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Auteur : Par un groupe de pères et de mères de familles | Ouvrage : À la découverte de la liturgie avec Bernard et Colette .

Temps de lec­ture : 15 minutes

Chapitre XIII

Joies et épreuves se suivent vite dans la vie.

Les col­lé­giens étaient à peine ren­trés, la pen­sée encore toute occu­pée du mariage de Jean­nette, qu’une nou­velle très inquié­tante leur parvenait.

A quelques semaines de son ordi­na­tion, au sémi­naire de Rome, Yvon était gra­ve­ment malade. Tout fai­sait craindre une fièvre typhoïde extrê­me­ment violente.

Colette est consternée.

— Si Yvon allait mou­rir avant d’être  ? dit-elle à M. le curé, qu’on est allé trou­ver bien vite, avec maman, pour lui deman­der des prières.

— Allons, allons ! ne met­tons pas tout au pire ! Une fièvre typhoïde, ça se soigne, voyons ! La grosse peine de cet enfant, c’est de voir retar­der son ordi­na­tion. Mais aus­si, l’heure venue, il sera d’au­tant plus heu­reux qu’il l’au­ra payée plus cher,… le Bon Dieu a ses vues, voyez-vous ! Fai­sons-lui confiance, et tout ira bien. Je dirai ma messe demain pour notre pauvre malade. Et puis, je vais mettre les enfants de l’é­cole en prière. Vous ver­rez que nous serons exau­cés. Tenez-moi bien au cou­rant, surtout !

En ren­trant à la mai­son, Colette confie à sa mère :
 — M. le curé est un vrai saint. Je crois qu’il va obte­nir du Bon Dieu tout ce qu’il voudra.

Colette ne croyait pas si bien dire, car, après de véri­tables angoisses, Yvon ayant été mou­rant, on apprit enfin par tante Jeanne, qui l’a­vait immé­dia­te­ment rejoint à Rome, que la conva­les­cence com­men­çait. Le doc­teur ordon­nait de trans­por­ter le malade à la cam­pagne, dès qu’il pour­rait sup­por­ter le voyage, et, bien enten­du, c’est dans l’hos­pi­ta­lière mai­son fami­liale qu’on l’attend.

On devine le branle-bas. Pier­rot déniche au gre­nier une antique chaise-longue ; Colette crève de vieux oreillers pour les trans­for­mer en cous­sins. La plume vole un peu par­tout, et Maria­nick pousse des sou­pirs à gon­fler une voile de bateau ; mais, après tout, c’est pour Yvon !

Pauvre Yvon ! Quand il débarque, dia­phane et maigre comme un écha­las, ses cou­sins ont bien de la peine à cacher leur sur­prise. Et puis, on le sent si triste. Cette ordi­na­tion remise, et à quand ?

Mais Yvon comp­tait sans son bon curé.

Un beau matin, le vieux prêtre paraît à la grille du jar­din. Il a mar­ché si vite qu’il doit s’é­pon­ger le front avec l’im­mense mou­choir à car­reaux qui fait le bon­heur des enfants. Ses yeux gris, demeu­rés si clairs mal­gré les années, pétillent der­rière les lunettes et cherchent du regard la fameuse chaise-longue sur laquelle Yvon demeure éten­du dehors, tou­jours exces­si­ve­ment faible, silen­cieux et dépri­mé, car il lui semble qu’il ne se remet pas assez vite.

L’ayant décou­vert, le bon curé se hâte, un sou­rire heu­reux épa­nouis­sant sa physionomie.

Yvon le salue d’un geste las.

— C’est comme ça que tu m’ac­cueilles ? Tu res­sembles à un saule pleu­reur cou­ché par la tempête.

— Je ne reprends aucune force, mon­sieur le Curé, et puis, croyez-vous que je sois bien gai ?

— Fichtre non ! tu n’es pas gai. Ça se voit à cent mètres de dis­tance, et c’est jus­te­ment ça que je te reproche. Com­ment prê­che­ras-tu aux autres le cou­rage et l’a­ban­don, quand tu seras prêtre, si c’est tout ce que tu en pos­sèdes ? On ne donne que ce qu’on a, je ne te l’ap­prends pas, pourtant.

— Quand je serai prêtre… Mais c’est cette ordi­na­tion man­quée qui me tour­mente, … vous le savez aus­si bien que moi, mon­sieur le Curé.

— Homme de peu de foi ! Si tu n’a­vais pas été si gra­ve­ment malade, je te semon­ce­rais d’im­por­tance. Écoute-moi donc un peu et prends une autre tête. J’é­tais hier à l’é­vê­ché. Il n’y a pas qu’à toi qu’il arrive de gros sou­cis. Mon­sei­gneur a deux sémi­na­ristes dans ton cas, l’un dans une cli­nique, l’autre avec un grave acci­dent à la jambe. Ils man­que­ront tous les deux l’or­di­na­tion de la Saint-Pierre, et alors…