Premier Mai
Il faisait un temps affreux, ce soir-là, dans la vallée d’Alpenrose. Dès la nuit venue, le vent était tombé des montagnes environnantes, s’abattant avec des rafales de pluie et de grêle sur les bâtiments du couvent.
Par bonheur, ceux-ci étaient solides, bâtis de bon granit de la montagne ; ils avaient vu bien d’autres tempêtes mais les hurlements du vent dans les couloirs, les sifflements dans les cheminées, le fracas d’une ardoise ou d’une branche qui s’écrasait, étaient vraiment impressionnants.
Et l’on pensait au voyageur perdu dans la montagne, au berger attardé, au pauvre sans logis.
« Que Dieu les conduise jusqu’à la porte du couvent, murmura le bon frère hôtelier qui, un imposant trousseau de clés à la main, revenait de la tournée qu’il faisait chaque soir dans le monastère. Que Dieu les conduise ici : ils trouveront chaleur, bon gîte et réconfort. »
« Quel temps ! quel temps ! dit-il encore, est-ce un temps de mars ? L’hiver ne veut point laisser la place… »
Et il s’attrista en pensant à son jardin — car frère Bonaventure était jardinier en même temps qu’hôtelier du couvent. La semaine passée, encouragé par un rayon printanier, il avait sorti de leur abri d’hiver des fleurs, des plants que cette tempête était en train d’anéantir. Quel malheur ! Quel malheur ! Il en avait beaucoup de peine car, grâce à ses soins et à ses capacités, les jardins du monastère étaient magnifiques ; on venait de loin pour les admirer…
* * *
Soudain, un violent coup de cloche à la porterie le fit sursauter, l’arrachant à ses regrets.
« Quoi ? Serait-ce un voyageur ? »