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Auteur : Noël, Marie | Ouvrage : Autres textes .

Temps de lec­ture : 16 minutes

À Maman

Il est plus aisé pour un de
pas­ser par le trou de l’ai­guille qu’à un
riche d’en­trer dans le royaume des cieux.
(Mat­thieu, 19 – 23.)

Je pose sept et je retiens un…

La femme de charge essuya ses lunettes, remon­ta la mèche de la lampe et, pour la troi­sième fois, recom­men­ça son addition.

Cer­tai­ne­ment elle était bonne. Mais elle était terrible.

Avoir si peu man­gé et tant, tant, tant dépensé !

Sur l’autre page du cahier, celle des recettes, une autre mal­heu­reuse petite addi­tion trop courte essayait de faire bonne conte­nance et de se mesu­rer bra­ve­ment avec la première…

Non ! on avait beau tirer des­sus, il n’y avait plus moyen de joindre les deux bouts.

La veille de Noël, la femme de charge faisant les comptes

Mais n’é­tait-ce pas ces jours-ci que les Gau­det payaient leur terme ? Elle regar­da le calen­drier : «  !… »

Oh ! oui ! elle savait bien que Noël arri­ve­rait ce soir, mais, pour la pre­mière fois de sa vie, elle n’a­vait pas pris la joie d’y pen­ser. Et il était venu, il était là devant elle : la grande veillée commençait.

Et Char­lette se sen­tit en faute parce qu’il ne lui res­tait plus qu’à peine quelques heures pour apprê­ter avant minuit son cœur de grande fête.

On ne peut pas ser­vir deux maîtres : Dieu et l’.

L’argent, elle n’en avait guère — ses gages, son livret de Caisse d’É­pargne. Quand même, de tous ses efforts, elle était à son ser­vice. Oh ! ce n’é­tait pas son métier et c’est pour­quoi, jus­te­ment, il lui don­nait tant de mal, beau­coup plus, bien sûr, qu’aux per­sonnes capables. Quand elle était petite fille, elle avait gar­dé les mou­tons. Puis elle était allée en classe, puis en condi­tion. Il y avait bien­tôt trente ans qu’elle était entrée chez Madame et qu’elle y res­tait à faire tout ce qu’on vou­lait et même plus. Un peu plus chaque année. Mon­sieur était mort. M. Jacques avait dis­pa­ru à la guerre et Madame était deve­nue peu à peu si vieille, si lasse, qu’elle n’é­tait plus bonne à rien qu’à man­ger, se chauf­fer et flat­ter le chat.

À mesure qu’elle vieillis­sait, elle avait lais­sé de plus en plus à sa ser­vante le soin d’al­ler en bou­tiques, à la banque, dans les bureaux, de par­ler aux four­nis­seurs, aux ouvriers et aux loca­taires, si bien que, de bonne à tout faire qu’elle était, cui­si­nant, lavant, ravau­dant et soi­gnant des mala­dies, Char­lette était deve­nue en plus gérante de biens.

Depuis, elle n’a­vait plus que des sou­cis dans la tête. Elle s’é­tait mise à gar­der l’argent de Madame comme elle avait gar­dé jadis le trou­peau de sa nour­rice avec un grand trem­ble­ment d’hon­nête ber­gère, comp­tant et recomp­tant le soir les bre­bis et les agneaux (aujourd’­hui c’é­taient les sous et les pièces) et veillant sur lui à toute heure pour l’empêcher de se perdre, de dépé­rir ou de souf­frir quelque dom­mage. Las ! l’argent était plus sacré encore et comme il s’é­ga­rait au moindre cal­cul, c’é­tait un ter­rible ouvrage que d’en rendre compte à soi-même avec exactitude.

Si encore il n’y avait eu que l’argent, même cet argent de papier qu’elle avait pris l’ha­bi­tude d’al­ler qué­rir de temps à autre chez un ban­quier de la ville et qui lui fai­sait assez peur parce qu’il aug­mente et dimi­nue sans que per­sonne en sache rien, mais Madame avait trois maisons.

Elles avaient été neuves du temps de son arrière-grand-père. Main­te­nant, il leur man­quait tou­jours un mor­ceau et les gens qui les habi­taient venaient récla­mer, le dimanche.

— Mam’­zelle Char­lette, il pleut chez nous… Mam’­zelle, le vent d’hier a empor­té le cha­peau de la che­mi­née… Mam’­zelle, la gout­tière ne tient plus. Si ça tombe sur nous, on ira se plaindre…

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Temps de lec­ture : 5 minutes

Il y avait une fois, dans un pays très loin­tain, un roi cruel dont les caprices ne connais­saient pas de limites ; il était sans pitié et abu­sait de sa force quand il était de mau­vaise humeur.

