous étiez assis au milieu d’eux, que vous ne l’êtes de moi en ce moment. Oh ! que je suis heureux ! »

— « Pour­quoi n’êtes-vous pas prêtre ? » lui deman­da un jour la Supé­rieure des Cla­risses de Jérusalem.

Coloriage pour les jeunes : Charles de Foucauld à la chapelle de la Nativité
Charles de Fou­cauld à la cha­pelle de la Nativité

Et lui, après avoir réflé­chi et prié, ren­tra en France, à la Trappe de Notre-Dame des Neiges, pour s’y pré­pa­rer à rece­voir le sacre­ment de l’Ordre.

Le voi­ci prêtre. Que va-t-il faire “?

Retour­ner en Terre Sainte ? Non ; au pays de Jésus, les messes ne manquent pas ; lui, veut por­ter l’Hos­tie là où jamais encore elle n’a été por­tée ; il veut offrir à Dieu le Père le Corps et le sang de Jésus là où jamais ils n’ont été offerts.

Il songe donc au Maroc… mais, com­ment y entrer ? Il lui fau­drait de nou­veau se dégui­ser en Juif et jouer la comé­die. Impos­sible ! Il faut y renon­cer. Tant pis, il s’é­ta­bli­ra au Saha­ra, atten­dant le moment propice.

Au Hoggar

Au mois d’oc­tobre 1901, il arrive à Beni-Abbes, oasis de six cents pal­miers, abri­tant un vil­lage de plus de cent familles arabes et une gar­ni­son française.

Sol­dats et indi­gènes s’empressent de lui construire une mai­son de briques sèches qu’il bap­tise : « Fra­ter­ni­té du  ». Il compte bien, en effet, être un frère pour ces Arabes et ces sol­dats qu’il veut gagner à Jésus-Christ. Il sera bon pour eux, très bon, il les aide­ra, les aime­ra ; il leur mon­tre­ra ce qu’est la cha­ri­té du Christ. C’est pour­quoi il a cou­su sur sa robe blanche un cœur en étoffe rouge.

L’an­cien sol­dat avait un cama­rade et un ami dans le géné­ral Laper­rine. Celui-ci lui pro­po­sa un jour de l’ac­com­pa­gner dans un long voyage à tra­vers le désert. Le géné­ral allait visi­ter les postes de sol­dats fran­çais, et ce serait pour Charles de Fou­cauld l’oc­ca­sion de ren­con­trer de nom­breux nomades. Ce voyage à dos de méha­ri dure­rait quatre mois.

Charles de Foucauld et le général de Laperrine : coloriage pour le caté
Charles de Fou­cauld et le géné­ral de Laperrine

Charles accep­ta de grand cœur, et le voi­là par­ti à tra­vers les pla­teaux déser­tiques et les sables brûlants.

L’on arrive enfin au Hog­gar, pays mon­ta­gneux et sau­vage, en plein cœur du désert. Cent mille Toua­regs, pas­teurs nomades, guer­riers fameux, habitent cette région, épar­pillés sur d’im­menses étendues.

Le Père Charles de Fou­cauld pense avec rai­son qu’ils sont bien délais­sés ; aucun mis­sion­naire n’est venu jus­qu’i­ci ; il res­te­ra près d’eux ; il se fixe­ra au Hog­gar, à Tamanrasset.

Laper­rine applau­dit. Il sait que par sa sain­te­té, sa bon­té, ses soins aux malades, le Père de Fou­cauld ferait plus pour la France qu’il n’eût fait en occu­pant le pays avec un régi­ment. Le géné­ral ne se trom­pait pas. Charles fut bien­tôt si véné­ré des Toua­regs qu’il put sans crainte cir­cu­ler sur les pistes. Ils venaient aus­si le consul­ter dans son gour­bi. C’é­tait vrai­ment « le Frère universel ».

Comme à Naza­reth, les meilleures heures du Père étaient celles qu’il pas­sait près du Saint Sacrement.

Oh ! comme il deman­dait au bon Dieu la conver­sion des Musul­mans ! Pour obte­nir cette grâce, il était tout prêt à don­ner sa vie comme le Christ. Il priait aus­si pour que des Frères viennent le rejoindre.

