Étiquette : <span>Saint Marc</span>

Auteur : Daniel-Rops | Ouvrage : Saint Paul, aven­tu­rier de Dieu .

Temps de lec­ture : 17 minutes

IV. LE CHRIST EST VENU POUR TOUS

Être le témoin du Christ est chose dif­fi­cile et dan­ge­reuse. Saül allait en faire bien­tôt l’ex­pé­rience. Quand il revint à Damas, il y trou­va la situa­tion très mau­vaise pour les fidèles. Les juifs avaient obte­nu des auto­ri­tés arabes, de qui dépen­dait la ville, qu’elles missent fin à leur pro­pa­gande. Et quand le gou­ver­neur apprit que Saül recom­men­çait à par­ler du Christ dans les rues, il déci­da de le faire arrê­ter. Mais Saül l’ap­prit et il s’enfuit.

Saint Paul s'enfuit de Damas dans un panierSon éva­sion de Damas fut extrê­me­ment pit­to­resque. La grande ville était tout entière cein­tu­rée de hauts murs, per­cés de portes for­ti­fiées, gar­dées avec soin. Com­ment déjouer cette sur­veillance ? Heu­reu­se­ment, par­mi les amis de Saül, il y en avait un dont la mai­son, construite sur le rem­part, avait un bal­con au-des­sus du vide. On fit asseoir Saül, qui était de petite taille, dans un de ces larges paniers dont on se ser­vait au mar­ché pour appor­ter les pois­sons ou les légumes. Le panier fut atta­ché à une corde et glis­sa le long de la muraille avec son pré­cieux paquet ! Saül trou­vait cela peu glo­rieux, mais il était libre.

Après cette fuite mou­ve­men­tée, l’é­va­dé se deman­da où il irait. Il pen­sa à Jéru­sa­lem ; c’é­tait évi­dem­ment dan­ge­reux, car il ris­quait fort, dans la Ville Sainte, de tom­ber sur un de ses anciens amis Pha­ri­siens qui le consi­dé­re­rait comme un traître et le ferait arrê­ter. Mais Saül, s’il vou­lait vrai­ment se consa­crer au ser­vice du Christ, devait prendre contact avec les Apôtres, ceux que Jésus lui-même avait char­gés d’é­van­gé­li­ser le monde en son nom.

A Jéru­sa­lem, il fut tout d’a­bord fort mal reçu, aus­si mal qu’il l’a­vait été dans la com­mu­nau­té de Damas. Par­mi les fidèles du Christ, on avait gar­dé le sou­ve­nir du jeune fana­tique qui avait joué un rôle dans le mar­tyre d’É­tienne. Les Apôtres com­men­cèrent par s’ar­ran­ger pour ne pas le voir. Cette his­toire d’ap­pa­ri­tion, d’a­veu­gle­ment et de vue retrou­vée sem­blait incroyable.

Heu­reu­se­ment, par­mi la petite troupe d’a­mis qui entou­raient les Apôtres, se trou­vait un homme de grande sagesse : Bar­na­bé. Au cours d’un voyage, il était pas­sé par Damas, et il y avait enten­du racon­ter ce qui concer­nait Saül. Il put donc assu­rer que tout était vrai de l’é­ton­nante his­toire, et que l’an­cien per­sé­cu­teur avait cou­ra­geu­se­ment don­né témoi­gnage au Christ dans la ville syrienne. Ain­si Saül fut-il admis dans la com­mu­nau­té des fidèles et vit-il les Apôtres. Ce fut alors que se posa une grave ques­tion. Le Sei­gneur, avant de remon­ter auprès du Père, a dit à ses dis­ciples : « Allez et évan­gé­li­sez tous les Peuples ! » Mais, pour les Apôtres, il était très dif­fi­cile d’o­béir à cet ordre. C’é­taient des petites gens de Pales­tine, des ouvriers, des pêcheurs. Ils n’é­taient jamais sor­tis de leur pays et, pour la plu­part, ne devaient pas par­ler le grec, la langue usuelle d’a­lors. Com­ment feraient-ils pour s’en aller dans de loin­tains pays ensei­gner la doc­trine du Maître ? Aus­si cer­tains d’entre eux se disaient-ils : « Com­men­çons par prê­cher l’É­van­gile par­mi nos frères de race. Fai­sons-leur com­prendre que Jésus est le Messie… »

Auteur : Daniel-Rops | Ouvrage : Légende dorée de mes filleuls .

