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1570… Une situation de crise
Les pays d’Europe, principalement à cause des suites de la révolte de Luther et des débuts du protestantisme, se disputent et se jalousent. Les « Ottomans », c’est à dire les Turcs (musulmans), en profitent pour devenir de plus en plus agressifs. Ils prennent ville après ville et port après port. Cela devient très inquiétant.
Seul le pape de ce temps-là, le pape saint Pie V, voit vraiment le danger. Il sonne l’alarme : tout l’Occident risque d’être envahi par l’Islam, ennemi de la Croix et des chrétiens.
Septembre 1570… L’île de Chypre presque conquise
Le sultan Sélim écrase la ville de Nicosie, capitale de Chypre et assiège Famagouste, l’autre grande ville de l’île.
Pendant ce temps là, les amiraux de la flotte chrétienne se disputent… et certains font marche arrière. Ils n’ont pas du tout le moral… et ont peur de la puissance meurtrière des Ottomans…
S’unir et s’organiser
Le pape réagit. Avec beaucoup de courage et d’énergie, il multiplie les démarches auprès des gouvernants. D’abord pour que, en tant que princes chrétiens, ils se décident à faire face.
Seules l’Espagne et la République de Venise répondront à l’appel du pape.
Ensuite, il faut que ces deux pays acceptent de se ranger sous une autorité unique, sinon ce serait la pagaille dans les combats : finalement, avec l’accord de tous, le pape nomme le fils de Charles-Quint, Don Juan, seul et unique général des armées de terre et de mer.
Décembre 1570… « Au nom du Christ, vous vaincrez »
La guerre est déclarée aux Turcs pour leur reprendre « toutes les places qu’ils ont usurpées aux chrétiens ». Don Juan se voit remettre un magnifique étendard pour l’armée confédérée :
d’un côté, Notre-Seigneur en croix ;
de l’autre, les armes de l’Église entre les armes du roi d’Espagne et celles de Venise.
« Allez, lui dit le pape, allez, au nom du Christ, combattre son ennemi, vous vaincrez ».
Au grand complet, la famille est allée dire adieu à Yvon, au Séminaire Français. En cheminant sur la route du retour, papa tient à faire remarquer que la fondation des « écoles particulières », pour préparer les futurs prêtres à leur saint ministère, fut décidée au Concile de Trente. Saint Vincent de Paul, l’admirable Monsieur Olier, le fondateur de Saint-Sulpice, et saint Jean Eudes, trois Français, ont eu ensuite l’initiative de l’organisation des séminaires en France.
Seulement, cette fois, la petite jeunesse écoute d’une oreille très distraite. Elle est fort excitée par les derniers préparatifs de ce vrai départ pour la France, intriguée aussi. Depuis hier, des conciliabules ont lieu entre les autorités familiales. Bernard et Marianick y ont été admis, pourquoi ?
Quelques heures avant de se rendre à la gare, la curiosité des enfants se change en stupéfaction. Bernard apparaît, accompagné du petit André, et crie triomphant : « Nous l’emmenons ! Nous l’emmenons ! »
Maternelles, maman et tante Jeanne embrassent l’enfant qui, sous ces chauds baisers, retient péniblement de grosses larmes silencieuses ; mais Marianick arrive, et sa bonne voix enrouée d’émotion met fin aux effusions :
— Viens vite, mon petit gars, passe-moi ton paquet, que je le mette avec les bagages. Faut peut-être aussi te donner un coup de brosse, avant de partir. Étourdi de joie, le petit scout obéit. Alors c’est une explosion : On l’emmène ! Quel bonheur ! Comment ça se fait-il ?
— Allez-vous vous taire ! bavards que vous êtes, crie papa en faisant mine de se boucher les oreilles. Un peu de silence, et écoutez :
Vous savez le petit André seul au monde. Il a un tuteur quelconque, qui trouve tout simple de l’abandonner aux sollicitudes du Père X… Celui-ci se rend compte que l’enfant est très délicat. Paris ne vaut rien à ce petit.
Alors Bernard m’a supplié de le prendre. Nous avons devant nous six mois à la campagne, et notre petite maison, son jardin, auront grand besoin d’être remis en état, pendant les semaines de vacances. André nous y aidera. Marianick l’adopte comme nous et, quand nous quitterons de nouveau la France, nous aurons trouvé, j’en suis sûr, à l’aide de M. le Curé, une famille pour ce pauvre petit.
Inutile de décrire le départ après pareille aventure. C’est à qui s’occupera du petit scout, qui sourit à tout le monde et croit rêver tout éveillé. La nuit venue, il forme avec Marianick le plus joli tableau. Il s’est endormi confiant, et sa tête très brune est appuyée sur l’épaule de la vieille Bretonne, tout contre le visage pâle, paisible et ridé. Le contraste est délicieux.
Le réveil se fait en pleines montagnes. Neiges et soleil se confondent, le ciel est d’une limpidité idéale. Quelle beauté !
C’est à Annecy qu’on doit descendre et s’arrêter.
Les bagages à la consigne, on déjeune et papa décide : Allons nous asseoir au bord du lac.
Là, le coup d’œil est absolument enchanteur. L’eau, la montagne, le ciel sont irisés, baignés d’une étrange lumière, indéfinissable, ni bleue ni verte, mais tellement transparente et jolie, que Colette traduit encore l’impression générale en déclarant : On est bien en France, tout de même ! Ici, c’est ravissant. On n’a plus envie de s’en aller.
— Pour le moment, restons‑y, répond maman, qui jouit encore plus du paysage que les enfants.
Voyez-vous, là, sur le coteau, la cathédrale ? À côté, dans le groupe de maisons, c’est l’ancien évêché de saint François de Sales. Et plus haut, cette chapelle est celle du premier monastère de la Visitation, qu’il fonda avec sainte Jeanne de Chantal.
Bernard, debout, pivote sur lui-même.
— C’est rageant d’être toujours pressé. Il faudrait tout voir ici, la ville et la montagne. Ce que j’aimerais m’enfoncer là-bas, en pleines neiges, à travers les routes que parcourait saint François de Sales, quand il tenait tête à tous ces enragés calvinistes, qui ont plusieurs fois essayé de l’assassiner.
— Je le croyais si doux, saint François de Sales ! dit Jean.
— Je n’ai jamais dit le contraire. Il était d’une patience héroïque, d’une bonté parfaite, donnant aux pauvres jusqu’à son argenterie, jusqu’aux burettes de sa chapelle, mais aussi d’une fermeté qui valait tout le reste. Les protestants l’ont bien senti. Il a ramené à la Foi des aïeux une grande partie des habitants de ce merveilleux pays.