Étiquette : <span>Japon</span>

Auteur : Goldie, Agnès | Ouvrage : Petites Vies Illustrées pour enfants .

Temps de lec­ture : 12 minutes

Cette his­toire com­mence qua­rante-sept ans après l’ar­ri­vée de au . L’a­pôtre des Indes n’y a pas­sé que deux ans et cela lui a suf­fi pour fon­der une Église flo­ris­sante. Vers 1595, on y compte 300.000 chré­tiens ; ce n’est pas pour plaire à l’Em­pe­reur, très fana­tique de ses idoles. Ordre est don­né aux mis­sion­naires de quit­ter le pays.

Voyez ce que dit l’É­van­gile du ber­ger qui s’en­fuit devant le loup, et du Bon Pas­teur qui donne sa vie pour ses bre­bis. Bref ! Tous les mis­sion­naires res­tent à leur poste. Qu’ar­rive-t-il ? — Neuf d’entre eux sont arrê­tés ; des Fran­cis­cains, des Jésuites, dont un prêtre japonais.

Quinze chré­tiens sont arrê­tés aus­si. Par­mi eux, trois enfants de chœur : Louis, 11 ans, Antoine, 14, Tho­mas, 15. Les pri­son­niers sont ame­nés sur la grande place de Miya­do ; d’un coup de cou­teau, on leur coupe le bout de l’o­reille ; le sang coule sur leurs joues, sur leur cou et sur leurs vête­ments : les voi­ci mar­qués comme vous avez pu voir les ani­maux des­ti­nés à l’abattoir.

La foule s’a­pi­toie devant les trois enfants, et aus­si les bour­reaux : « Voyons Vous n’al­lez pas vous faire tuer ! Renon­cez à votre Dieu Nous vous relâ­che­rons aussitôt »

Les trois gar­çons, pour toute réponse, chantent à tue-tête le Notre Père.

Bra­vo !

Main­te­nant, voi­là tous les déte­nus sur des cha­riots. On les pro­mène à tra­vers la ville, puis dans toutes les cités du sud, comme pour dire aux chré­tiens : « Voyez ce qui vous attend ! »

Les enfants chantent toujours !

« Toi du moins, dit le bour­reau à Louis, le plus jeune, va-t-en ! Tu es trop petit ! Nous ne vou­lons pas de toi ; » mais Louis reste.

Bien sûr, il pour­rait par­tir sans renier son Dieu, puisque, cette fois, la liber­té lui est offerte sans condi­tion, mais il se doute que les païens diront ensuite bien haut qu’il a renié sa foi. Et puis, quel scan­dale pour les chré­tiens qui pour­raient s’y trom­per ! Lui, un rené­gat ?… Trois fois non !!! Il pré­fère res­ter avec ses camarades.

Main­te­nant, c’est au trio que l’on pro­pose la liber­té. La nuit, leurs liens sont des­ser­rés ; la porte de leur pri­son reste ouverte, Dehors, c’est la vie sauve, le pain… et les trois gar­çons ne bougent pas. Ils mour­ront plu­tôt que de lais­ser croire aux païens et aux chré­tiens qu’ils ont tra­hi le Christ ! Quels cœurs vaillants n’est-ce pas !

La pro­me­nade à tra­vers le sud conti­nue. Il fait froid, il pleut… rien à man­ger… Défense aux chré­tiens mas­sés sur le par­cours, d’of­frir aux condam­nés quoi que ce soit. Imi­tant Véro­nique au che­min de la croix, quelques intré­pides brisent le cor­don des sol­dats et donnent aux mal­heu­reux des vête­ments, des vivres. Deux sont pris. Désor­mais, ils seront vingt-six au lieu de vingt-quatre, sur les charrettes.

Coloriage petits martyrs japonais embrassant la croix
Il court d’un trait vers elle, tombe à genoux et l’embrasse
Auteur : Goyau, Georges | Ouvrage : À la conquête du monde païen .

