Le 16 mars 2020, c'est l'exact centenaire de la canonisation de sainte Jeanne d'Arc. Voici un petit hommage à notre grande sainte nationale !
Lorsque Jeanne d’Arc[1] était encore à Domrémy, elle avait pour voisins de pauvres gens dont le fils unique était infirme. Petit Pierre avait sept ou huit ans de moins que Jeanne.
Le pauvre enfant était bossu et ne marchait qu’avec des béquilles ; ne pouvant se mêler aux jeux des autres garçons, il était rebuté et souvent raillé par eux.
Sa vie eût donc été fort triste sans Jeanne qui l’avait pris en affection ; elle le caressait, le consolait, l’emmenait garder les bêtes avec elle dans les champs ; et lui contait des histoires.
Petit Pierre adorait Jeanne. Quand celle-ci lui apprit qu’elle avait une mission à remplir, qu’elle allait partir pour la bataille contre les Anglais, il pensa mourir de chagrin.
Jeanne le consola de son mieux. « Quand le roi sera sacré à Reims, dit-elle, je reviendrai ! — Oh ! s’écria Petit Pierre, les yeux brillants, j’irai à Reims te chercher ! »
[1] Cette bande dessinée est parue dans la Semaine de Suzette en 1915 ; aussi Jeanne d’Arc n’était pas encore canonisée. C’est pourquoi le scénariste ne la nomme pas « sainte Jeanne d’Arc », mais seulement « Jeanne d’Arc ».↩
Jeanne, la « Sainte de la patrie », naquit en la fête de l’Épiphanie de l’année 1412, au petit village de Domremy, en Lorraine.
Son père, Jacques d’Arc, sa mère Isabelle Romée, étaient de simples paysans, laborieux et bons chrétiens.
« J’ai appris de ma mère, mon Pater, mon Ave Maria, et mon Credo », disait Jeanne plus tard. « Tout ce que je crois, je l’ai appris de ma mère. »
Jeannette, comme on l’appelait au village, semblait attirée vers le bon Dieu. Elle assistait avec bonheur aux catéchismes de M. le Curé, aux instructions et aux cérémonies.
La petite maison où Jeanne vint au monde et grandit, existe encore, toute proche de l’église.
L’enfant profitait de ce voisinage pour courir à l’église dès que la besogne lui laissait un instant.
Sa foi vive lui montrait Nôtre-Seigneur toujours présent dans le tabernacle. Agenouillée sur le pavé, devant l’autel, elle priait avec une ferveur extrême.
Que de fois les habitants de Domremy la surprirent ainsi, les mains jointes, tout absorbée par sa conversation avec le bon Dieu !
Elle assistait avec un profond recueillement aux messes célébrées par le curé de la paroisse.
A la tombée du jour, la cloche appelait les paroissiens pour la prière. Jeannette s’empressait de courir à l’église. Parfois cependant, son travail la retenait au loin. Dès que le vent lui apportait le son de l’Angélus, elle s’agenouillait dans les champs pour prier. Elle aimait entendre les cloches qui sont la voix de l’église. Or, il paraît qu’au moment de la première Communion de Jeannette, le sonneur oubliait parfois son office. L’enfant le suppliait d’être plus exact, et elle lui promettait en récompense les écheveaux de laine blanche qui venaient de ses brebis.
Dès l’âge de raison, Jeannette se confessait souvent, tant elle désirait purifier son âme des moindres taches.
Après sa première communion, elle se confessa plus fréquemment encore pour se préparer au grand bonheur de recevoir Jésus dans son cœur.
Tous ceux qui connaissaient Jeannette remarquaient combien tendrement elle aimait la Sainte Vierge.
Dans l’église du village, on la trouvait souvent agenouillée devant la statue de Marie. Elle y allumait des « chandelles » comme elle disait, ou bien elle arrangeait en bouquets les plus jolies fleurs de son jardin.
Quand venait le mois de mai, chaque samedi, Jeannette toute joyeuse s’en allait en pèlerinage avec ses amies vers les chapelles des environs dédiées à la sainte Vierge : Notre-Dame de Bermont, ou l’ermitage Sainte-Marie, situé sur une colline qui domine la vallée de la Meuse.
