Étiquette : <span>Parents</span>

Auteur : Falaise, Claude .

Temps de lec­ture : 8 minutes

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Histoire de fidelité et de mariageSuzy regar­da le cadran lumi­neux de son réveil. Elle dis­tin­guait mal l’emplacement exact des aiguilles proches l’une de l’autre.

Quelle heure pou­vait-il bien être ?… Une heure dix ou deux heures cinq ? De toutes façons, minuit était lar­ge­ment pas­sé ; la mai­son désor­mais bien endor­mie, la rue silencieuse.

Suzy se leva, se glis­sa jus­qu’à l’in­ter­rup­teur de la lampe élec­trique ; le cœur bat­tant — parce que tout com­men­çait pour elle en cet ins­tant de la grande aven­ture dans laquelle elle avait choi­si de se lan­cer — elle alluma.

La lumière bien camou­flée par un car­ré de tis­su épais, se répan­dit discrètement.

Suzy n’eut pas à s’ha­biller. Elle s’é­tait cou­chée toute vêtue, sachant que cette pré­cau­tion lui gagne­rait du temps et lui évi­te­rait des pas dangereux.

Elle n’en­fi­la pas ses sou­liers dont les hauts talons fins frap­paient comme deux mar­teaux bavards sur le bois du plancher.

« Si seule­ment j’a­vais pu pré­pa­rer mes bagages, son­gea-t-elle : mais maman n’a fait qu’al­ler et venir par toute la mai­son durant la soi­rée… comme si elle redou­tait quelque chose. »

La jeune fille, à contre-cœur, avait déci­dé de renon­cer à prendre sa valise. L’ob­jet était entre­po­sé dans un pla­card pen­de­rie où cha­cun avait accès. Elle se conten­te­rait de son sac de mon­tagne plus dis­crè­te­ment acces­sible et d’un vaste car­ton qui, depuis long­temps déjà, dor­mait plus ou moins inutile sur la plus haute éta­gère de son armoire.

« J’au­rais dû le des­cendre avant la nuit, regret­ta Suzy, il me faut mon­ter sur une chaise pour l’at­teindre. Pour­vu que je ne fasse rien tomber ».

Elle déci­da de décou­vrir un ins­tant la lampe afin d’as­su­rer une meilleure visi­bi­li­té durant cette démarche acro­ba­tique. Mais à peine le camou­flage reti­ré, elle le remit en place avec pré­ci­pi­ta­tion, un bruit sus­pect lui étant par­ve­nu du cou­loir proche.

Un peu de honte gagnait main­te­nant la jeune fille en même temps qu’une peur irrai­son­née. C’é­tait bien la pre­mière fois de sa vie qu’elle agis­sait chez ses  — chez elle, somme toute — avec des gestes de voleur.

Ce serait la der­nière fois aus­si puis­qu’elle par­tait à jamais ; cette pen­sée pour­tant la ras­su­ra mal.

— Papa ! Maman Quelque chose s’at­ten­dris­sait en son cœur parce que cha­cun ici l’a­vait tou­jours très ten­dre­ment aimée.

Elle repous­sa avec une éner­gie presque déses­pé­rée cette « ten­ta­tion » de aux siens. Le bruit sus­pect s’é­tait pré­ci­sé dans le cou­loir : Suzy avait recon­nu le gri­gno­te­ment fami­lier des souris.

Elle décou­vrit de nou­veau la lampe. Un pâle rayon rose tom­ba sur la pho­to­gra­phie de Daniel, de Daniel qu’elle aimait, de Daniel qu’elle allait rejoindre.