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I.
— Nicole, Bruno, j’ai quelque chose à vous dire.
Bruno, qui est en train de démonter posément les ailes d’un gros papillon mécanique, répond sans tourner la tête :
— Ça sera-t‑y intéressant ?
— Tu n’en sauras rien si tu n’écoutes pas.
Toujours immobile, le papillon en mains, Bruno dit :
— J’écoute.
— Ah mais ! pas comme ça… Et Colette, qui rit malgré elle, saisit dans ses bras le petit homme et le plante sur ses genoux.
— Que diriez-vous, Nicole et toi, si je vous faisais la classe ?
— Toi tante Colette ? Quelle veine !
— Et une fameuse classe encore. Je vous apprendrais l’Histoire Sainte.
— Oh ! dit Nicole, tu nous achèteras des livres neufs. Est-ce qu’ils auront des images ?
— Bien mieux que ça. Je ne me servirai pas de livre, mais de l’avion de papa.
Les deux enfants ouvrent de grands yeux qui disent qu’ils ne croient pas un mot de cette « blague-là »…
Colette s’en amuse.
— C’est la pure vérité. Je vais commencer par grimper un de ces jours dans l’Oiseau-Bleu, pour aller voir, de mes yeux, le vrai pays de l’Histoire Sainte. En rentrant, je vous raconterai tout, et, si vous êtes sages, peut-être qu’un jour ou l’autre, je vous emmènerai aussi.
Nicole empoigne par les épaules son petit frère muet d’étonnement et lui fait faire deux ou trois pirouettes échevelées… auxquelles Colette met un terme en disant :
— Attendez un peu ! Avant de commencer ces leçons merveilleuses, il faut que vous me disiez ce que vous savez déjà. Asseyons-nous là, sous les lauriers-roses. Je vais te poser, Nicole, une drôle de question. Dis-moi, le monde a‑t-il toujours existé ?
— Oh ! non.
— Alors, qu’est-ce qu’il y avait avant ?
— Rien.
— Rien, si tu veux parler des choses créées, des astres, des plantes, des animaux, des hommes, etc… Mais il y avait Dieu, Dieu qui est éternel, c’est-à-dire qui n’a pas eu de commencement et qui n’aura pas de fin.
Bruno écarquille des yeux tout ronds et, de sa voix placide demande :
— Alors, si nous, on est mort, le Bon Dieu, Lui, est encore vivant ?
— Oui, mon chéri, le Bon Dieu est vivant depuis toujours et pour toujours. Vois-tu, Il est le maître de la vie et de la mort. C’est Lui qui en dispose, Lui qui crée la vie, c’est-à-dire qui la donne à qui Il lui plaît ; Lui qui la retire à notre corps quand ça Lui convient. Lui seul est éternel. Sa puissance est si grande, son bonheur si complet, que rien au monde ne peut y ajouter. Seulement ce n’est pas tout. Si le Bon Dieu est infiniment heureux, il est aussi infiniment bon. Il a pensé : Si je donnais un peu de mon bonheur à quelqu’un ?