Le Père de Fou­cauld vivait au désert, depuis treize ans déjà, quand écla­ta la guerre de 1914. « Res­tez au Hog­gar », conseilla Laper­rine. Des troubles sont pos­sibles, la pré­sence du saint reli­gieux pour­ra uti­le­ment paci­fier le désert ; et puis, quel récon­fort elle serait pour nos sol­dats des forts sahariens !

Pour mettre à l’a­bri les braves gens de Taman­ras­set, le pre­mier soin du Père fut d’é­le­ver un for­tin cou­ron­né de créneaux.

Douze Toua­regs se pro­po­sèrent pour y mon­ter la garde, mais le dan­ger n’é­tant pas émi­nent, Charles les congédia.

Au Hog­gar, la pluie est très rare ; elle ne tombe que tous les trois, six ou sept ans ; aus­si est-ce fête quand vient l’a­verse ; les pentes se couvrent d’une abon­dante végé­ta­tion et les pas­teurs montent vers les pâtu­rages. Or, la pluie venant à tom­ber les pas­teurs de Taman­ras­set quit­tèrent le village.

Depuis quelques temps, des agi­ta­teurs par­cou­raient la région, essayant de sou­le­ver le Hog­gar. Était-ce pru­dent que le Frère Charles reste, ain­si, presque seul ? « Venez près de nous », lui dirent les offi­ciers du fort Moty­lins­ki, inquiets de leur ami. « Non, leur répond-il, je res­te­rai ici ; je dois pro­té­ger Taman­ras­set ; je ne serai pas le mau­vais ber­ger qui s’en­fuie quand hurlent les loups. » La mort ne lui fai­sait pas peur ; depuis long­temps il avait pour devise : « Vivre aujourd’­hui, comme si je devais mou­rir ce soir. »

Vers le ciel !

Les Fel­la­gha, pen­dant ce temps, orga­ni­saient leur coup de main. On leur avait dit que des armes étaient cachées dans le for­tin du Père ; ils vou­laient s’en saisir.

A la tom­bée du jour, une ving­taine d’entre eux s’ap­pro­chèrent du for­tin. Charles de Fou­cauld, ne se dou­tant de rien, écri­vait une lettre.

Quel­qu’un frappe à la porte. Qui est là ?

— Moi, El Mada­ni ; j’ap­porte le courrier…

Mort de Charles de Foucauld par les Fellagha à Tamanarasset

El Mada­ni est bon gar­çon, le Père ouvre la porte et tend la main ; mais c’est un guet-apens. Les pillards se pré­ci­pitent, jettent le Frère dehors et le ligotent. Quand ils se seront par­ta­gé le butin, ils l’emmèneront comme otage. En atten­dant, une sen­ti­nelle veille, et lui prie à genoux…

Mais voi­ci deux sol­dats du Fort Moty­lins­ki ; les Fel­la­gha tirent et les tuent. La sen­ti­nelle, prise de panique, croyant à l’ar­ri­vée d’un déta­che­ment fran­çais, vise le Père de Fou­cauld ; la balle entre der­rière l’o­reille droite, res­sort par l’œil gauche et s’é­crase au mur du for­tin. Pas un mou­ve­ment, pas un cri, Charles de Fou­cauld prie tou­jours à genoux, puis le sang se met à cou­ler, il s’af­faisse, il est mort.

Chers petits, il est pos­sible qu’un jour pro­chain, le nom du Père de Fou­cauld s’a­joute à la liste déjà si longue des saints de France. En tous cas, soyez sûrs qu’en ce moment, il prie, avec vous pour sa Patrie, lui, le sol­dat, le prêtre, le péni­tent qui sut si bien prier.

Au désert, des Petits Frères, des Petites Sœurs conti­nuent sa tâche.

Vous, enfants du , que ferez-vous pour l’imiter ?

Vous aime­rez beau­coup le Christ et la Sainte Vierge ; pour le salut de la France, vous serez plus que jamais fidèles à vos « Ave ».

A. Gol­die.

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Impri­ma­tur

Ver­dun, le 20 sep­tembre 1954.

Max. HUAKD, Vic. Gén.

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