Étiquette : <span>Bénitier</span>

Auteur : Mistral, Frédéric | Ouvrage : Mémoires et souvenirs .

Temps de lec­ture : 5 minutes

Autre­fois — moins sou­vent de nos jours — les arti­sans, avant de s’ins­tal­ler, fai­saient leur « Tour de France » c’est-à-dire qu’ils allaient de ville en ville tra­vailler chez divers patrons, appre­nant ain­si par­fai­te­ment leur métier. 

L’un de ces « com­pa­gnons » (dit « Pigno­let » parce qu’il est le fils du père Pignol) futur , rentre au logis à Grasse et son père lui demande de racon­ter son voyage. 

1. — D’a­bord, père, vous savez qu’en par­tant d’i­ci, de Grasse [1], je filai sur Tou­lon, où j’en­trai à l’ar­se­nal. Pas besoin de rele­ver tout ce qui est là-dedans : vous l’a­vez vu comme moi. 

— Passe, oui, c’est connu. 

— En par­tant de Tou­lon, j’al­lai m’embaucher à Mar­seille, fort belle et grande ville, avan­ta­geuse pour l’.

— C’est bien. 

— De là, ma foi, je remon­tai sur Aix, où j’ad­mi­rai les sculp­tures du por­tail Saint-Sauveur. 

— Nous avons vu tout cela. 

— Puis, de là, nous gagnâmes Arles, et nous vîmes la voûte de la com­mune d’Arles. 

— Si bien appa­reillée qu’on ne peut pas com­prendre com­ment ça tient en l’air. 

— Puis, nous nous diri­geâmes de Saint-Gille à Mont­pel­lier, et là, on nous mon­tra la célèbre Coquille… 

— Oui, qui est dans le Vignole, et que le livre appelle la « trompe de Montpellier ». 

— C’est ça… Et, après, nous mar­châmes sur .

— C’est là que je t’attendais.

— Quoi donc, père ? À Nar­bonne, j’ai vu les Trois-Nour­rices, et puis l’ar­che­vê­ché, ain­si que les boi­se­ries de l’é­glise Saint-Paul. 

— Et puis ? 

— Mon père, rien de plus ! 

— Alors, tu n’as pas vu la  ?

— Mais quelle grenouille ? 

  1. [1] Sui­vez le tra­jet sur une carte.
Auteur : Par un groupe de pères et de mères de familles | Ouvrage : À la découverte de la liturgie avec Bernard et Colette .

Temps de lec­ture : 10 minutes

Chapitre VIII

Ce matin, le vent d’ouest court en secouant les branches à tra­vers le petit bois. De temps en temps, une rafale fait pas­ser dans l’air sa longue plainte triste, mais les gar­çons s’en moquent bien. Ils sont par­tis, gais comme pin­sons, gau­ler les der­nières châ­taignes, lais­sant leurs sœurs à la maison.

Colette confère avec Bernadette.
 — Veux-tu que nous allions, nous deux, cher­cher Nono ? Nous le condui­rions à l’é­glise, pour lui apprendre ce qu’est la Mai­son du Bon Dieu.

— Mais il fait un temps de chien !

— Et après ! Mets ta cape d’in­fir­mière, et moi, mon man­teau et mon capu­chon ; seule­ment, gare si le vent les gonfle, nous serons enle­vées comme des aéroplanes !

De fait, c’est une tem­pête qu’af­frontent les deux sœurs.

Quand, ayant cueilli Nono en che­min, elles pénètrent dans la vieille église, il faut leur effort com­bi­né pour refer­mer la grande porte contre la pous­sée du vent. On entend les mugis­se­ments de la rafale frap­per le long des murs, comme les vagues sur les rochers, les jours de grande marée.

Aus­si, à peine entré, Nono murmure :
 — On est bien ici. Il fait bon !

Se pen­chant vers l’en­fant, Ber­na­dette répond :
 — On se sent en sécu­ri­té contre la tem­pête, n’est-ce pas, mon petit ? Je vou­drais que tu com­prennes aus­si com­bien notre âme, bien plus encore que notre corps, est ici à l’a­bri du dan­ger. Quand l’en­fant demeure chez son père, qu’il le sent là, tout proche, il n’a peur de rien. Or nous sommes à l’église, dans la mai­son de notre Père.

— Oui, insiste Colette, le Bon Dieu est par­tout, mais ici, Il nous attend pour que nous puis­sions lui par­ler tout à notre aise. Tu com­prends, Nono, devant le Bon Dieu, il faut se tenir très bien, et, si on a quelque chose à se dire, on le fait tout bas, mais ça n’empêche pas d’ex­pli­quer bien respectueusement.
Tu vas d’a­bord mettre ton doigt dans le et faire le signe de la Croix.

La fri­mousse atten­tive se lève ; les yeux disent : Pourquoi ?

Colette a lu la ques­tion. Elle répond :
 — Parce que le signe de la Croix, accom­pa­gné du regret de nos fautes et fait pieu­se­ment avec l’eau bénite, efface nos péchés véniels. Main­te­nant, mettons-nous