C’était un beau couvent bâti sur un haut plateau. Au-dessus la montagne couverte de sapins. Les toits pointus et les tourelles de la sainte maison se découpaient sur ce fond sombre. Au-dessous une large vallée, des vignes, des champs de blé, des prairies bordées de peupliers, et un village le long d’une molle rivière.
Les moines de ce couvent étaient à la fois de bons serviteurs de Dieu, de grands savants et d’excellents laboureurs. Le jour, leurs robes blanches apparaissaient çà et là dans la campagne, penchées sur les travaux de la terre ; et, le soir, on les voyait passer de pilier en pilier, sous les arceaux du large cloître, avec un murmure de conversations ou de prières.
Il y avait parmi eux un jeune religieux, du nom de frère Norbert, qui était un très bon imagier. Dans le bois ou dans la pierre, ou bien avec l’argile qu’il peignait de vives couleurs, il savait façonner de si belles statues de Jésus, de Marie et des saints, que les prêtres et les personnes pieuses venaient les voir de très loin et les achetaient très cher, pour en faire l’ornement de leurs églises ou de leurs oratoires.
Frère Norbert était fort pieux. Il avait surtout pour la sainte Vierge une dévotion extraordinaire ; et souvent il restait des heures devant l’autel de l’Immaculée, immobile et prosterné sous son capuchon, les plis de sa robe épandus derrière lui sur les dalles.
Frère Norbert était parfois rêveur. Le soir surtout, en regardant, du haut de la terrasse, le soleil s’éteindre à l’horizon, il devenait inquiet et triste. Il aurait voulu s’en aller loin, voir d’autres coins du monde que celui où il vivait.
Le prieur lui disait alors :
– Que pouvez-vous voir ailleurs que vous ne voyiez où vous êtes ! Voilà le ciel, la terre, les éléments : or, c’est d’eux que tout est fait… Quand vous verriez toutes les choses à la fois, que serait-ce qu’une