A plupart d’entre vous ont déjà participé à un mariage.
Vêtus d’un costume de satin bleu, d’une robe crème, tenant en main un petit bouquet d’œillets roses, ils ont suivi la mariée en portant la traîne blanche de sa robe jolie. Puis, après le cortège, le dîner des grandes personnes presque terminé, ils sont entrés dans la salle du festin, timides, un peu rougissants et, dans les exclamations de joie, se sont faufilés à une place réservée pour y savourer une bonne glace aux fraises et boire un doigt de champagne pétillant et mousseux, qui leur chatouillait le bout du nez et le fond de la gorge, délicieusement.
Et vous tous à qui cela est arrivé, vous avez certainement pensé durant la messe à cette réjouissance qui vous attendait, et vous étiez très impatients de voir arriver le moment de vous présenter devant les grandes personnes et de prendre part à leur joie.
Or imaginez-vous votre déception si, en arrivant dans la grande salle toute bleue de la fumée des cigares, vous vous trouviez devant le maître de la maison qui vous dirait :
« Mes chers enfants, je suis ravi de vous voir, mais il ne reste plus rien à vous offrir. Nous avons tout mangé, tout bu… Les plats, les bouteilles sont vides. Vous arrivez trop tard. Embrassez la mariée et retirez-vous ! »
C’est charmant d’embrasser une mariée, rose, fraîche et jolie, mais cela ne vaut pas un gros baiser de champagne et une délicieuse glace qui vous fond dans la bouche avec un goût de fraise !
Eh bien ! cette désagréable aventure allait arriver aux enfants qui, le matin, avaient assisté aux cérémonies religieuses des noces de Cana. Ils s’étaient tenus sagement durant le long office, avaient reconduit la mariée à la maison du banquet, en portant non sa traîne, car elle n’en avait pas, mais des plateaux sur lesquels se trouvaient du sel, de la farine, du levain, ces symboles de la vie ménagère que la jeune épouse devrait mener. Puis, ils avaient été s’amuser dans un coin de la cour, en essayant de ne pas trop salir leurs robes de cérémonie. À quoi jouer, quand on ne peut ni se traîner par terre, ni se poursuivre, ni se battre ?
Ne sachant trop que faire, les enfants s’étaient approchés de la cuisine et de ses dépendances. Ils jouiraient à l’avance des excellents mets dont ils pourraient se régaler et se distrairaient au spectacle animé qui se déroulait sous leurs yeux. Sans cesse, l’on voyait passer des serviteurs, portant solennellement de grands plats de terre cuite sur lesquels reposait un mouton rôti, avec tant de sauce autour qu’elle en dégoulinait et que les chiens du voisinage léchaient les longues traînées brunes sur le sol poussiéreux. Des esclaves affairés couraient sans arrêt remplir à de grandes urnes ventrues les brocs de vin, dont les invités semblaient faire une énorme consommation. Il faut dire qu’ils étaient très nombreux (plus d’une centaine), que la chaleur était accablante, et puis qu’ils étaient tous très émus : et l’émotion donne soif. Pensez donc, à ce mariage, c’était la première fois que Jésus se montrait en public, et tout le monde savait que Jean-Baptiste, qui était très célèbre, l’avait déclaré bien plus grand que lui !
Lorsqu’on rencontre pour la première fois un important personnage, l’on est toujours un peu angoissé. Pour se donner du courage, volontiers l’on boit un petit coup de vin. Cela fouette le sang, donne du nerf, de la verve. On se sent plus assuré. Puis lorsqu’on l’a vu, ce grand homme, lorsqu’on a compris combien il est simple, gentil, accueillant, une grande joie vous envahit et l’on se sent si heureux qu’on reprend encore un petit verre de vin. Un verre de vin de fête. C’est pourquoi les invités de la noce témoignaient d’une telle soif.