Temps de lec­ture : 7 minutes

XV

Un empe­reur avait dit au XVIIe siècle : « Tant que le soleil échauf­fe­ra la terre, qu’il n’y ait pas de chré­tien assez har­di pour venir au  ; que tous le sachent, quand ce serait le roi d’ en per­sonne ou le Dieu des chré­tiens ! Celui qui vio­le­ra cette défense le paie­ra de sa tête. » Entre le Japon et la civi­li­sa­tion chré­tienne, cet impla­cable ukase avait rele­vé, plus infran­chis­sables que jamais, les bar­rières naguère abais­sées par l’a­pos­to­lique génie de saint Fran­çois Xavier. Des 750 000 catho­liques que pos­sé­dait en 1600 l’ar­chi­pel japo­nais, il ne res­ta plus, après l’ou­ra­gan des per­sé­cu­tions et l’ex­pul­sion des mis­sion­naires, qu’un tout petit trou­peau pri­vé de pas­teurs, qui peu à peu se ter­ra… Et l’on put croire qu’à mesure que som­bre­raient, une par une, dans le gouffre fatal de la mort, ces der­nières épaves, le chris­tia­nisme japo­nais achè­ve­rait de s’éteindre.

Deux siècles et demi pas­sèrent : la France de la monar­chie de Juillet essaya de cogner aux portes du Japon. Une de nos cor­vettes ame­nait aux îles Liou-kiou un prêtre du sémi­naire des , M. For­cade ; on deman­dait qu’il pût séjour­ner, en vue d’ap­prendre le japo­nais. Plus tard ce prêtre, en son arche­vê­ché d’Aix, racon­te­ra volon­tiers les longs mois qu’il avait pas­sés dans une bon­ze­rie, entou­ré de res­pec­tueux man­da­rins et d’ob­sé­quieux satel­lites qui sur­veillaient ses moindres gestes, ne pou­vant se pro­me­ner sur la plage qu’a­vec cet impor­tant cor­tège, qui s’ar­mait de bam­bous pour empê­cher les pas­sants d’a­van­cer vers ce « blanc ». Que lui ser­vait-il d’être deve­nu, de par un acte de Gré­goire XVI, vicaire apos­to­lique du Japon ? Son vica­riat lui demeu­rait inac­ces­sible ; on écar­tait le peuple de son Cre­do, comme d’une lèpre ou d’une peste.

Caté - Histoire de l'évangélisation du Japon
JAPON. — Le piquage du riz sous la direc­tion des Fran­cis­caines Mis­sion­naires de Marie (Lépro­se­rie de Biwasaki).

Même trai­te­ment, dix ans plus tard, pour deux mis­sion­naires qui avaient osé débar­quer dans l’île de Yéso : était-ce une escorte, ou bien un cor­don sani­taire, qu’on orga­ni­sait autour d’eux ? Ils com­prirent bien­tôt qu’é­tant prêtres du Christ, ils ne pou­vaient être admis à com­mu­ni­quer avec les sujets de l’empereur. Le Japon de cette époque ne croyait avoir besoin d’au­cun échange d’i­dées ; mais il com­men­çait à sou­hai­ter des échanges de mar­chan­dises, que régi­rait un bon trai­té de com­merce. Le baron Gros, venu à Tokio, au nom de Napo­léon III, pour négo­cier ce trai­té, eut l’a­dresse d’y faire ins­crire que la liber­té reli­gieuse était accor­dée aux étran­gers rési­dant au Japon, et que les pra­tiques inju­rieuses pour le chris­tia­nisme étaient abolies.

Le « Dieu des chré­tiens », — pour reprendre les termes du fameux édit, — pou­vait donc désor­mais venir au Japon sans payer cette audace de sa tête ; mais il n’y pou­vait venir que pour les étran­gers, ses fidèles, et non point pour les Japo­nais. Cette auto­ri­sa­tion, si par­ci­mo­nieuse fût-elle, per­met­tait à M. Petit­jean, des Mis­sions Étran­gères, et à quatre de ses confrères, de rési­der au Japon. Ils y per­dirent cinq années en de sté­riles tâton­ne­ments, et fina­le­ment, en 1865, ils ouvrirent une cha­pelle à . La rem­pli­rait qui pourrait !

