La sainte communion secourt admirablement les âmes du purgatoire. Le vénérable Louis de Blois rapporte dans un de ses livres, qu’un dévot serviteur de Dieu fut visité par une âme du purgatoire, qui lui fit voir tout ce qu’elle souffrait. Elle était punie pour avoir reçu la sainte communion avec tiédeur. En punition, Dieu lui avait ménagé le supplice d’un feu dévorant, qui la consumait. « Je vous conjure donc, dit-elle, vous qui avez été mon ami, de communier pour moi avec toute la ferveur dont vous êtes capable ; j’espère que cela suffira pour ma délivrance ». Celui-ci s’empressa de le faire. L’âme lui apparut de nouveau, brillante d’un incomparable éclat, heureuse et pleine de reconnaissance. « Enfin, lui dit-elle, grâce à vous, je vois donc face à face mon adorable Maître », et elle s’envola au ciel. Saint Bonaventure dit que la charité devrait nous porter à communier pour les défunts, parce qu’il n’y a rien de plus efficace pour leur repos éternel. Prions donc sans cesse pour eux et ils nous rendront au centuple le bien que nous leur aurons fait.
Étiquette : <span>2 novembre</span>
Commémoration des défunts
Devant la porte de la salle de classe, les élèves s’apprêtent à entrer pour subir les épreuves du certificat. Un à un, on les appelle et ils vont s’installer au bureau que leur indique le surveillant.
« Robert Lenoir… Bernard Lernier… »
Robert, furtivement, a glissé un coup d’œil à Bernard. Tous deux sont de la même école.
Robert Lenoir, élève médiocre, peu scrupuleux, n’a pas travaillé beaucoup durant l’année. C’est un bon cœur, mais, malheureusement, il lui a manqué, dès son jeune âge, l’influence d’une mère, morte lorsqu’il avait quatre ans. Il ne lui reste que sa grand-mère, qui l’aime beaucoup mais qui n’a sur lui aucune autorité, et son père, trop pris par les affaires, ne s’occupe guère de lui.
Bernard, au contraire, est travailleur. Très ambitieux, il arrive toujours dans les premiers de sa classe.
Aussi, Robert se réjouit d’être placé près de son camarade.
* * *
Les candidats, après avoir rendu leurs rédactions, commencent maintenant la composition de calcul.
« Hem !… Bernard… »
Bernard a levé la tête à l’appel discret de son voisin.
« Passe-moi le problème. »
Mais à ce moment, le surveillant, entendant chuchoter, lève la tête et regarde fixement dans la direction des deux enfants.
Dans le sentier, blanc de givre, Jean rit tout seul : il se rappelle l’histoire du couteau !
L’an dernier, pendant sa rougeole, il a demandé qu’on lui raconte une histoire, et grand-père avait commencé, sur un ton à faire frissonner tous les braves :
« C’était le soir. À la lueur d’une chandelle, un homme allait à pas de loup dans la maison… »
Jean retenait son souffle : « Mon Dieu ! qu’allait-il advenir ?
- Soudain, annonça grand-père avec un geste épouvantable, il prit un grand couteau… »
Terrifié, Jean disparut sous ses couvertures…
Et l’aïeul acheva, après un petit silence :
« …Il prit un grand couteau et… étendit du beurre sur son pain. »
Quel fou rire, ce soir-là !… Et quel succès lorsqu’il répéta l’histoire à ses camarades !
Pauvre grand-père, si gentil ! Il fabriquait arbalètes et chariots, et jamais ne se fâchait lorsque Jean avait cassé une roue ou perdu toutes ses flèches…
Hélas ! grand-père n’est plus ici : voilà trois semaines qu’il est parti chez le Bon Dieu. Jean ne met plus son pull rouge qu’il aimait bien ; Marie-Claire lui en a tricoté un blanc, « parce qu’on est en deuil » a‑t-elle dit.