Cer­tain jour, par­ti à la chasse, un de ses passe-temps favo­ris, le sou­ve­rain s’é­ga­ra dans la forêt. Ce fut seule­ment vers le soir qu’il arri­va, four­bu, devant la porte d’un couvent où, sans le recon­naître, on le fit entrer et on lui don­na à manger.

Il ne dit même pas mer­ci… Or, il arri­va qu’un des frères du couvent recon­nut le roi. Il se dépê­cha de pré­ve­nir les autres, qui se pré­ci­pi­tèrent pour saluer Sa Majes­té. Mais le roi, au lieu d’ac­cueillir aima­ble­ment les reli­gieux, se mit en colère et s’a­dres­sant au père prieur lui dit :

« Vous m’a­vez l’air bien gras, mon Révé­rend. L’é­tude ne paraît pas trop vous affai­blir. Je sup­pose qu’on vous dit plus savant que vous êtes…

— Sire, répon­dit en trem­blant le mal­heu­reux prieur, je m’ef­force de faire mon devoir. J’é­tu­die et prie Dieu chaque jour pour Votre Majes­té… Si j’en­graisse un peu, cela doit être dû à la vie calme que je mène. »

Le roi res­ta un ins­tant en silence puis reprit :

« De toute façon, j’ai enten­du dire que vous êtes un grand savant. Je veux en être sûr. Donc, venez au palais, je vous donne dix jours pour réflé­chir à ces trois questions :

quelle dis­tance y a‑t-il de la terre au soleil ?
quelle est ma valeur en  ?
et, enfin, quelle est la pen­sée que j’ai et qui me trompe ?

Si vous ne répon­dez pas bien, vous serez pen­du, mon Révérend. »

Cela dit, il s’en alla.

Inutile de décrire la frayeur du reli­gieux. Nuit et jour, il cher­chait sans les trou­ver les bonnes réponses… Et il n’y avait pas à attendre la pitié du sou­ve­rain ! Son igno­rance ou son erreur le condui­raient tout droit à la potence. Dis­tance de la terre au soleil ? Aucun livre ne la don­nait à l’é­poque. Quant aux deux autres ques­tions, mieux valait main­te­nant n’y plus réfléchir.

L'heure du conte pour les enfants : Moines et les trois questions

Auteur : Noël, Marie | Ouvrage : Autres textes .

Temps de lec­ture : 6 minutes

La veille de , la vieille Mère Rachel se pré­pa­ra comme tous les ans à conduire tous ses fils à la Crèche. Elle appe­la ses trois fils pré­fé­rés : Simon, celui qui tra­vaillait la terre ; Lazare l’ou­vrier for­ge­ron ; et André, celui qui allait encore à l’école.

Elle avait aus­si un autre fils, né d’un autre lit. C’é­tait un homme qui avait énor­mé­ment tra­vaillé et beau­coup épar­gné pour aider sa mère Rachel à éle­ver ses trois petits frères. Il avait aus­si recons­truit et entre­te­nu de ses deniers la mai­son fami­liale et il conti­nuait tou­jours à don­ner géné­reu­se­ment. Pour­tant, ses frères ne l’ai­maient pas. Ils lui enviaient ses capa­ci­tés à faire le bien ; ils en étaient jaloux. Aus­si le tenaient-ils à l’é­cart et n’hé­si­taient pas à le railler quand ils le croi­saient en chemin.

* * *

En cette veille de Noël, Rachel frap­pa à sa porte.

« Jean dit-elle, je pars tout à l’heure ado­rer le Sei­gneur Jésus. Mais la route est un peu longue jus­qu’à Beth­léem et je n’ai pas assez de vivres. Peux-tu me don­ner des provisions ? »

« Voi­ci mes clés, répon­dit Jean, celle du gre­nier, celle du cel­lier, celle de la cave. Prends tout ce qu’il te faut et même plus. Mes frères ne doivent man­quer de rien pour ce beau voyage qui sera une grande fête ! »

Récit : générosité à Noël et accueil de Jésus

Sa mère prit les pro­vi­sions et s’en fut mais aus­si­tôt elle revint…

« Le man­teau de ton frère Simon est râpé, il aura froid en route, donne-moi un vête­ment pour lui. »

« Prends mon man­teau, ce sera pour moi une grande joie de savoir mon man­teau aller à Beth­léem sur les épaules de mon frère ! »

Mère Rachel prit le man­teau mais revint encore.