Auteur : Goyau, Georges | Ouvrage : À la conquête du monde païen .

Temps de lec­ture : 9 minutes

XI

Le martyr du père Spinola

Récit du martyr du père SpinolaCharles Spi­no­la avait vingt ans ; l’é­clat de la famille génoise dont il était le fils lui pro­met­tait toutes les digni­tés, toutes les gloires. Un jour tom­bait entre ses mains le récit du mar­tyre du Père Aqua­vi­va à l’île de Sal­sette, et désor­mais il ne vou­lut plus d’autre gloire que celle d’a­pôtre dans la Socié­té de Jésus. Apôtre, il le serait, même si son père ne vou­lait pas ; il le serait, même si son oncle le car­di­nal parais­sait tiède pour ce pro­jet ; oui, il le serait, même si le Père géné­ral des Jésuites ne vou­lait pas de lui ; il le serait, dût-il por­ter sa requête aux pieds du Pape. Dix ans durant, comme novice, puis comme jeune Père, il disait à ses supé­rieurs : « Je veux être mis­sion­naire. » On l’en­voyait, non pas au , mais dans la mai­son que les Jésuites avaient à Cré­mone : il y allait, docile… Mais l’an­née d’a­près, ses sou­haits étaient com­blés : c’est au Japon qu’on l’ex­pé­diait. Il avait hâte de s’é­loi­gner, de ne plus entendre les siens mettre devant ses yeux les belles charges d’É­glise, les belles cou­leurs vio­lettes ou rouges, aux­quelles un Spi­no­la pou­vait pré­tendre. Il se sen­tit très content du capi­taine du vais­seau, lorsque celui-ci, oubliant les pro­messes faites à la famille Spi­no­la de bien trai­ter un tel pas­sa­ger, le logea très peu confor­ta­ble­ment et en gros­sière com­pa­gnie : « Je serai encore plus mal chez les païens, » pen­sait-il. Et pour se mettre à l’é­cole des héros qui avaient su mou­rir pour Dieu, il com­po­sait les lita­nies des mar­tyrs jésuites, des huit qui en 1570 avaient ver­sé leur sang en Flo­ride, et des qua­rante qui, la même année, voguant vers le Bré­sil, avaient été atta­qués et noyés par des cor­saires hugue­nots. Il sem­bla que l’O­céan vou­lût faire bar­rière entre Spi­no­la et le Japon tant dési­ré. Mais rien ne le décou­ra­geait : oura­gans, manque de vivres, épi­dé­mie de peste, atteintes de la fièvre, longues haltes dans cer­tains ports du Bré­sil ou des Antilles pour répa­rer le vais­seau. Que pesaient tous ces ennuis, dès lors qu’on s’a­che­mi­nait vers le Japon ? Mais, hélas ! Spi­no­la et toute l’embarcation tom­baient entre les mains d’un cor­saire anglais. Adieu les quatre cents beaux lin­gots d’or que Spi­no­la empor­tait avec lui, cadeau du Très Saint-Père pour la japo­naise ! Le cor­saire les confis­quait. Et Spi­no­la crut un ins­tant qu’il fau­drait dire : « Adieu, la mis­sion japo­naise ! » car lui-même était trai­té en pri­son­nier et débar­qué en Angle­terre. On lui per­met­tait pour­tant de gagner Lis­bonne ; de là, naguère, il était par­ti pour le Japon ; il reve­nait, ayant inuti­le­ment erré sur les mers… Tout était à refaire : sa famille, le sachant reve­nu, lut­tait de nou­veau pour le conser­ver en Europe. Dieu ne veut pas de lui au Japon ! pré­ten­dait-elle. Les nou­velles luttes qu’il eut à livrer se dénouèrent par de nou­velles vic­toires : en mars 1599, il repre­nait la mer ; cette fois, la tra­ver­sée fut pro­pice : le vais­seau fila droit vers Macao, où Spi­no­la, deux ans durant, apprit la langue japo­naise et ce qu’é­taient les Japo­nais. Cet appren­tis­sage ache­vé, il débar­quait, en 1602, dans la région de .

Auteur : Goyau, Georges | Ouvrage : À la conquête du monde païen .

