Étiquette : <span>Mort pour la France</span>

Auteur : Demetz L. | Ouvrage : Et maintenant une histoire I .

Temps de lec­ture : 6 minutes

Charité envers Dieu

récit héroïque pour les enfants : guerre, bataille, morts et blessésToute la jour­née le canon avait ton­né sans arrêt, les mitrailleuses n’a­vaient ces­sé de cré­pi­ter et les balles de siffler.

Il flot­tait dans l’air une âcre odeur de poudre. Le sang avait cou­lé, hélas !

Et le soir tom­bait sur le champ de bataille comme un immense apaisement.

Pro­fi­tant de la trêve, des bran­car­diers pas­saient, ramas­sant les bles­sés d’a­bord, les morts ensuite. Mal­gré leurs mou­ve­ments pré­cau­tion­neux, ils arra­chaient des gémis­se­ments de dou­leur aux grands bles­sés qui gisaient sur le sol, fau­chés par la tourmente.

La nuit deve­nant dense, ils ne virent point un jeune qui res­tait éten­du à la face de Dieu, comme disait Péguy, au milieu d’un champ de blé à demi rava­gé par la bataille.

Au milieu des épis blonds cou­chés sur le sol, il était éten­du, sans connais­sance, un mince filet de sang cou­lant autour de sa tête dou­lou­reuse, de sa tête éner­gique de .

Dans le ciel, les étoiles s’al­lu­maient les unes après les autres, sem­blant veiller ce ter­rien de vingt ans qui repo­sait sur la glèbe qu’il avait tant aimée, seul dans la nuit, seul dans la souffrance.

Sa bles­sure était grave, certes, et la perte de sang conti­nue qu’il subis­sait l’af­fai­blis­sait gra­duel­le­ment. Pour­tant, dans la nuit, sous l’ef­fet de la fraî­cheur, il reprit connais­sance. Sa bles­sure brû­lante lui fai­sait mal, il avait soif, il était dévo­ré de fièvre.

Ins­tinc­ti­ve­ment, par gestes sac­ca­dés, ses mains pal­pèrent ce qui l’en­tou­rait, cher­chant un secours. Elles ne ren­con­trèrent que la terre rude, la paille rude, les épis durs… A ce contact, un sou­rire pas­sa sur la face du

| Ouvrage : Et maintenant une histoire II .

Temps de lec­ture : 5 minutes

Le ciel est bas et gris. Bien­tôt, novembre sera là, et les grands arbres, déjà, perdent leur che­ve­lure d’or.

Cinq heures sonnent len­te­ment au clo­cher de l’é­glise. La porte de l’é­cole s’est ouverte ; on entend les rires des fillettes, clairs et joyeux en cette soi­rée d’au­tomne. Quelques bavar­dages encore… puis tout le monde se dis­perse ; les unes vont à la lai­te­rie, les autres rentrent vite chez elles où les attendent quelques leçons à apprendre.

Récit de France pour les enfants - Croix pour mort à la guerreDans un petit groupe d’é­co­lières qui prennent ensemble le che­min du retour, Lucette s’a­vance avec ses amies Renée et Marie-Thé­rèse, dont les yeux rieurs et les joues rouges comme des pêches, contrastent avec son petit visage pâle où deux grands yeux gris semblent, aujourd’­hui, plus tristes qu’à l’habitude.

Et, tan­dis que les sou­liers claquent gaî­ment sur les pavés, on parle de choses sérieuses.

« Ils seront sûre­ment en fleurs pour la Tous­saint, dit Renée, tu as vu, avant-hier, comme les bou­tons étaient larges ? Eh bien, ils ont encore gros­si et ils vont être dorés, je crois, avec le des­sous des pétales rouge, comme ceux de Madame Gou­net, qui m’a don­né les bou­tures. Ven­dre­di, j’i­rai arran­ger les tombes avec Maman ; et toi, que feras-tu ?

- Oh ! moi… » et les yeux tristes deviennent plus sombres encore.

« Zut ! se dit Marie-Thé­rèse, Renée a gaffé ».

***

Aujourd’­hui, c’est jeu­di, et Lucette, un sac au bras, s’en va légère sur la route. Madame Bouf­fet, une cou­sine chez qui sa mère l’a lais­sée en repar­tant à Lyon, l’a envoyée faire une course dans un vil­lage dis­tant de trois kilomètres.

Et l’en­fant, seule sur la grand-route, songe à cet autre­fois où elle était une petite fille heu­reuse, entre son papa et sa maman. Hélas ! son cher papa est mort quelque part en Alle­magne, il y a plu­sieurs années déjà ! Sa maman n’a pas pu l’emmener avec elle dans la grande ville où, depuis deux ans, elle a été obli­gée de se mettre à tra­vailler, et où il est si dif­fi­cile de se loger.

Oui, Lucette est seule… bien seule. Sans doute, Madame Bouf­fet est très bonne et la petite fille a de gen­tilles amies comme, Renée et Marie-Thé­rèse, mais ce n’est pas le chaud foyer, la douce mai­son… et le petit cœur tendre se serre.

Mais, qu’est-ce que cela ? Là, sur le rebord de la route, il y a une petite croix de bois, à moi­tié tom­bée. Lucette se penche, et lit cette simple phrase : « Un de chez nous, mort pour la patrie, priez pour lui ! »
Alors, les deux petites mains se joignent pour une fer­vente prière. Puis, après un signe de croix, l’en­fant reprend sa route, mais len­te­ment une idée nou­velle germe dans sa jeune tête.