∼∼ XIV ∼∼
— Oh ! papa, je vous en prie, venez avec nous au Palatin. N’allez pas vous replonger dans vos affreuses écritures.
— Le fait est, Jeannot, que j’ai tant travaillé ce matin, qu’un peu d’air me fera du bien. Va donc pour le Palatin…
Il fait chaud, l’atmosphère est lourde après l’orage d’hier. Mais, là-haut, toute fatigue est oubliée. Des ruines, des cyprès, des fleurs ! Le Forum s’étale, aux pieds de la colline, et de tous côtés on a la vue sur Rome.
— C’est ici, mes enfants, que la ville a commencé ; toutes ces ruines sont celles des temples et des palais construits par les empereurs, au fur et à mesure de la gloire et de la puissance grandissante de Rome. Penchez-vous avec moi au bord de cette terrasse, regardez ces curieux vestiges. C’est tout ce qui reste du fameux temple de Jupiter.
— J’en ai acheté des cartes postales, dit Bernard. Je fouille mon portefeuille et je vous les donne. Regardez.
Papa constate :
— Ces ruines sont absolument méconnaissables pour des profanes de notre espèce. Par contre, devant nous, s’étagent, cette fois encore, les monuments chrétiens, preuves matérielles de la vie conquérante de l’Église.
Ceci nous amène, mes enfants, à étudier comment les Papes en sont venus à posséder Rome et un certain nombre de villes et d’États avoisinants. Nous avons vu l’empire romain s’effondrer en Occident. En Orient, des empereurs se succédaient encore, et ils exerçaient un fantôme de pouvoir en Italie, au moyen d’un exarque, sorte de gouverneur, qui résidait à Ravenne. Au VIIIe siècle, leur protection est nulle. En réalité l’empire n’existe plus, tandis qu’au contraire, le Pape est devenu le Chef réel et le défenseur de Rome. Il a de grands domaines, car à ceux que lui ont donnés les empereurs chrétiens, se sont joints les dons considérables, faits au cours des âges, par beaucoup de seigneurs ou de familles nobles et riches. Des fermes, des terres, des forêts, des mines, des villes constituent ce qu’il est convenu d’appeler le « Patrimoine de Saint Pierre ». Le Pape est devenu un vrai prince temporel ; il administre des domaines immenses que saint Grégoire le Grand se plaisait à appeler le bien des pauvres.
Cependant vers l’an 715, les Orientaux vinrent assiéger Rome. Le Pape Grégoire II appelle alors à son secours Luitprand, roi des Lombards.
— Les Lombards, les Lombards, répète Colette qui réfléchit laborieusement, où donc était leur pays ?
— Regarde là-bas, Colette, vers le Nord. Les plaines de Lombardie sont traversées, tout au sommet de l’Italie, par le Pô ; tu sais assez de géographie pour situer ce fleuve.
— Oui, papa, j’y suis.
— Je reviens donc à Luitprand. Il délivra Rome et plusieurs autres villes, mais refusa de les rendre au Pape. Alors Étienne II, successeur de Grégoire II, appela Pépin le Bref.
Après une guerre sévère et glorieuse, Pépin remit au Pape Étienne les vingt-deux villes qu’il avait reprises aux Lombards. Il en déposa les clefs sur le tombeau de saint Pierre, en y joignant un acte qui en faisait don au Pape et à ses successeurs.