Lucques, la cité guerrière du Moyen Âge, tour à tour déchirée par les factions, opprimée par les tyrans, attaquée par des républiques voisines, Lucques, la puissante rivale de Pise, était, à cette heure, calme et pacifique. Les armes avaient été déposées pour quelques jours ; les portes de la cité restaient ouvertes ; les tours qui la défendent demeuraient silencieuses. C’était la nuit de Noël ; Noël, nuit merveilleuse, où l’Enfant-Dieu est né dans une étable, où les anges du ciel sont venus annoncer la paix à la terre et la rédemption à l’humanité.
La neige était tombée tout le jour. Elle avait blanchi les collines onduleuses qui couronnent la cité ; elle avait jeté ses flocons épais sur les toits des vieux palais ; elle s’était amoncelée dans les rues étroites. Enveloppée comme d’un voile blanc, la ville ressemblait à une vierge innocente et pure qui s’approche de l’autel. Malgré le vent glacé qui mugissait, la foule, protégée par d’épais manteaux, s’en allait à l’église par bandes joyeuses ; elle semblait répondre à l’invitation des prophètes : « Réjouis-toi, fille de Sion ; tressaille d’allégresse, fille de Jérusalem…Voilà le Seigneur qui va venir avec tout le cortège des saints. » Valeureux guerriers, riches bourgeois, industrieux marchands, tous avaient fait trêve, pour quelques heures, à leurs luttes, à leurs affaires, à leurs plaisirs.
Zite, une pauvre servante, a entendu, du fond du palais où elle sert, les joyeux échos de ces bruits pacifiques. Fleur des montagnes transplantée dans la cité, elle a apporté dans la demeure de ses maîtres le doux parfum du lieu natal. Elle est si pure que sa modeste chambre est, dit-on, illuminée de clartés célestes : si charitable que, pour réparer les imprudences de sa générosité, Dieu, plus d’une fois, a dû venir à son secours. Son angélique piété l’a rendue chère à ses maîtres pieux. Ils en ont fait la dispensatrice de leurs aumônes : les pauvres se sont succédé au seuil du palais, pour recevoir de ses mains virginales le pain qui nourrit et le vêtement qui réchauffe. Aux largesses de ses maîtres, elle a voulu ajouter les siennes et faire l’aumône de sa pauvreté. Zite a tout distribué, jusqu’à ses propres vêtements d’hiver.