En cheminant à travers l’herbe fraîche des prés, les enfants cueillaient des fleurs qu’elles déposaient aux pieds de la Vierge et de l’Enfant Jésus.
Simple, franche, douce, joyeuse, Jeanne se faisait aimer de tout le monde. « Elle n’avait pas sa pareille dans la paroisse, disait le curé, jamais je n’en vis une meilleure. »
Les habitants convenaient que c’était la vérité. Ils admiraient le courage de la jeune fille au travail. Tout le long du jour, elle aidait sa mère dans les soins du ménage, accompagnait son père et ses frères aux champs, gardant le troupeau dans les prairies qui entouraient le village.
Le soir, à la veillée, Jeannette se mettait à filer et à coudre. Elle le faisait avec tant d’adresse que plus tard, elle put dire fièrement : « Pour coudre et filer, je ne crains pas femme de Rouen ! »
En 2012, nous fêtons le 600e anniversaire de la naissance de sainte Jeanne d’Arc. Pour inaugurer cette année consacrée à la bergère de Domrémy, voici ce joli texte :
Que c’est donc grande pitié au royaume de France ! Depuis bientôt cent ans que dure cette guerre, que de misères et de dévastations ! Reconnaît-on encore la France, la douce France, jadis le plus riche pays qui fût au monde, dans cette terre ravagée, aux récoltes avares, au commerce incertain, aux routes abandonnées ? France, très chère France, ne finiront-ils donc point par te quitter pour regagner leurs îles, les maudits Anglais, les « Godons » comme on dit, d’où est venu tout cet accablement ? Que faudra-t-il encore pour que tes fils s’unissent contre l’ennemi commun au lieu de se déchirer en clans fratricides, Armagnacs contre Bourguignons ? Hélas, tout est si triste et l’horizon si noir que c’en est vraiment à perdre l’espérance… De quoi parler sinon du malheur des temps ?
Et l’on en parle, on en parle partout, dans le moindre des villages, où chacun se demande si, demain, une troupe d’Anglais ou de partisans de Bourgogne ne viendra pas mettre le feu aux maisons, massacrer les familles, voler le bétail et piller l’église. Une petite fille née vers le début de ce XVe siècle, — en 1412 par exemple, — depuis qu’elle a été en âge d’écouter, n’aura guère entendu que des récits de massacres et de désastres. A trois ans a‑t-elle pu comprendre, quand son père a raconté la terrible défaite subie par la fleur des chevaliers français et l’odieux massacre, ordonné par le roi d’Angleterre, de trois mille des plus nobles prisonniers ? Mais elle se souviendra toujours d’avoir vu, à sept ans, de ses yeux vu, la bataille que se livrèrent, à une lieue de son village, les Français ennemis, à grands coups de haine sauvage, et où tant revinrent blessés, ensanglantés, et d’où maints aussi ne sont pas revenus… Encore toute petite, elle aura su par cœur la complainte qu’on chante
Sur le rempart qui s’avançait en bordure de la Loire jusqu’aux avant-postes ennemis, Loïs, tapi derrière un créneau, regardait songeur l’énorme pont défendu par le fort des Tourelles, la plus redoutable bastille des Anglais.
Était-ce là que, demain, s’affronteraient hommes d’armes et archers pour libérer la ville d’Orléans dont les Anglais occupaient les forts extérieurs ?
Soudain, Loïs tressaillit. Toute menue sous son armure de guerre, une ombre se dressait non loin de lui sur les créneaux, insoucieuse des flèches anglaises.
La jeune fille était seule, et Loïs, qui l’aurait reconnue entre mille, la regardait s’approcher en retenant son souffle. Tout à coup, il l’entendit soupirer tout haut tandis que ses yeux se remplissaient de larmes :
« Las ! las ! mon doux Seigneur, faudra-t-il donc ici combattre et verser le sang chrétien ? Ces hommes n’entendront-ils donc pas votre voix ? Ah ! si je pouvais trouver messager capable de toucher leur cœur !
— J’irai, moi, si vous voulez… »
Sortant brusquement de sa cachette, l’enfant venait de mettre un genou en terre devant Jeanne d’Arc, la jeune Lorraine.