Un étrange équipage
Dans le golfe paisible de Saint-Tropez vint aborder un jour le plus étrange équipage qu’on ait jamais vu. Les vagues durent être bien étonnées de porter si curieuse barque : ni vergues, ni mâts. A la proue, un pauvre coq tout apeuré, crête pâle, plumes hérissées. A la poupe, un chien de berger qui jette de tous côtés des regards inquiets. De gouvernail, de pilote, point. Mais une main invisible semble conduire la barque car elle ne se détourne point de sa route et va droit au port. Des ailes d’anges la poussent doucement sur l’eau tranquille où se mirent les étoiles. Derrière elle, miroite un long sillage d’argent. Silencieusement glisse la barque mystérieuse… Les trois ou quatre pêcheurs qui surveillent, là-bas, leurs filets, les yeux fixés sur le carreau de liège, n’ont point détourné la tête.
Tout dort au village. Soudain, une femme pousse sa porte, frappe chez sa voisine.
— Eh ! voisine, réveillez-vous !
Bientôt la rue est en alerte et le quartier et le port. On entoure la commère qui, d’un air encore effaré, avec de grands geste, conte son songe.
— J’ai vu une barque, bonne Mère, sans voile ni gouvernail, avec un coq et un chien comme équipage. Elle se dirigeait vers le port. Elle porte le corps d’un saint martyr !
Quelques jeunes pêcheurs ont souri et haussé les épaules.
— Un coup de soleil, la vieille, t’a tourné la cervelle !
Cependant, tout ce peuple, curieux et avide d’aventures a gagné le port. Là-haut, les étoiles pâlissent ; une grande clarté blanche se lève sur la mer. Les vagues viennent battre la grève à petits coups réguliers. De barque, point… Là-bas, deux bateaux de pêche qui rentrent à force de rames.
— Cocorico !