« Alors vrai, tu crois que ce pourrait être bientôt ? »
Le jeune sergent a fait de la tête un signe affirmatif, et, fou de joie, un éclair dans ses yeux noirs, Hassan s’est enfui en courant pour ne pas être en retard en classe.
Il y a plusieurs semaines que le sergent Gaillard est arrivé à Beyrouth, impatient de mettre sa jeune ardeur au service du pays. Mais, malgré tous ses désirs, il lui a fallu accepter ce poste trop tranquille où il ronge son frein en rêvant de gloire et de combats.
Tout près, heureusement, il y a le collège des Frères, l’immense collège des Frères dont les petits gars lui rappellent ceux du groupe Cœurs Vaillants où il aimait à servir avant la guerre.
Et c’est d’un regard plein de fierté que le sergent suit Hassan, le petit indigène qui depuis de longs mois attend avec ferveur le moment où il pourra recevoir le baptême, et qui, pour mériter cette grâce, a promis de faire « quelque chose de grand, qui coûte, pour le Bon Dieu ».
Une semaine a passé et brusquement tout a changé. Depuis deux jours la guerre fait rage dans le Liban Sud. Les armées ramassées en Palestine ont franchi la frontière et s’avancent en trois colonnes sur Beyrouth et sur Damas. Dès les premières heures, le sergent Gaillard a quitté son poste habituel. Il a pris position aux portes de la ville, avec la mission d’empêcher l’avance des blindés légers sur la route qui longe la mer. Il a à sa disposition un groupe de mitrailleuses et déjà ses hommes sont aux emplacements de combat derrière les chicanes et les barricades élevées rapidement.