Charité envers Dieu
Toute la journée le canon avait tonné sans arrêt, les mitrailleuses n’avaient cessé de crépiter et les balles de siffler.
Il flottait dans l’air une âcre odeur de poudre. Le sang avait coulé, hélas !
Et le soir tombait sur le champ de bataille comme un immense apaisement.
Profitant de la trêve, des brancardiers passaient, ramassant les blessés d’abord, les morts ensuite. Malgré leurs mouvements précautionneux, ils arrachaient des gémissements de douleur aux grands blessés qui gisaient sur le sol, fauchés par la tourmente.
La nuit devenant dense, ils ne virent point un jeune soldat qui restait étendu à la face de Dieu, comme disait Péguy, au milieu d’un champ de blé à demi ravagé par la bataille.
Au milieu des épis blonds couchés sur le sol, il était étendu, sans connaissance, un mince filet de sang coulant autour de sa tête douloureuse, de sa tête énergique de paysan.
Dans le ciel, les étoiles s’allumaient les unes après les autres, semblant veiller ce terrien de vingt ans qui reposait sur la glèbe qu’il avait tant aimée, seul dans la nuit, seul dans la souffrance.
Sa blessure était grave, certes, et la perte de sang continue qu’il subissait l’affaiblissait graduellement. Pourtant, dans la nuit, sous l’effet de la fraîcheur, il reprit connaissance. Sa blessure brûlante lui faisait mal, il avait soif, il était dévoré de fièvre.
Instinctivement, par gestes saccadés, ses mains palpèrent ce qui l’entourait, cherchant un secours. Elles ne rencontrèrent que la terre rude, la paille rude, les épis durs… A ce contact, un sourire passa sur la face du