Temps de lec­ture : 15 minutes

X

L’Espagne missionnaire : Les jésuites, saint Ignace, saint François Xavier. — Les dominicains : saint Louis Bertrand. — Les franciscains : saint François de Solano.

Dans une tou­relle du col­lège Sainte-Barbe de Paris, tou­relle qui exis­tait encore au milieu du XIXe siècle, logeaient, en 1525, un jeune Savoyard nom­mé Pierre Le Fèvre et un jeune Basque de bonne noblesse nom­mé Fran­çois Xavier, venus à Paris pour cher­cher des diplômes uni­ver­si­taires. Ils avaient l’un et l’autre dix-neuf ans. En octobre 1529, un nou­vel hôte venait par­ta­ger leur logis, gen­til­homme comme Xavier, mais mal vêtu, — l’air d’un pauvre, à demi estro­pié par sur­croît : il s’ap­pe­lait Ignace de Loyo­la, et il était leur aîné de dix à quinze ans. Sa prime jeu­nesse avait rêvé de la gloire mili­taire : en défen­dant Pam­pe­lune assié­gée, il avait ache­té cette gloire par une grave bles­sure ; ses pen­sées, à l’hô­pi­tal, s’é­taient tour­nées vers le Christ. Adieu dès lors ses beaux rêves de che­va­le­rie ! Ignace s’é­tait fait men­diant, puis il s’é­tait séques­tré dans la grotte de Man­rèse, pour y cher­cher une méthode de bien ser­vir le Christ, et il en avait tra­cé les grandes lignes dans ses Exer­cices spi­ri­tuels, que long­temps il gar­da manuscrits.

Les missions de Saint François Xavier raconté aux enfants
Cey­lan. — Lépro­se­rie du Hen­da­la, diri­gée par les Fran­cis­caines Mis­sion­naires de Marie.

Il lui parais­sait, pour­tant, que pour lut­ter en faveur de son Dieu, il man­quait de for­ma­tion ; et celui qu’à Sainte-Barbe on com­men­çait à appe­ler le pèle­rin, venait s’ins­truire et prendre ses diplômes à Paris. Mais ce vieil éco­lier, avec ses Exer­cices dans sa sacoche, avait hâte de sug­gé­rer à ses cama­rades cette méthode pour faire leur salut, et de les gui­der. Le Fèvre fut conquis ; Xavier résis­ta long­temps, et l’un des témoins de ses conver­sa­tions avec Ignace com­pa­rait Ignace au grand Alexandre, qui finit par domp­ter son cour­sier Bucé­phale. Après Xavier, Ignace s’at­ta­cha trois Espa­gnols, Lai­nez, Sal­me­ron, Boba­dilla, et un Por­tu­gais, Rodri­guez. Au jour de l’As­somp­tion de 1534, tous ces jeunes uni­ver­si­taires, deve­nus dis­ciples des Exer­cices spi­ri­tuels, des­cen­dirent de la mon­tagne Sainte-Gene­viève pour gra­vir, de l’autre côté de la Seine, la col­line de Mont­martre ; Ignace aus­si fit le pèle­ri­nage. Une église s’y éle­vait, — elle existe tou­jours, — à l’en­droit, disait-on, où saint Denis avait été  ; nos sept pèle­rins s’en­fon­cèrent dans la crypte, et Le Fèvre dit la messe. Au moment de la com­mu­nion, il se tour­nait vers eux, leur mon­trait l’hos­tie ; cha­cun d’eux pro­met­tait à Dieu qu’il demeu­re­rait pauvre, et qu’il demeu­re­rait chaste, et qu’il serait, si pos­sible, pèle­rin de Jéru­sa­lem, et qu’en­suite il se voue­rait au salut des âmes. Et ces vœux une fois prê­tés, tous com­mu­niaient. Lorsque leur petit grou­pe­ment se sera élar­gi, lorsque les assises s’en seront affer­mies, ces sept étu­diants aux­quels Jésus venait de se don­ner ne vou­dront aucun autre nom, pour une telle socié­té, que celui de Com­pa­gnie de Jésus.