Étiquette : <span>Sœur</span>

Auteur : Winowska, Maria | Ouvrage : La belle aventure de Catherine - La médaille miraculeuse .

Temps de lec­ture : 10 minutes

Tonine a vingt ans. Zoé en a vingt-deux. Un soir, elle prend son cou­rage à deux mains : 

— Papa, je veux me faire  !

Pierre Labou­ré devient rouge comme une écre­visse, mais tâche de se maîtriser. 

Il bourre sa pipe, l’al­lume et déclare d’un ton sans réplique : 

— J’ai don­né une fille aux bonnes sœurs : je ne leur don­ne­rai pas la deuxième. 

Zoé a de qui tenir ! Ce qu’elle veut, elle le veut bien. Elle ne pro­teste pas, mais cette brusque flamme dans ses yeux prouve bien qu’elle est tou­chée au vif. Com­ment faire pour lui chan­ger les idées ? 

— Tout d’a­bord, pense le père, il faut la sor­tir d’i­ci. Ne vit-elle pas, depuis des années, comme une nonne cloî­trée ? Ni bals, ni dis­trac­tions et Dieu sait ce que le brave Dom Mamert lui a four­ré dans la tête ! Il fau­drait qu’elle voie du beau monde, qu’elle se frotte à la socié­té, qu’elle s’a­muse ! Pour cela, il n’y a pas comme Paris. Au fait, mon Charles y tient un res­tau­rant ? Çà y est, j’ai trou­vé. Dans un an, cette brave Zoé ne pen­se­ra plus au couvent. 

Aus­si­tôt, il prend sa plume et adresse une mis­sive à Charles Labou­ré, res­tau­ra­teur, au fau­bourg de Notre-Dame de Bonne-Nou­velle. L’af­faire est conclue en un tour­ne­main et Zoé mise en face d’un fait accom­pli. Elle n’a qu’à faire son balu­chon et partir.

Tonine pleure à chaudes larmes : « Si du moins tu par­tais au couvent pour être heu­reuse, mais dans ce grand Paris, que deviendras-tu » ? 

Catherine est envoyé à Paris - Tonine pleure

Servante à Paris

Zoé étouffe ses san­glots et monte dans la dili­gence. C’est la pre­mière fois qu’elle part toute seule, pour un si long voyage. À l’autre bout son frère l’at­tend… rien que son frère ? Chaque jour la rap­proche du plus beau des ren­dez-vous, mais elle l’i­gnore et chan­celle sous le poids de l’épreuve. 

Auteur : Dardennes, Rose | Ouvrage : Et maintenant une histoire I .

Temps de lec­ture : 6 minutesLa mitraille cré­pite, les obus pleuvent ; Julie doit crier très fort pour se faire entendre de ses bles­sés par-des­sus le fra­cas de la bataille. Dans la grande chambre dont les murs tremblent à chaque explo­sion, elle porte des tisanes, fait une piqûre, redresse un oreiller, écrit une lettre sous la dic­tée d’un mou­rant, ras­sure un fié­vreux. Le visage calme sou­rit dans l’en­ca­dre­ment de la cor­nette des sœurs de Saint-Charles.

Soeur infirmière à l'hopital soignant les soldats blessés« Bois ça, mon petit, ça te fera du bien. »

Le gars ne sau­ra pas si le cœur de la sœur tremble en dedans : de Saint-Charles, pour se pen­cher sur toute souf­france, elle accom­plit sa mis­sion sans défaillance. Hier dans le calme, aujourd’­hui dans le péril, tou­jours comme Dieu voudra…

Dans la salle, des hommes discutent :

« Tu parles d’une bagarre, ça « mar­mite » dur !

— Tout à l’heure on va y pas­ser aussi. »

Mais la sœur inter­vient, tendre et bourrue :

« Pas tant de dis­cours, vous autres ; vous allez me faire de la tem­pé­ra­ture. Et puis ne vous en faites pas mes petits, le Bon Dieu nous protège. »

Ba-a-a-aoum ! ! ! La mai­son tremble jus­qu’en ses fon­da­tions, la reli­gieuse se signe et ferme les yeux ; mais, comme la mort ne vient pas, elle les rouvre, juste pour voir le petit Chau­met qui sort sa tête de ses cou­ver­tures ; alors, son rire mater­nel monte en une envo­lée d’hé­roïsme, plus haut que le cré­pi­te­ment des mitrailleuses, raillant et ras­su­rant le « petit » à la fois.

« Ce n’est pas pour nous, va, mon gars. »

Auteur : Dardennes, Rose | Ouvrage : Et maintenant une histoire II .

Temps de lec­ture : 6 minutesAh ! ma Mère !…

— Quoi donc, ma  ? »

La jeune est navrée : com­ment dire la chose à « Notre Mère » ?

« Ah ! ma Mère !… »

Jeanne Jugan, Mère superieur et fondatrice des soeurs des pauvresA son bureau, la Supé­rieure des Petites Sœurs des Pauvres s’inquiète :

« Un mal­heur est-il arri­vé, Sœur Catherine ?

— Un grand mal­heur, oui, ma Mère.

— Mais encore ?

— Bayard, ma Mère…

— Bayard ?… Qu’a-t-il fait ?

— Il est mort. »

Bayard, c’é­tait le vieux noir des Petites Sœurs. On l’at­te­lait chaque jour à la car­riole et, « fouette cocher », — Sœur Cathe­rine s’en allait de porte en porte avec son grand sac :

« Bon­jour, Madame la frui­tière ; avez-vous quelque chose pour nos chers vieux, ce matin ?

— Mais oui, ma Sœur : voi­ci trois choux. »

A côté, c’é­tait une pièce jaune ou un billet, ailleurs des pommes de terre, ou un savon à barbe ; un mor­ceau de viande chez le bou­cher, des légumes au mar­ché, du bou­din à la char­cu­te­rie… Et la car­riole, chaque midi, ren­trait pleine. Et les Petites Sœurs ravies disaient : «  est bon : nos cinq cents vieillards man­ge­ront encore demain ».