Temps de lec­ture : 16 minutes

Un bruit, trou­blant la paix de la nuit, l’é­veilla en sur­saut. Ce n’é­tait pas le gron­de­ment fami­lier du Cédron dont les eaux sales, en cette sai­son de prin­temps, bouillon­naient sur les cailloux à une por­tée d’arc de la mai­son. Ce n’é­tait pas non plus le cri régle­men­taire des sen­ti­nelles romaines qui, là-haut, sur les rem­parts de Jéru­sa­lem, de quart en quart d’heure, se ren­voyaient l’une à l’autre le mot de la garde. Que se pas­sait-il donc ? Dans ce coin de ban­lieue écar­té de la ville, tout était à l’or­di­naire si tran­quille ! Le gar­çon bon­dit de son lit, — un simple tapis posé sur une paillasse de roseaux, — et cou­rut à la fenêtre.

Il se nom­mait Marc et avait à peine quinze ans. Depuis la mort de son père, sa mère Marie l’a­vait éle­vé ; pour le faire vivre, elle gérait un petit com­merce : dans cette pro­priété qu’elle pos­sé­dait à peu de dis­tance de la ville, plan­tée d’o­li­viers cen­te­naires, elle avait ins­tal­lé un pres­soir à huile, où les gens du voi­si­nage venaient appor­ter leurs récoltes ; cela lui assu­rait un modeste reve­nu. C’est pour­quoi le do­maine était connu de tout le monde sous le nom de , qui veut dire « pres­soir à huile ». À cette heure, il n’é­tait pas pos­sible que ce fût un client !

Marc se pen­cha, scru­ta la nuit claire. La lune pleine navi­guait pai­si­ble­ment dans le ciel de nacre, et sa clar­té illu­mi­nait les puis­santes for­ti­fi­ca­tions au haut des­quelles s’a­per­ce­vait le Temple majes­tueux. Le bruit sus­pect venait du che­min roide qui dégrin­go­lait de la porte vers le gué du tor­rent, un bruit de voix, de cli­què­te­ments d’armes, de lourds bro­de­quins son­nant sur les cailloux. Trouant l’om­bre, Marc aper­çut des lueurs de torches. Son cœur bat­tit plus violemment.

D’un seul coup, il avait devi­né. Cette troupe qui descen­dait en hâte le rai­dillon… Il com­pre­nait quelle triste besogne elle venait faire. Il pen­sa à son grand ami et à ses compa­gnons qui devaient dor­mir, sans méfiance, au pied des oli­viers du jar­din, comme ils en avaient deman­dé l’autorisa­tion à sa mère. Les pré­ve­nir ! Dans sa hâte, il ne prit même pas le temps de s’ha­biller. Il ramas­sa son drap qui gisait à terre, s’en enve­lop­pa comme les Romains fai­saient de leur toge et, par la fenêtre, qui était peu haute, il sau­ta dans le jardin.

Duccio di Buoninsegna. L'Arrestation de Jésus. Maestà, 1308-1311, SienneTrop tard ! Au moment où il allait rejoindre les trois Gali­léens, les sol­dats et les poli­ciers avaient déjà cer­né le coin de l’o­li­vette où ils se trou­vaient. Marc se cacha der­rière le tronc d’un arbre, et, pas­sion­né­ment, la gorge ser­rée, regar­da. Il avait bien enten­du dire, depuis déjà pas mal de temps, que les chefs des prêtres vou­laient faire arrê­ter le mer­veilleux pro­phète… Pour­quoi ? Il en était indi­gné, mais il ne com­pre­nait pas. Qu’a­vait-il donc fait ? Rien de mal, rien que de géné­reux et de cha­ri­table. Lui, Marc, qui depuis six mois, l’a­vait sui­vi sur les routes de Judée, et l’a­vait si sou­vent écou­té, il pou­vait le jurer : non, Jésus n’a­vait rien fait de répré­hen­sible ! Il avait gué­ri des malades, ren­du la vue à des aveugles, mul­ti­plié les aumônes, conso­lé ceux qui souf­fraient. Était-ce donc cela