C’est triste, la mort. Le jour de l’enterrement, maman et Marie-Claire pleuraient derrière un grand voile noir, et papa avait une pauvre figure triste, triste… Jean aussi avait du chagrin : tout ce noir et ces larmes, et cette odeur de mort lui glaçaient le cœur… Pendant l’enterrement, il pleurait si fort que Marie-Claire vint s’asseoir auprès de lui pour le consoler. Elle a dit beaucoup de choses qui le berçaient, mais il n’en a retenu qu’une : grand-père est au purgatoire et il faut prier pour qu’il entre vite au ciel. Alors, au lieu de pleurer, il a récité son chapelet, du mieux qu’il a pu ; puis il a dit à la Sainte Vierge :
« Arrangez-vous avec le Bon Dieu, Maman du Ciel, pour que grand-père quitte vite vite le purgatoire. »
Puis à Jésus présent au tabernacle :
« Mon cher Jésus, votre Maman va Vous demander quelque chose : Vous lui obéirez, n’est-ce pas ? »
***
Seul dans le sentier, blanc de givre, Jean rumine ces choses tristes.
Le ciel est bas et gris. Bientôt, novembre sera là, et les grands arbres, déjà, perdent leur chevelure d’or.
Cinq heures sonnent lentement au clocher de l’église. La porte de l’école s’est ouverte ; on entend les rires des fillettes, clairs et joyeux en cette soirée d’automne. Quelques bavardages encore… puis tout le monde se disperse ; les unes vont à la laiterie, les autres rentrent vite chez elles où les attendent quelques leçons à apprendre.
Dans un petit groupe d’écolières qui prennent ensemble le chemin du retour, Lucette s’avance avec ses amies Renée et Marie-Thérèse, dont les yeux rieurs et les joues rouges comme des pêches, contrastent avec son petit visage pâle où deux grands yeux gris semblent, aujourd’hui, plus tristes qu’à l’habitude.
Et, tandis que les souliers claquent gaîment sur les pavés, on parle de choses sérieuses.
« Ils seront sûrement en fleurs pour la Toussaint, dit Renée, tu as vu, avant-hier, comme les boutons étaient larges ? Eh bien, ils ont encore grossi et ils vont être dorés, je crois, avec le dessous des pétales rouge, comme ceux de Madame Gounet, qui m’a donné les boutures. Vendredi, j’irai arranger les tombes avec Maman ; et toi, que feras-tu ?
- Oh ! moi… » et les yeux tristes deviennent plus sombres encore.
« Zut ! se dit Marie-Thérèse, Renée a gaffé ».
***
Aujourd’hui, c’est jeudi, et Lucette, un sac au bras, s’en va légère sur la route. Madame Bouffet, une cousine chez qui sa mère l’a laissée en repartant à Lyon, l’a envoyée faire une course dans un village distant de trois kilomètres.
Et l’enfant, seule sur la grand-route, songe à cet autrefois où elle était une petite fille heureuse, entre son papa et sa maman. Hélas ! son cher papa est mort quelque part en Allemagne, il y a plusieurs années déjà ! Sa maman n’a pas pu l’emmener avec elle dans la grande ville où, depuis deux ans, elle a été obligée de se mettre à travailler, et où il est si difficile de se loger.
Oui, Lucette est seule… bien seule. Sans doute, Madame Bouffet est très bonne et la petite fille a de gentilles amies comme, Renée et Marie-Thérèse, mais ce n’est pas le chaud foyer, la douce maison… et le petit cœur tendre se serre.
Mais, qu’est-ce que cela ? Là, sur le rebord de la route, il y a une petite croix de bois, à moitié tombée. Lucette se penche, et lit cette simple phrase : « Un soldat de chez nous, mort pour la patrie, priez pour lui ! »
Alors, les deux petites mains se joignent pour une fervente prière. Puis, après un signe de croix, l’enfant reprend sa route, mais lentement une idée nouvelle germe dans sa jeune tête.