VII
Au delà de la Germanie, il y avait, au nord, les pays scandinaves, à l’est et au sud-est, les pays slaves. Saint Anschaire dans les premiers, saint Cyrille et saint Méthode dans les seconds, furent, au IXe siècle, des missionnaires d’avant-garde.
Anschaire, en vieil allemand, signifie « javelot de Dieu ». Celui qui, il y a onze cents ans, portait ce nom germanique, et qui de ce nom sut faire un symbole, était pourtant de chez nous ; la Picardie fut son berceau.
C’est du Béarn, terre française, que la Suède du IXe siècle reçut sa dynastie ; c’est de la Picardie, terre française, que la Suède du IXe siècle reçut son premier apôtre. Charlemagne, chez les Saxons, avait été le fourrier du Christ, un fourrier dont la poigne était rude, les rigueurs inflexibles. Alcuin sans cesse avait rappelé que le Christ ne veut devoir qu’à la persuasion l’accès des âmes. Lorsque, après Charlemagne, le prestige impérial subit une éclipse, les méthodes d’apostolat conseillées par les moines commencèrent de prévaloir : le monastère de la Nouvelle-Corbie, en 822, s’installait au cœur de la Westphalie, non comme une forteresse soupçonneuse et dictatoriale, mais comme une pépinière d’apôtres désarmés, qui peu à peu s’en iraient au delà des Marches de l’Empire, porteurs de la foi chrétienne et de la culture chrétienne.
Parmi eux, il y avait le jeune Anschaire ; et lorsqu’un roi de Danemark s’en fut demander à Louis le Pieux un appui pour son rétablissement sur le trône, l’empereur, pour le voyage de retour, lui donnait Anschaire comme compagnon. Tout de suite, par les soins du moine, s’ouvrait près de la cour danoise une petite école de christianisme. Le fleuve de l’Elbe, où s’étaient arrêtées, je ne dis pas les ambitions, mais du moins les conquêtes de Charlemagne, était désormais franchi par la propagande chrétienne ; au delà du sol germanique, cette propagande visait la Scandinavie.
On put croire un instant, même, que la Scandinavie l’attendait. De Suède, une ambassade arrivait au palais impérial ; elle prévenait Louis le Pieux que les Suédois voulaient des missionnaires. Anschaire encore était désigné. Il fallait qu’il semât des germes, qu’il commençât, audacieusement, un peu à l’aventure, la besogne de Dieu… Et Dieu lui-même continuerait, s’il voulait.