On était au début du printemps et la nature se réveillait après ces longs mois d’hiver. Le soleil chauffait avec une ardeur nouvelle et l’air retentissait des joyeux pépiements des oiseaux, tandis que d’humbles et délicats perce-neige pointaient, dans les champs encore recouverts de neige, leur fine corolle blanche.
Sur la route qui descendait de la forteresse des Allinges à la ville de Thonon-en-Chablais était assise une fillette d’environ 5 ans. Elle était occupée à rassembler en bouquet les quelques fleurs éparpillées autour d’elle lorsqu’un bruit de pas se fit entendre. Elle se retourna et, ramassant précipitamment ses fleurs, s’enfuit en courant.
Et pourtant… Qu’avait donc cet homme qui marchait à grands pas vers la ville ? C’était un jeune prêtre de 27 ans, grand de taille, à la démarche souple et aisée. Son visage resplendissait de paix et de bonté. Toutefois, malgré cette paix qui l’habitait, on le sentait soucieux. Il s’avançait en contemplant les beautés printanières qui s’offraient à son regard quand il aperçut la fillette qui disparaissait au tournant du chemin. Son visage s’assombrit : « Mon Dieu, murmura-t-il, ayez pitié de ces pauvres gens aveuglés par l’hérésie. Faites fondre leur résistance devant la vraie foi comme cette neige devant votre soleil ».
Il arriva bientôt aux portes de Thonon.
Cette ville d’ordinaire si animée se calma comme par enchantement à son approche. Les portes se fermèrent à son passage et quelques enfants postés aux fenêtres injurièrent le « papiste ». Celui-ci, sans se troubler aucunement, continua son chemin et s’arrêta enfin devant une vieille église bien délabrée. Il passa la porte et alla s’agenouiller dans le chœur. Après avoir prié quelques instants, le jeune prêtre s’inclina devant le crucifix et monta en chaire : « Au nom du Père, et du Fils, et du Saint Esprit. Ainsi soit-il. Mes bien chers frères… »