Au bord du lac
Qu’elle est belle, cette route Napoléon ! Elle longe le beau lac de Laffrey, aux reflets d’azur… Voici maintenant le lac de Pétichet moiré d’argent, plus loin, le lac de Pierre-Châtel plein de mystère, parmi le chuchotement des roseaux. N’est-ce pas une bonne grand mère, qui rentre, chargée de bois mort, dans le soir tombant ?
— Grand’mère, il doit en passer des autos sur la route !
GRAND-MÈRE. — L’été, ça ne cesse pas. Si vous aviez été ici, l’autre année, en septembre, vous en auriez compté des mille. C’était le Centenaire de la Salette.
FRANÇOISE. — Qu’est-ce que la Salette ?
GRAND-MÈRE. — Une haute montagne, à près de deux mille mètres et bien sauvage. Quelques prairies avec beaucoup de pierres et de rochers. Pas un arbre, pas un buisson. Et tout là-haut, une magnifique église où l’on vient de partout prier Notre-Dame. Ah ! j’y suis allée tant de fois quand j’étais jeune. On se mettait en route, avant le soleil, à pied, par les sentiers de la montagne, en chantant des cantiques. Ces veillées en plein air, ces processions aux flambeaux, c’était très beau !
ANNE-MARIE. — Pourquoi a‑t-on bâti une église si haut ?
GRAND-MÈRE. — C’est une merveilleuse histoire. Rentrez donc. Mon fourneau est « éclairé ». Nous serons mieux au chaud. Et je m’en vais « puis » vous faire une – « pogne »[1]. Vous goûterez ça !
- [1] Pogne, sorte de brioche. ↩