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Auteur : Goyau, Georges | Ouvrage : À la conquête du monde païen .

Temps de lec­ture : 7 minutes

XVII

Ce fut une dou­lou­reuse aurore que celle des Mis­sions Afri­caines de . Mgr de Marion-Bré­sillac, qui en 1857 les fon­dait, rejoi­gnait, au prin­temps de 1859, le pre­mier essaim de mis­sion­naires, par­tis pour Sier­ra-Leone : il se pré­pa­rait à se mettre avec eux au tra­vail. L’é­vêque, trois prêtres, deux frères : tel était le per­son­nel de la . Au bout d’un mois, hélas ! la fièvre jaune avait déjà mis au tom­beau deux prêtres et un frère ; l’autre frère, très souf­frant, était rapa­trié. Et le pré­lat res­tait seul, avec un prêtre, M. Rey­mond. « Il n’est pas impro­bable, écri­vait- il, que M. Rey­mond et moi sui­vions de près ceux que nous pleu­rons, et la Mis­sion de Sier­ra Leone sera alors aus­si­tôt finie que com­men­cée. » La cruelle pro­ba­bi­li­té se véri­fia. En juillet, tous deux tom­baient malades. M. Rey­mond avait la force d’ad­mi­nis­trer à son évêque mou­rant l’ex­trême-onc­tion, de consom­mer les hos­ties qui res­taient, et de remon­ter dans son lit, pour y mou­rir à son tour. Il ne res­tait plus rien, en , des Mis­sions Afri­caines de Lyon.

Les missions d'Afrique - Histoire à lire aux enfantsMais déjà, à Lyon même, des novices se for­maient : le Père Augus­tin Planque les éle­vait. Il vou­lait que l’œuvre vécût. Une ligne du pro­phète Isaïe : « J’en­ver­rai quelques-uns d’entre eux en Afrique, Mit­tam ex eis in Afri­cam, » avait été don­née comme devise à la jeune Socié­té par Mgr de Marion-Bré­sillac. Le Père Planque gar­dait pieu­se­ment une lettre, où celui-ci lui avait dit : « Si la mer et ses écueils vou­laient que cette année fût ma der­nière, vous seriez là pour que l’œuvre ne fît pas nau­frage. » Cette lettre était plus qu’un sou­ve­nir, elle demeu­rait une con-signe tes­ta­men­taire, et le Père Planque, d’ac­cord avec le car­di­nal pré­fet de la Pro­pa­gande, vou­lait y obéir.

Dès 1861, la Socié­té des Mis­sions Afri­caines de Lyon s’ins­tal­lait au Daho­mey. Pays de sau­vages, où le roi Glé­glé, chaque année, fai­sait des raz­zias d’hommes pour les sacri­fices humains qu’exi­geaient les litur­gies païennes et les somp­tueuses funé­railles des per­son­nages de la cour. Le Père Bor­ghe­ro, chef de la mis­sion, s’en allait voir Glé­glé : celui-ci l’ho­no­rait en lui offrant une belle fête, où les Ama­zones daho­méennes, com­man­dées par Glé­glé, haran­guées par Glé­glé, cou­raient pieds nus sur des talus épi­neux, sur des toi­tures héris­sées de dards de cac­tus, avec une incom­pa­rable maî­trise. Il faut bien, com­men­tait Glé­glé, accueillir avec éclat l’en­voyé de Napo­léon III. Mais le Père Bor­ghe­ro se défen­dait, rap­pe­lait qu’il était le mes­sa­ger d’un autre sou­ve­rain, d’un sou­ve­rain qui n’é­tait pas de ce monde et qui pour­tant y régnait, Dieu. Glé­glé consen­tait que les mis­sion­naires fussent les hôtes de son pays, mais il pro­hi­bait que ses sujets se lais­sassent bap­ti­ser. On vit ces prêtres se faire méde­cins, culti­va­teurs ; leur ser­viable cha­ri­té, leurs leçons de civi­li­sa­tion, atti­raient cer­taines âmes ; et dans Why­dah, dis­crè­te­ment, une petite chré­tien­té parais­sait se for­mer. Mais, en 1869, les cir­cons­tances for­çaient les Mis­sions Afri­caines à s’exi­ler de cette ville, et lorsque, en sep­tembre 1870, l’é­meute lyon­naise réqui­si­tion­na la mai­son mère, il n’y avait plus, en acti­vi­té de ser­vice afri­cain, que deux toutes petites poi­gnées de mis­sion­naires, à Lagos et à Por­to-Novo. Et mélan­co­li­que­ment le Père Planque son­geait que sur trente et un Pères qu’il avait déjà envoyés aux Mis­sions, cinq étaient morts, et que sept étaient reve­nus à peu près invalides.