Que se passe-t-il donc à Pibrac ? Pourquoi cette animation à laquelle l’humble village gascon n’est guère accoutumé ? Pourquoi ces arcs de fleurs et de feuillages, et ces draps tendus aux fenêtres tout de rosés parsemés ? Regardez donc, sur la route de Toulouse — qui n’est longue, que de trois lieues, — gravissant la colline s’avance un grand cortège, carrosses, cavaliers et soldats. C’est la reine-mère, Catherine de Médicis, de noir vêtue, en robe à collerette empesée, le jeune roi Henri III tout rutilant de passementerie d’or et le duc de Montpensier et la petite princesse de Lorraine et l’on ne saurait dire combien de courtisans et de nobles seigneurs. Où va donc tout ce beau monde ? Rencontrer les chefs des protestants, avec qui la Roi est en guerre, et tâcher, une fois de plus, de faire la paix.
On est alors au cœur des guerres de religion. Depuis bien des années la France souffre et saigne de ces luttes fratricides entre chrétiens. Le souvenir des massacres affreux de la Saint-Barthélemy, depuis plus de dix ans, demeure vif dans les mémoires, comme une plaie. Tout le monde est inquiet du lendemain. Et puis a‑t-on confiance dans cette reine violente, dans ce jeune prince frivole qui ne songe qu’à s’amuser ? Il n’a même pas d’enfants ! Et son héritier, son cousin Henri de Navarre est protestant et ne veut pas abjurer la religion de Calvin ; que se passera-t-il s’il devient un jour Henri IV ?
Ils parlent de tout cela, les paysans de Pibrac, tout en attendant le cortège royal. Bien sûr, on acclamera le jeune Roi, la Reine et Messieurs les Seigneurs, parce qu’il faut être poli envers des hôtes illustres, qui passeront tout au long de la grande rue et même qui s’arrêteront pour déjeuner au château chez Messire Guy du Faur ; on est très poli en ce temps-là, et quand même, c’est un honneur pour le village que cette visite de la cour, un honneur qui le rendra illustre ! mais on n’en pensera pas moins…
Ce qu’ils ne savent pas, les