« Les sou­liers de ton frère Lazare ont de bien mau­vaises semelles. Tu ferais bien de m’en don­ner une paire pour lui. Tu en as une de rechange et il fait ta pointure. »

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Temps de lec­ture : 6 minutes

russe

Conte de Noël russe - Babouchka et les rois magesIl était une fois une vieille femme nom­mée Babou­ch­ka qui habi­tait, seule, une toute petite mai­son au cœur de la forêt. Sans cesse, elle s’af­fai­rait, cou­sait, cui­si­nait, net­toyait et, tout en tra­vaillant, elle chan­tait. Pour se tenir com­pa­gnie, elle chan­tait des chan­sons, vieilles et nou­velles, et en inven­tait ; elle était de nature joyeuse. La grand-route pas­sait loin de la mai­son­nette si bien que les visi­teurs étaient rares.

Babou­ch­ka fut donc bien éton­née, un après-midi d’hi­ver, d’en­tendre un grand vacarme dans la forêt.

« C’est peut-être un ours » se dit-elle et elle se mit à trem­bler. Mais non, un ours ne fait pas cris­ser la neige sous ses pas de la sorte.

Elle ten­dit à nou­veau l’o­reille et enten­dit réson­ner des bruits de pas. Cette fois, c’é­tait sûr, elle allait avoir de la visite ! Elle s’empressa d’a­jou­ter quelques bûches et de mettre la grosse bouilloire noire sur le feu. Quelques ins­tants plus tard, on frap­pa fort à la porte. Babou­ch­ka sursauta :

— Qui est là ? deman­da-t-elle d’une petite voix craintive.

— Des voya­geurs éga­rés et épui­sés. Pou­vez-vous nous aider ?

— Mais bien sûr ! Entrez donc ! cria Babou­ch­ka et elle ouvrit grand la porte. Soyez les bien­ve­nus ! Venez vous réchauf­fer au coin de mon feu ! Il fait si froid dehors !

Un jeune homme entra, en sou­riant d’un air recon­nais­sant. Un second, plus âgé, le sui­vit, puis un troi­sième qui secoua de son man­teau une épaisse couche de neige. Tous trois étaient super­be­ment vêtus et le troi­sième por­tait aux oreilles des anneaux d’or étincelants.

Pen­dant que Babou­ch­ka fai­sait réchauf­fer une bonne soupe et cou­pait du pain, les voya­geurs lui racon­tèrent qu’ils étaient à la recherche d’un roi nouveau-né.

— Son étoile nous gui­dait, expli­quèrent-ils, mais le ciel est si char­gé de neige que nous ne la voyons plus.

Auteur : Theuriet, André | Ouvrage : Autres textes .

Temps de lec­ture : 8 minutes

Les trois rois mages, Bal­tha­zar, Mel­chior et Gas­pard, por­tant l’or, l’en­cens et la myrrhe, étaient par­tis à la recherche de l’En­fant Jésus, mais comme ils ne connais­saient pas bien le che­min de Beth­léem, ils s’é­taient éga­rés en route et, après avoir tra­ver­sé une forêt pro­fonde, ils arri­vèrent à la nuit tom­bante dans un vil­lage du pays de Langres. Ils étaient las, ils avaient les bras cou­pés à force de por­ter les vases conte­nant les par­fums des­ti­nés au fils de Marie et, de plus, ils mou­raient de faim et de soif. Ils frap­pèrent donc à la porte de la pre­mière mai­son du vil­lage, pour y deman­der l’hospitalité.

Conte de l'Epiphanie et des rois magesCette mai­son, ou plu­tôt cette hutte, située presque à la lisière du bois, appar­te­nait à un bûche­ron nom­mé Denis Fleu­riot qui y vivait fort chi­che­ment avec sa femme et ses quatre mar­mots. Elle était bâtie en tor­chis avec une toi­ture de terre et de mousse à tra­vers laquelle l’eau fil­trait les jours de grande pluie.

Les trois rois, van­nés de fatigue, heur­tèrent à la porte, et quand le bûche­ron l’eut ouverte, prièrent qu’on vou­lût bien leur don­ner à sou­per et à coucher.

— Hélas ! braves gens, répon­dit Fleu­riot, je n’ai qu’un lit pour moi et un gra­bat pour mes enfants, et quant à sou­per, nous ne pou­vons vous offrir que des pommes de terres cuites à l’eau et du pain de seigle. Néan­moins, entrez, et si vous n’êtes pas trop dif­fi­ciles, on tâche­ra de vous arranger.