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III
Colette dormait encore, lorsqu’un petit coup frappé à sa porte l’éveilla.
Surprise, elle regarde sa montre : six heures ! Un second petit coup, bien net cette fois.
— Entrez ! Et c’est Nicole, coiffée, habillée, son chapeau sur la tête…
— Mais, ma chérie, il est six heures du matin. Qu’est-ce que tu viens faire ?
— Je veux partir en avion avec vous.
— En avion ! ce matin ? Et maman t’envoie ?
— Maman ne sait pas.
— Comment, maman ne sait pas ?
Et comme Nicole perd un peu de son petit air conquérant, Colette la fait grimper sur son lit et obtient sa confession.
Il s’agit d’une escapade.
Nicole s’est levée et habillée sans tapage, a traversé le jardin, s’imaginant que l’avion décollerait de bonne heure, emmenant sa tante au Pays du Paradis terrestre, et elle a mis dans sa tête d’obtenir de partir aussi.
— Et tu n’as pas pensé à l’inquiétude de maman… et tu t’es sauvée comme cela, sans permission ?
Pauvre Nicole… sermonnée par tante Colette, elle reprend, tête basse, le chemin de sa petite chambre, avec ordre d’aller avouer à maman cette équipée.
En rentrant de la messe, une heure plus tard, Colette la retrouve, les yeux un peu rouges, qui l’attend dans la salle à manger.
— Je vais chercher ton déjeuner, Tate ; pendant que tu le prendras, je te dirai…
— Quoi donc, ma chérie ?
— Maman m’a bien grondée. Je n’avais pas pensé que c’était mal. Parce que je lui ai dit tout de suite, elle ne m’a pas punie aujourd’hui ; seulement, bien sûr, la prochaine fois que tu iras en avion, elle défendra que tu m’emmènes, et j’aurais tant… tant voulu connaître le Pays du Paradis terrestre !
— Écoute, mon petit, je ne sais pas si j’irai moi-même jusque là, dès le début. C’est loin, et ton oncle comme ton papa n’ont guère de randonnées à faire de ce côté-là.
Cours vite me chercher ton atlas, nous allons voyager quand même, toutes les deux, tu vas voir.
Nicole saute au cou de sa tante, le cœur allégé ; en deux minutes, elle rapporte son atlas et, penchée sur la carte, tête contre tête, elle mêle ses cheveux bruns aux jolies boucles blondes de Tate.
Tate suit du doigt le Tigre et l’Euphrate, les deux fleuves qui se rejoignent au bord du golfe Persique, et explique :
— Moïse parle de ces deux grands cours d’eau, ce qui fait supposer que Dieu avait choisi cette région pour placer nos premiers parents dans un paradis de délices.
Nous savons qu’ils en furent chassés et que des anges, sous une forme visible, dans un éclat semblable à des épées flamboyantes, leur en interdirent l’entrée. La terre devint difficile à cultiver ; pour vivre, il fallut travailler ferme et bientôt la mort fit son apparition.